samedi 29 février 2020

changer l'eau des fleurs de Valérie Perrin


Abandonnée à la naissance, balotée de famille d'accueil en famille d'accueil, Violette Trénet a dix-huit ans quand elle rencontre Philippe Toussaint, d'une dizaine d'années son aîné ; ils ont rapidement une petite fille et se marient. Philippe est beau, volage et bon à rien alors que Violette est jeune, amoureuse, patiente, attentionnée dans ses rôles d'épouse et de mère. Pendant que Philippe écume les routes à moto et se fait entretenir sans aucune honte, Juliette s'occupe de tout, le travail (pour deux) de garde-barrière, la maison, la famille. Et lorsque le poste de garde barrière est supprimé, Violette convainc Philippe de reprendre une place de gardien de cimetière dans une autre commune.
Philippe finira par disparaître, du jour au lendemain, une circonstance qui ne semble finalement pas chagriner Violette...

Si la situation initiale est clairement posée sur ce drôle de ménage, on comprend rapidement qu'elle n'est pas aussi simple qu'elle le paraît : le couple est hanté par un drame dont on apprend les tenants et les aboutissants par petites doses, au travers de plusieurs histoires et de plusieurs personnages qui apportent chacun leur pierre à la compréhension globale, comme autant de tiroirs qui s'ouvrent pour en sortir une pièce du puzzle qui prend doucement forme.

J'avais longtemps hésité avant d'ouvrir ce livre parce que j'étais restée sur un sentiment plutôt mitigé après la lecture de les oubliés du dimanche, premier et précédent roman de Valérie Perrin. Les avis dithyrambiques sur son second roman n'ont par ailleurs pas aidé mon indécision car j'avais un peu peur de retomber dans un ouvrage "feel good" (au fond, ce qu'il est), genre très à la mode qui m'agace beaucoup pour la dose d'angélisme et d'invraissemblances qu'il draine dans son sillage. J'avais donc mis ce titre de côté en attendant le moment opportun, celui où j' aurais besoin d'une "lecture facile"... sur ce plan, c'est sans surprise, l'objectif est rempli, on tourne les pages sans trop se prendre la tête avec une écriture simple et efficace.

J'ai eu un peu de mal à entrer dans cette histoire "à tiroirs" qui joue sur les allers-retours dans le temps et des changements de points de vues mais je dois avouer que malgré son côté très fleur bleue, le scénario est finalement plutôt bien conçu et bien mené : la simplicité de la situation initiale laisse progressivement place à une histoire plus dense, plus profonde. Le récit s'étoffe et permet le déploiement d'une large palette de sentiments alors que les destins croisés des acteurs prennent du sens autour du personnage central de Violette.

Une histoire gentillette qui fleure bon la campagne et la bienveillance, sans réelle prétention, parfait pour s'en laisser conter.

Titre : changer l'eau des fleurs
Auteur : Valérie Perrin 
Première édition : 2019

samedi 22 février 2020

Le voleur d'éternité d'Alexandra Lapierre

XVIIème siecle

Des "Borders" (frontière entre l'écosse et l'Angleterre) à Cambridge, de Cambridge au service du Comte d'Arundel, de l'Angleterre à l'Italie puis à la turquie, Alexandra Lapierre nous emmène sur les traces de William Petty, le "voleur d'éternité". Un roman qui redonne vie à cet oublié de l'histoire, universitaire-caméléon visionnaire à l'œil sûr, passionné par l'antiquité et ses vestiges dont il extirpa des fragments des bords de la Méditerranée pour les rapporter à son maître en Angleterre qui consacra sa fortune à constituer ses collections.
L'histoire d'un homme épris de beauté et de liberté dans un contexte marqué par toutes sortes de carcans, de rivalités et de Luttes de pouvoirs : entre le comte d'Arundel et le duc de Buckingham, entre différentes factions et/ou obédiences religieuses- anglicans, catholiques, Jésuites, orthodoxes, ottomans-, entre anglais, français, italiens, grecs ou turques, etc.

