dimanche 27 octobre 2019

Les enfants de Venise de Luca di Fulvio

Venise, 1516.

Petits orphelins voleurs des rues de Rome, Mercurio, Benedetta et Zolfo doivent fuir la ville à la suite d'une escroquerie qui tourne mal. Champion du déguisement, Mercurio prend la route travesti en moine sans savoir que la victime qu'il pense laisser derrière eux a survécu et qu'elle n'aura de cesse de les poursuivre pour se venger.

De leur côté, Issaco et Giuditta ont quitté l'île où la jeune fille a été élevée par sa grand-mère. Un père et une fille appartenant à la communauté juive, qui se découvrent en cherchant un meilleur avenir.

Alors que les deux groupes convergent vers Venise, ils se retrouvent placés sous la protection du capitaine Lanzafame et sa troupe de soldats de retour, victorieux, de la bataille de Marignan : Isacco soigne les blessés et entame sa carrière de "faux médecin" alors que Mercurio soulage leurs âmes dans son rôle de "faux prêtre", deux escrocs de haut vol qui se reconnaissent au premier coup d'oeil.
Les deux partis se retrouvent séparés à leur arrivée à Venise, ville en principe fermée aux étrangers, mais Mercurio qui est tombé sous le charme de Giuditta fait la promesse quʼil la retrouvera...

Chacun va suivre son chemin et évoluer au cœur de cette trâme romanesque dense, complexe, intense, portée par les sentiments forts des uns et des autres, des uns envers les autres. Au delà de l'amour de Mercurio et Giuditta, on y retrouve un peu toutes les variations de l'amour (paternel, maternel, etc. ), la haine aussi, celle qui vient de la jalousie ou du rejet de l'autre avec l'antisémitisme, le pouvoir, l'amitié, le respect, le doute, l'assurance, etc.
On voyage dans le temps pour découvrir Venise un peu sous tous ses angles, dans la rue, les marchés ou les bordels avec les plus pauvres, dans les palais des plus riches, des plus puissants voire des plus pervers, dans le "ghetto" des juifs qui ne peuvent exercer que trois types d'activités autorisées, dans la fourmilière de l'arsenal ou le palais de justice pour un procès en sorcellerie, la République de Venise et ses rapports à la papauté avec l'inquisition qui menace...

Un monde très vivant, fascinant, admirablement mis en scène et des personnages qui nous emportent... Un roman un peu "à la Dickens" et une lecture captivante dans la plus grande tradition littéraire : juste un pur bonheur !

Extraits du texte :
 La vie est simple. Quand elle devient compliquée, ça veut dire qu'on se trompe quelque part. (...) Si la vie devient compliquée, c'est parce que c'est nous qui la compliquons. Le bonheur et la souffrance, le désespoir et l'amour sont simples. Il n'y a rien de difficile.

Ciao ? Qu'est-ce que ça veut dire ?
Pour se saluer, la coutume est de dire schiavo vostro, "je suis votre esclave". Dans notre langue, schiavo se dit s-ciavo. Avec le temps, des lettres se sont perdues... On ne sait pas où ! 

L'amour nourrit et engraisse. La haine consume et creuse. L'amour enrichit, la haine soustrait.

Dans notre monde, la vérité est celle qu'écrivent les puissants. En soi, elle n'existe pas.

Titre : Les enfants de Venise
Auteur : Luca Di Fulvio
Première édition : 2017

mardi 22 octobre 2019

Une éducation / Educated de Tara Westover


What has come between me and my father is more than time or distance. It is the change in the self. 
I am not the child my father raised, but he is the father who raised her.

États-Unis.

Tara a grandi au pied des montagnes de l'Idaho dans une famille de survivalistes : une naissance non déclarée, sans certificat, une enfance sans fréquenter l'école et sans jamais voir un médecin, une mère sage-femme et herbaliste, un père Mormon qui régente tout son monde en exploitant une casse, une grande famille dont un frère manipulateur et violent, les pages de la Bible comme fondement culturel. La famille vit dans la peur d'une attaque des autorités et se prépare à la fin des temps en confectionnant et en stockant les bocaux qui assureront sa survie. Une normalité totalement hors normes.

