À l'aéroport londonien de Gatwick, un vieil homme demande le droit d'asile au moment de son passage à l'immigration. Il voyage avec un passeport au nom de Rajab Shaaban Mahmud, mais son véritable patronyme est Saleh Omar ; comme cela lui a été conseillé, il fait croire qu'il ne parle pas anglais. Dans sa valise, quelques vêtements et une boîte d'encens qui réveille
des souvenirs du passé sur la façon dont elle est entrée en sa possession lors d'une transaction avec Hussein, un marchant persan de passage à Zanzibar où il était encore un jeune marchand de meubles prospère.
Son dossier est pris en charge par Rachel, jeune avocate qui va chercher un interprète afin de pouvoir communiquer avec lui ; elle prend ainsi contact avec Latif Mahmud, un universitaire parlant le Kiswahili mais son intervention ne sera pas nécessaire parce que le vieil homme fini par révèler qu'il parle couramment l'anglais. Le message laissé sur le répondeur de Latif fait lui aussi renaître des souvenirs de Zanzibar, son enfance, ses parents, le séjour d'un marchand persan, Hussein, dans sa maison, la disparition soudaine de son frère Hasan et son départ sans retour.
Les mois passent jusqu'à ce que Latif demande à Rachel de rencontrer le vieil homme. Une confrontation est nécessaire pour apaiser les fantômes du passé, combler les trous d'une histoire commune et comprendre comment l'identité du père de Latif a pu être reprise par un autre.
Dans ce roman, le passé est revisité par vagues, par l'un, puis par l'autre, avant que le flux fusionne pour battre de concert. Il y a un regard d'enfant et ce qu'il a
compris d'une situation d'une part, et de l'autre une vérité différente, celle d'un homme sans réelle malice qui s'est montré orgueilleux à un moment de sa vie et l'a lourdement payé. Une histoire d'argent, de maison reçue en héritage, de femme volage et d'homme trompé, de commérages, de cupidité, d'amertume, de trahisons, de haine et de vengeance... Une fresque humaine et familiale, marquée par la petitesse et la bassesse alors qu'en arrière-plan se modifie la structure du pays, de l'époque coloniale à l'indépendance et l'histoire moderne.
Un récit riche et subtil, axé sur des personnages avec leurs joies et leurs faiblesses, dans leur quotidien fait de tous ses petits détails qui le rendent si vivant. L'ancrage dans la réalité historique est par ailleurs passionante, offrant des indices marquants sur les différentes périodes comme les relations commerciales maritimes ancestrales, les conditions bancaires discriminatoires pour l'attribution des prêts selon le groupe d'appartenance- blancs/indiens ou autochtones-, les accords universitaires avec les pays de l'est ou l'expulsion des Omaris après l'indépendance même s'ils étaient assimilés depuis plusieurs générations.
C'est son prix Nobel de littérature 2021 qui m'a incitée à ouvrir les livres de Abdulrazak Gurnah mais après Afterlives et cette deuxième lecture, l'auteur m'a convaincue avec ses récits profondément humains et puissamment évocateurs...Une valeur sûre, à suivre !
Extraits du texte :
What do you think you'll find here ? (...) I know something about uprooting yourself and going to live somewhere else. I know about the hardship of being alien and poor, because that is what they went through when they came here, and I know the rewards.But my parents are Europeans, they have a right, they're part of the family. Mr Shaaban, look at yourself (...) People like you come pouring in here without any thought of the damage they cause.You don't belong here, you don't value any of the things we value, you haven't paid for them through generations, and we don't want you here.We'll make life hard for you, make you suffer indignities, perhaps even commit violence on you. Mr Shaaban, why do you want to do this ?
Years before, the British authorities had been good enough to pick me out of the ruck of native school-boys eager for more of their kind of education, though I don't think we all knew what it was we were eager for. It was learning (...) I think also we secretly admired the British (...) perhaps admired is too uncomplicated a way of describing what I think we felt, for it was closer to conceding to their command over our material lives, conceding in the mind as well as in concrete, succumbing to their blazing self-assurance. In their books I read unflattering accounts of my history, they seemed truer than the stories we told ourselves. I read about the diseases that tormented us, about the future that lay before us, about the world we lived in and our place in it. It was as if they had remade us, and in ways we no longer had any recourse but to accept, so complete and well-fitting was the story they told about us.
They told us about the nobility of resisting tyranny in the classroom and then applied a curfew after sunset, or sent pamphleteers for independence to prison for sedition.
Leaving. I've had years to think about that, leaving and arriving, until the moments acquire a crust and a gnarled disfigurement that gives them a kind of nobility.
I was flying for the first time, and I did not want to do something embarassing and childish. I did not think of her, and I did not think what a long shadow that moment would cast over what was to come to my life. I did not think to myself that I should pay attention to everything around me so that later I would remember those last seconds before departure. I did not remind myself to secrete away the images and the sights and the smells of that moment for the sterile years ahead, when memory would strike out of dilence and leave me quivering with helpless sorrow at the way I had parted from my beautiful mother.
Titre français : Près de la mer
Titre anglais : By the Sea
Auteur : Abdulrazak Gurnsh
Première édition : 2001
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