L'auteur nous livre ainsi la petite et la grande histoire, une introduction bien intéressante à l'Angleterre et à l'Europe du XVIIème, aux passions et aux événements constituant la génèse des musées d'aujourd'hui. Et pour déméler le romancé de l'avéré, Alexandra Lapierre partage ses notes d'enquête à la fin de l'ouvrage (20% du livre) avec ses sources d'une part et la part d'ombre qu'elle a imaginé d'autre part.

Un livre bien écrit et un ouvrage enrichissant qui m'a appris plein de choses non seulement sur le personnage mais aussi sur les Borders, la vie à Cambridge, l'Europe du XVIIème... une lecture pour apprendre en s'évadant, comme je les aime, tout simplement !

Titre : le voleur d'éternité 
Auteur : Alexandra Lapierre
Première édition : 2004

vendredi 14 février 2020

Hiver arctique / Arctic Chill d'Arnaldur Indridason


En plein hiver, Erlandur, Sigurdur Oli et Elinborg enquêtent sur le meurtre d'un enfant, retrouvé baignant dans son sang, poignardé à deux pas de chez lui. Un gentil garçon sans histoire qui vivait depuis peu dans ce quartier avec sa mère divorcée et son frère d'origine thaïe. Il y a peu d'éléments pour étayer les recherches alors il faut creuser, interroger largement sans fil pour se diriger : s'agit-il d'un crime xénophobe ? L'acte d'un pédophile ? Pourquoi la mère a-t-elle peur pour son autre fils et le cache-t-elle ?
Et comment garder l' esprit clair quand Erlandur est préoccupé par une accumulation de stress :
- les réminiscences qu'engendrent la mort du jeune garçon sur la disparition de son propre frère,
- les interrogations de ses enfants Eva Lind et Sindri qui le sondent eux aussi sur ce traumatisme d' enfance,
- les appels mystérieux d'une femme qu'il relie à une autre enquête en cours,
- les visites à l'hôpital à Marion Briem, ancien mentor qui vit ses derniers instants dans la solitude et dont il faut organiser les funérailles.

Un univers plutôt pesant et lugubre dans le froid et les ombres de l'hiver islandais mais dans lequel je me replonge avec délectation maintenant que je me suis lancée sur les traces d'Erlandur. Cette exploration systématique de la série m'offre une petite parenthèse de lecture facile "entre deux" avec ce personnage hanté et torturé, à la fois ténébreux et attachant.
Un rendez-vous et des relations du même type que celles que je peux ou ai pu entretenir avec l'inspecteur Harry de Jo Nesbo, Carl Mork d'Adler Olsen, Erica Falk et Patrick Hedstrom de Camilla Lackberg, Mma Ramotswe d'Alexander McCall Smith ou encore, là ça commence à dater, Kay Scarpetta de Patricia Cornwell : j'aime leurs enquêtes touche à tout, tout en suivant l'évolution de ces personnages récurrents, leur vie ou leur environnement qui mettent souvent à bas bien des clichés.

Un petit bonbon islandais acidulé, à apprécier comme tel.

Du même auteur, voir aussi :
L'homme du lac / The draining lake (4) (non chroniqué sur le blog) 
La voix / Voices (3)
La femme en vert / Silence of the Grave (2)
La cité des Jarres / Jar City (1)
Les nuits de Reykjavik / Reykjavik Nights

Titre français : Hiver Arctique
Série les enquêtes du Commissaire Erlandur Sveinsson / A Reykjavik Murder Mystery (5)
Titre anglais : Arctic Chill
Auteur : Arnaldur Indridason
Première édition : 2005

dimanche 9 février 2020

Autour de ton cou / The thing around your neck de Chimamanda Ngozi Adichie

Dans ce recueil de nouvelles, Chimamanda Ngozi Adichie nous fait voyager entre Nigéria et États-Unis pour nous offrir une douzaine de tranches de vies aux contours les plus variés.