Deux grands frères se sont déjà émancipés quand Tara décide, à 15 ans, de s'auto-éduquer pour postuler au lycée puis à l'université. Un parcours du combattant qui la ménera, contre toute attente, à Harvard et à Cambridge ; une éducation qui lui fait ouvrir les yeux sur un autre monde et sur elle même, en rupture totale avec son univers d'origine qui la rejette en lui faisant payer le prix fort. Un noyau libre qui ne connaît rien des codes de la société et un témoignage courageux et passionnant, touchant non seulement au pouvoir de l'éducation mais aussi et avant tout à l'identité, à la réalisation de soi, à la liberté individuelle et ce qu'elle vaut dans le contexte parfois complètement toxique des relations sociales et familiales.

Se lit comme un roman mais fait véritablement froid dans le dos parce ce que n'en est pas un.
Le témoignage coup de poing d'une métamorphose, absolument fascinant !

Voir aussi :
Hillbilly Élégie / Hillbilly Elegy de J. D. Vance

Extraits du texte :
Everyone sounded mad as hornets, but really they were having a lovely conversation.
 You had to listen to what they were saying, not how they were saying it. That's how Westovers talk! 

Not knowing for certain, but refusing to give way to those who claim certainty, was a privilege I had never allowed myself. 
My life was narrated for me by others. Their voices were forceful, empathic, absolute. 
It had never occurred to me that my voice might be as strong as theirs. 

"Negative liberty" (...) is the freedom from external obstacles or constraints. 
An individual is free in this sense if they are not physically prevented from taking action. "(...)" 
positive liberty is self-mastery - the rule of the self, by the self. 
To take positive liberty (...) is to take control of one own's mind; to be liberated from irrational fears and beliefs, from addictions, superstitions and all other forms of coercion."

I don't know what caused the transformation, (...) but there was something (...) 
that showed me I could admire the past without being silenced by it. 

You were my child, I should have protected you. (...) 
When my mother told me she had not been the mother to me she wished she'd been, she became that mother for the first time. 

She was inside, and emerged whenever I crossed the threshold of my father's house. 
That night I called her and she didn't answer. She left me. She stayed in the mirror. 
The decisions I made after the moment were not the ones she would have made. 
They were the choices of a changed person, a new self.
You could call this selfhood many things. Transformation. Metamorphosis. Falsity. Betrayal. 
I call it an education.

Titre original : Educated
Titre français : une éducation
Auteur : Tara Westover
Première édition : 2018

samedi 19 octobre 2019

Serving Crazy with Curry d'Amulya Malladi

 

Californie.

Après sa rupture avec son dernier petit ami en date, un homme marié, Devi est seule. Elle a en outre perdu un bébé au cours d'une grossesse gardée secrète et elle vient d'être licenciée... la jeune femme est au fond du trou et tout va si mal qu'elle ne voit pas d'autre issue que le suicide.
Elle est sauvée in extremis par sa mère Saroj, la personne qui l'exaspère le plus au monde.

Après sa sortie de l'hôpital, elle n'a pas le choix et doit réintégrer le foyer de ses parents qui ne comprennent pas le geste de leur fille, d'autant moins que Devi se tait et se terre dans le silence. Elle va toutefois prendre le pouvoir dans le domaine jusqu'alors entièrement réservé de sa mère, la cuisine, pour concocter des plats plus succulents les uns que les autres, reflets de son état d'esprit du moment, alors qu'autour d'elle, la famille pourtant disfonctionnelle fait corps... En se régalant !
Un cercle composé de :
Saroj, mère au foyer qui voudrait que tout soit toujours si parfait qu'elle en est insupportable pour tout son entourage et s'en oublie, nostalgique de son Inde natale quittée pour suivre son mari quand ses filles étaient petites.
Avi, le père, archétype de l'entrepreneur qui a réussi ; il illustre le rêve américain mais a renoncé à l'harmonie de son couple et "tient" grâce à des lettres à cœur ouvert qu'il garde pour lui.
La grand-mère maternelle en visite, ancienne complice de Devi et en conflit quasi permanent avec sa fille ; elle vit habituellement en Inde où elle a eut un parcours singulier de médecin, femme indépendante qui divorça dʼun homme violent pourtant idéalisé par Saroj qui a mal supporté de grandir comme une "enfant de divorcés" stigmatisée.
La sœur, Shobba, la "fille parfaite“ au parcours professionnel sans faute, mariée selon la tradition par présentation ; contre les apparences, elle est en réalité coincée dans un couple en souffrance et sans perspectives d'enfant du fait de sa stérilité.
Le beau-frère, Girish, professeur à Stanford, sérieux et un peu froid, il semble jouer les témoins dans cette drôle de famille.