Nous passons d'un pays à l'autre, du séjour initiatique d'un jeune homme indiscipliné passant par la case prison dans Cellule Un à Imitation, dans laquelle une épouse jusque là soumise, mère de deux enfants, dont le mari appartient au "club des Riches Nigérians qui Envoient leurs Épouses Accoucher en Amérique" prend une décision irrévocable ...
Au Nigéria, Une expérience intime rapproche deux femmes, l'une chrétienne, l'autre musulmane pendant une nuit d'émeutes alors que Fantôme évoque des vies entières lorsque deux hommes se croisent sur un campus, un retraité dont la pension n'est pas versée, visité par sa femme décédée et l'autre, un "revenant" que tout le monde croyait mort depuis longtemps.

Retour aux États-Unis pour une expérience intime des plus troublante Lundi de la semaine dernière quand une nounou est comme envoûtée par la mère du garçonnet dont elle s'occupe. Petit détour ensuite par l'Afrique du Sud et Jumping Monkey Hill pour une nouvelle dans la nouvelle et un atelier d'écriture regroupant des auteurs venus de plusieurs pays d'Afrique. De nouveau l'Amérique et l'écart entre les attentes de ceux qui restent au pays, les idées préconçues et la réalité pour une jeune immigrante nigérianne qui a gagné sa carte verte à la loterie, un vrai poids Autour de ton cou. Pendant ce temps à Lagos, une femme qui vient de vivre un drame, en état de choc, fait la queue devant l'ambassade américaine pour une demande d'asile. À la suite d'une autre tragédie, un crash aérien au Nigéria, deux voisins immigrés d'une résidence du campus de Princeton, font une prière générant Le Tremblement, se lient d'amitié et se confient progressivement l'un à l'autre, il est question de foi, de peines de cœur, de sexualité. Quant à elles, Les marieuses nous permettent de découvrir un couple de jeunes mariés sur présentation : "sur le papier" c'est "le jackpot" pour une orpheline élevée par son oncle et sa tante qui lui ont trouvé cet excellent parti, un médecin aux États-Unis, mais la réalité tient du miroir aux alouettes.
Demain est trop loin, une histoire terrible de jalousie et de mensonges avec la mort d'un enfant pendant ses vacances chez sa grand-mère alors qu'une toute autre grand-mère semble passer le relais à L'historienne obstinée en nous faisant traverser l'histoire de son pays et les conséquences de la colonisation au travers de la destinée familiale.

La nouvelle n'est pas mon genre favori mais je dois avouer que les qualités d'écriture de Chimamanda Ngozi Adichie le rend tout à fait appréciable : elle arrive à donner une densité remarquable à chacune de ses histoires qui sont toutes très abouties, évocatrices, vivantes à souhait. Les thématiques développées sont souvent très dures mais l'ensemble du recueil n'en est pas moins étonnamment lumineux sans doute du fait de l'humanité qui se dégage des personnages, parfaitement croqués, avec leur complexité et celle du monde qui les entoure. Elle porte un regard très affûté et sans concession sur la société, réaliste mais non exempt d'une certaine tendresse et de générosité, riche des deux cultures dans lesquelles elle évolue qui lui permettent d'avoir un certain recul tout en percevant la relativité des choses, à valeur universelle, loin des clichés et des idées preconçues qu'elle redresse bien souvent.

Une auteur que je recommande à 100%, passionnante dans tous les genres qu'elle aborde ; que ce soient nouvelles, romans ou essais, elle y excelle et où qu'elle choisisse d'aller, je la suis désormais les yeux fermés !

Du même auteur, voir aussi :
L'hibiscus Pourpre / Purple Hibiscus
Nous sommes tous des féministes / We should all be feminists
L'autre moitié du soleil / Half of a yellow sun
Americanah / Americanah (non chroniqué sur ce blog)

Titre français : Autour de ton cou
Titre anglais : The Thing Around your Neck
Auteur : Chimamanda Ngozi Adichie 
Première édition : 2009

mardi 4 février 2020

L'américaine de Catherine Bardon

Après Les Déracinés, voici L'américaine de Catherine Bardon. Surfant sans doute sur la vague du succès du premier livre qui m'avait beaucoup intéressé, l'auteur nous emmène cette fois sur les traces de Ruth, la fille d'Alma et Wilhelm Rosenheck, réfugiés en République Dominicaine où ils avaient reconstruit leur vie après avoir fuit l'Autriche et la Shoa. Bouleversée par la mort de son père, la jeune femme a abandonné ses études d'infirmière pour le journalisme et quitte son paradis natal pour New York où l'attendent sa tante Myriam, son oncle Aaron et son cousin Nathan qui l'accueillent comme leur fille/ leur soeur. On suit donc la vie cossue de Ruth dans l'Amérique du début des années 60 et ses états d'âmes qui n'en finissent pas, ses excursions vers Israël, et aussi l'écho de l'actualité de la République Dominicaine au travers de la voix d'Almah.