Une sorte de huis clos à six personnages au cours duquel bien des abscès vont être crevés, la tentative de suicide agissant comme catalyseur d'une thérapie familiale jusqu'aux rebondissements finaux plutôt inattendus.

Une auteur que j'aime bien, qui commence seulement à être traduite en français pour ses deux derniers livres alors que ses romans plus anciens, comme celui-ci, peut-être plus limités à la sphère familiale, dénotent déjà d'une belle qualité d'écriture.
Une histoire à découvrir en se léchant les babines !

Du même auteur, voir aussi :
Song of the Cuckoo bird
The Mango season
Le foyer des mères heureuses / A House for Happy Mothers
Une bouffée d'air pur / A breath of fresh air

Titre original : Serving crazy with curry
Pas (encore) de traduction française. 
Auteur : Amulya Malladi
Première édition : 2004

jeudi 17 octobre 2019

Once a midwife de Patricia Hartman

La saga de la sage-femme des Appalache continue et nous retrouvons Patience à la fin de l'année 1941, pour quatre nouvelles saisons chroniquant la vie d'une communauté rurale au moment où l'Amérique, sortie de la crise, se retrouve entrainée dans la guerre après Pearl Harbor. Dans le contexte d'un grand élan patriotique, le couple Patience-Daniel est mis à rude épreuve lorsque Daniel, vétéran de la première guerre mondiale, refuse purement et simplement tout enregistrement ou engagement dans cette nouvelle guerre. Une attitude à contre courant, mal comprise, qualifiée de "lacheté" et qui singularise toute la famille...

La narration revient de nouveau à Patience car le rythme des naissances continue à faire battte le coeur de cette saga. Je ne m'en lasse pas car ces mises au monde sont des moments intimistes forts, presque toujours synonymes de "délivrance" (un mot qui prend véritablement sens), de joie ou d'espoir.
On retrouve les personnages des deux premiers tomes comme de vieux amis pour lesquels on vient aux nouvelles, content de savoir où ils en sont et par où le destin les a mené : c'est par exemple le cas avec Bitsy, l'assistante noire de Patience qui avait disparu à la fin du premier tome et qui nous revient dans ce troisième volet.
Et puis il ne faut pas oublier le contexte de l'époque que l'auteur sait si bien faire vivre, cette Amérique qui renait après dix ans de crise, portée par l'enthousiasme d'une nouvelle génération qui s'engage et part se battre la fleur au fusil, bien trop sûre d'elle.

La naissance et la mort, la vie et l'Histoire ramenée au quotidien d'une communauté ordinaire, voilà les clés de cette saga très réussie. 

Voir aussi :
La sage-femme des Appalaches / The Midwife of Hope River (tome 1)
The Reluctant Midwife (tome 2)

Titre original : Once a Midwife
Pas encore de traduction française. 
Troisième tome de la saga de la sage-femme des Appalaches
Auteur : Patricia Hartman
Première édition : 2018

mercredi 16 octobre 2019

The Reluctant Midwife de Patricia Harman

Le deuxiėme volume de la saga de la sage-femme des Appalaches nous ramène, pour un cycle de quatre nouvelles saisons, sur les rives de la rivière Hope, en 1934-1935.
Alors que l'Amérique est dévastée par la Grande Dépression, nous retrouvons notre petite ville rurale frappée par le marasme, où chacun essaye de survivre au jour le jour mais où la vie suit aussi son cours avec de nouvelles naissances à accompagner. Parience, désormais mariée au vétérinaire Daniel est elle même enceinte et immobilisée si bien que c'est Becky, l'infirmière, qui n'a pas d'autre choix que de prendre le relais afin d'assurer le rôle de sage-femme, bien malgré elle. Il faut dire que Becky a eu son lot de misères et qu'elle est de retour dans la région accompagnée du docteur Blum dont elle s'occupe, un homme brisé depuis la mort de sa femme et enfermé dans le mutisme depuis des mois.
Sage-femme à temps partiel, l'infirmière va aussi avoir l'opportunité de travailler dans un camp gouvernemental semi-militaire CCC (Civilian Conservation Corp) qui emploie de jeunes hommes pour revitaliser l'économie rurale dans le cadre d'un des tous premiers projets du New Deal lancé par le président Rossevelt afin de redresser le pays.

Un roman et une saga faciles à lire, qu'on dévore avec plaisir, plongé dans cette Amérique profonde au moment de la mise en place du New Deal. L'acte de la mise au monde reste au coeur du livre si bien que la narration est désormais relayée par Becky et non plus par Patience qui reste un personnage important, placé au second plan pour veiller au grain.Une histoire qui non seulement nous emporte mais nous enrichit pour sa part historique et humaine, réaliste, crédible et si bien rendue.

J'aime vraiment cette combinaison, alors hop, je n'attends pas : au suivant ...

Extraits tirés du texte :
Childbirth is such an intense experience (...) The moment a new person enters the world, everything changes. Everyone must move over to make room, every person, every rock, every tree, every star, and the midwife is privileged to witness the miracle.

I have lived under the presumption that there is great pain in this life and you must move carefully or you will get hurt, but I see today, that sometimes pain brings great joy, like labor contractions bring us the baby.

Voir aussi :
La sage-femme des Appalache / The Midwife of Hope River (Tome 1)
Once a Midwife (Tome 3)

Titre original : The Reluctant Midwife
Pans encore de traduction française
Deuxième volet de la saga "La sage-femme des Appalaches"
Auteur : Patricia Harman
Première édition : 2015

lundi 14 octobre 2019

Ma mémoire assassine de Kim Young-ha


Kim Byeong-su a 70 ans.
Dans son village, il vit isolé, à côté d'un bois de bambous.
Ex tueur en série assagi, il est atteint de la maladie d'Alzheimer.
Il se souvient parfaitement de chacun de ses vieux crimes mais sa mémoire à court terme est de plus en plus confuse.
Pour essayer de s'y retrouver, il écrit et s'enregistre parce qu'il a encore une tâche importante à accomplir : éliminer un prédateur qu'il a reconnu et qui tourne autour de sa fille adoptive qu'il veut protéger.

Il y a longtemps que je n'avais pas ouvert un roman coréen dont les auteurs sont souvent champions des scénarios tordus alors même s'il ne faut bien sûr pas généraliser, celui ci rentre assez bien dans cette catégorisation. Un roman aigre-doux, caustique, agrémenté d'une touche d'humour noir qui traite avec beaucoup de justesse de la maladie d'Alzheimer. À partir de petits mots écrits et de pensées dans la tête du tueur, le lecteur est plongé dans la même  confusion et les mêmes frustrations que le narrateur qui lutte contre l'oubli. Comme lui, on a du mal à faire la part du vrai et du faux, jusqu'à ce que quelques points d'ancrages viennent nous remettre sur la voie de la réalité.
Un personnage vraiment peu recommandable mais dont la vulnérabilité le rend attachant, un tour de passe-passe exécuté de main de maître !

Une lecture très intéressante et prenante, faite quasiment d'une traite, à découvrir.

Extraits tirés du texte :

Chaque fois que j'enterrais une nouvelle victime, je me disais : "Je ferai mieux à la prochaine fois." 
Si j'ai cessé de tuer, c'est parce que cet espoir a disparu. 

Je suis sûr de connaître les réponses, mais elles refusent de surgir dans ma tête. 
Je les connais et, en même temps, je ne les connais pas. Comment une chose aussi absurde est-elle possible ? 

Les mots disparaissent. Mon cerveau me fait de plus en plus penser à un concombre de mer, gluant et percé de petits trous. Tout s'en échappe. Le matin, je parcours le journal de la première à la dernière page, mais une fois que j'ai terminé, j'ai l'impression d'avoir oublié plus de choses que j'en ai lu. Malgré tout, je lis, même si déchiffrer une phrase est pour moi aussi ardu que d'essayer de monter un meuble dont il manque les principales pièces. 