Autant j'avais aimé Les déracinés, autant j'ai trouvé L'américaine sans aucun  intérêt, quelle déception !

Que ce soit l'écriture, la structure, l'histoire, les personnages, j'ai une impression de copie baclée, du vite fait mal fait, comme si l'auteur avait dressé une liste de sujets et de thèmes qu'elle voulait "placer" sans réussir à les "faire vivre" en les intégrant dans son histoire, donnant une narration finalement plus descriptive que romanesque ... Ça part un peu dans tous les sens, sans queue ni tête; l'écriture est poussive, pleine d'expressions toutes faites qui tombent à plat, agaçantes ; des anachronismes absurdes m'ont faits bondir à plusieurs reprises ; les personnages et leurs relations sont parfois d'une niaiserie confondante et surtout ce texte manque totalement de substance, superficiel et sans aucune profondeur dans son ensemble.

On comprendra que je n'ai pas du tout été sensible aux états d'âme de Ruth, enfant gâtée qui passe son temps à "ouvrir son cœur" avant de "savoir ce qu'il faut faire" dans sa quête initiatique. Ça n'arrive pas souvent mais je referme le livre et cette chronique avec humeur et même la sensation de m'être faite un peu escroquer par l'éditeur pour la perte de temps occasionnée. À oublier très vite.

Du même auteur, voir aussi :
Les déracinés

Titre : L'américaine 
Auteur : Catherine Darbon
Première édition : 2019

samedi 1 février 2020

The house between tides de Sarah Maine

En 1945, en Écosse sur une presqu'île des Hébrides, après une vente aux enchères, une femme tourne le dos et quitte définitivement la maison vide de Muirlan House : c'est un endroit et un moment pivots entre les deux époques qui font battre le cœur du livre.
Comme le va et vient des marées, on va ainsi passer des années 1910-1911 à l'époque actuelle, de Théo et Béatrice Blake à Hetty, d'un peintre tourmenté collectionneur d'oiseaux à une jeune femme projetant de transformer une maison héritée en hotel de luxe avec toujours, au centre, Muirlan House, ses fantômes et ses secrets. Il faut dire que les choses ne sont pas telles qu'Hetty se les était imaginées : son héritage n'est qu'une ruine irrécupérable, la source ancienne et amère de ressentiments pour la population locale et pour couronner le tout, le sondage des fondations mettent à jour un cadavre... Dans une communauté où tout se sait et qui ne compte aucun disparu, qui cela peut-il bien être ? ... Ne reste alors plus qu'à déméler les fils du passé pour tricoter le futur...

Un roman et des personnages qui battent véritablement autour d'un lieu dans toute sa beauté sauvage soumise aux éléments, sans cesse renouvelée. Un endroit qui semble réduire les hommes au second plan ou comme simples figurants d'un tableau qui les absorbe et les engloutit, d'abord subjugués puis anéantis. Amours, modes de vies, rapports entre riches et pauvres / puissants et subalternes / hommes et femmes, les thèmes abordés ne manquent pas et on se laisse facilement emporter dans le sillage de cette fresque romanesque même si elle est parfois un peu prédictible et/ou simpliste.
Un livre toutefois très évocateur qui fait (re) naître l'envie d'aller découvrir ces îles lointaines d'Écosse, comme avait déjà su le faire Peter May dans sa trilogie écossaise.

La trilogie écossaise de Peter May, voir :
L'île des chasseurs d'oiseaux / The Black house
L'homme de Lewis / Lewis Man
Le braconnier du lac perdu / The Chess Man

Titre original : The House Between Tides
Pas encore de traduction française
Auteur : Sarah Maine
Première édition : 2014