Ces derniers temp, je perds de plus en plus la mémoire,
 tout ce que je n'ai pas noté me glisse entre les doigts comme une poignée de sable. 

En perdant la mémoire, mon esprit perd aussi son domicile. 

Il existe bon nombre d'imbéciles qui veulent systématiquement mettre les gens dans des cases. C'est pratique, mais toujours un peu risqué, ils imaginent mal qu'il puisse exister des êtres humains qui n'entrent dans aucune de leurs catégories. 

Quand je perds la mémoire du passé, je ne sais plus qui je suis, 
tandis que si je perds la mémoire du futur, je suis coincé dans le présent pour toujours. 

En perdant la mémoire, on perd aussi son humanité. 
Le présent n'est qu'un point virtuel reliant le passé et le futur, en lui-même il n'est rien. 

Il n'est pas seulement enfermé dans le présent, 
il est prisonnier d'un temps qui n'appartient ni au passé, ni au présent, ni au futur, un temps erroné

Titre : Ma mémoire assassine 
Auteur : Kim Young-ha
Première édition : 2013

vendredi 11 octobre 2019

Les femmes de La Principal de Lluis Llach


Catalogne.
Maria a 20 ans en 1893 quand son père la réunit avec ses quatre frères dans le domaine familial pour leur annoncer les décisions et dispositions qu'il a prises face à la menace du phylloxéra qui attaque les vignes et va ruiner l'activité traditionnelle ayant fait la fortune de la famille : le père et les garçons vont s'établir définitivement à Barcelone où ils occuperont chacun un étage d'un immeuble-bastion et feront carrière de façon solidaire et complémentaire dans les hautes sphères de la société locale, dans le milieu médical, politique et écclésiastique. Quant à Marie, elle n'a pas le choix, et doit se sacrifier pour rester sur place dans l'isolement du village afin de garder la propriété avec la promesse qu'elle en héritera un jour.
Surnommée "la vieille" à 20 ans, elle est la première des trois générations de Marie qui vont se succéder à la tête du domaine, trois femmes qui vont traverser le XXème siècle en position de pouvoir dans un monde rural habituellement dominé par les hommes.

Des femmes peu conventionnelles, voire carrément excentriques et pas forcément très sympathiques que le lecteur découvre au travers d'une enquête de police pour un meurtre non élucidé, mise de côté au moment où éclate la seconde guerre mondiale mais reprise plus tard par un policier zélé.
 Il ne faut surtout pas se fier au titre qui semble donner des airs de grande saga romanesque à cette histoire, ce n'est pas tout à fait l'orientation qu'elle prend. On tourne les pages avec, au fil du texte, un meurtre, central, de l'amour, un peu, si peu, si mal, des rancœurs familiales, beaucoup, du sexe, de la domination, de la perversion, des mensonges, des secrets qui finissent par éclater ou qu'il faut taire, à jamais.

Un roman détonnant, parfois déconcertant, entre drame et comédie, entre admiration et détestation pour ces femmes dominatrices, toutes puissantes.
J'ai été un peu déroutée puis je me laissée prendre par cette histoire que j'ai finalement aimé pour sa touche d'extravagance, le ton décapant et satirique, ou encore ses retournements de situations pleins de surprises.

Titre : La Principal
Auteur : Lluis Llach
Première édition : 2017

jeudi 10 octobre 2019

Le lilas ne refleurit qu'après un hiver rigoureux / Lilac girls de Martha Hall Kelly


Caroline Ferriday est américaine, elle travaille au consulat français de New York, vient d'un milieu privilégié et investit une partie de son temps à défendre et promouvoir des œuvres caritatives auxquelles elle croit.
Kasia Kuzmerick est une toute jeune polonaise dont la vie bascule après l'invasion allemande et son arrestation pour collaboration avec la résistance.
Herta Oberheuser est allemande et médecin mais elle a du mal à se faire une place dans un monde d'hommes. Tenant enfin une chance d'exercer vraiment son métier, elle va accepter l'offre qui lui faite par la SS de travailler dans un camp, un pacte avec le diable.

Trois vies de femmes emportées par la seconde guerre mondiale et dont le fil du destin qui les relie s'appelle Ravensbrück... et ses "lapins".
Les lapins, ce sont des jeunes femmes qui servent de cobayes et font l'objet d'expérimentations médicales épouvantables mais qui réussissent à survivre en sautillant dans le camp pour échapper à la mort et pouvoir un jour témoigner.

Un roman à trois voix. Trois points de vues - deux proches, un lointain-, offrant chacun un éclairage différent sur un épisode particulier d'une époque et d'un lieu, Ravensbrück.

C'est un premier roman très réussi, très bien documenté, inspiré pour partie de faits réels : le volet américain incarné par Caroline est par exemple inspiré d'un personnage qui a réellement existé.

J'ai déjà beaucoup lu sur cette époque et ces sujets mais ce roman offre une perspective différente et nouvelle de la question, notamment la perception à distance, la façon dont le secret des camps a pu filtrer, comment il est ressenti et traité...On est emporté par cette histoire et ces femmes, leur psychologie aux ressorts très variés, la générosité, la culpabilité (ou non), l'ambition, la résilience portée par l'amour et la solidarité.

Un roman à la fois bien écrit et bien construit, un auteur de talent, à suivre.

Titre français : Le lilas ne refleurit qu'après un hiver rigoureux
Titre anglais original : Lilac Girls
Auteur : Martha Hall Kelly
Première édition : 2016

mercredi 9 octobre 2019

La mélancholie du kangourou de Laure Manel

Il n'y a pas de hasard(s), il n'y a que des rendez-vous. (Paul Éluard)

Formant un couple uni et amoureux, Antoine et Raphaëlle se préparent au bonheur d'être parents.
Sauf que le jour de l'accouchement, tout ne se passe pas comme prévu et Antoine, à 36 ans, devient à la fois père et veuf. Accablé par la douleur et le chagrin, il lui est impossible de s'occuper ou de même simplement regarder sa fille, la petite Lou. Au début, Simone, la grand-mère paternelle, vient de Bordeaux pour s'occuper du bébé mais c'est une solution transitoire qui n'est pas tenable et il faut rapidement trouver une nounou pour prendre le relai.

Contre l'avis de ses proches, Antoine opte pour l'embauche de Rose, une gamine de 20 ans, étudiante qui a besoin de gagner un peu d'argent en attendant l'admission qu'elle espère à l'école de danse de Londres.
Cotoyant ce père absent et broyé, dans un foyer où toute trace d'amour a disparu, la jeune femme va finalement s'occuper pendant deux ans de la petite fille, avec abnégation, en lui donnant son amour et en sachant, à force de patience et de psychologie tisser des liens entre sa protégée et ce papa qui refuse de l'être.

Un roman qui aborde une situation familiale extrême en la traitant sans mélodrame, avec justesse, réalisme et douceur, et aussi, un brin de magie qui en fait presque un conte de fée, à la Mary Poppins. Une plume qui m'avait déjà séduite et amusée dans la délicatesse du homard, et qui me donne le même plaisir de tourner les pages, presque de la jubilation : c'est à la fois triste et gai, entre deuil et (re)naissance. Un livre sur la résilience, les liens subtils qui se créent sur la durée, par la présence, la discrétion, la maturité aussi, celle du coeur dont la valeur n'attend pas le nombre des années.

Peut-être pas de la "grande littérature", marqué d'une touche de "feel-good" et de quelques larmes versées au passage,  la mélancholie du kangourou nous régale d'une bien jolie  histoire, en toute simplicité.

Extraits du livre :

On perd son empathie, on oublie les problèmes des autres quand on est centré sur les siens.

Titre : la mélancholie du Kangourou
Auteur : Laure Manel
Première édition : 2019

mardi 8 octobre 2019

Mapuche de Caryl Férey


Buenos Aires / Argentine, début des années 2000.

Jana est une jeune femme indépendante et secrète, artiste sculpteur d'origine Mapuche encore marquée par des traumatismes d'enfance. Une nuit, Paula, sa seule/meilleure amie, travesti /prostituée, l'appelle à l'aide après la disparition de Luz, un autre travesti qu'elle a pris sous aile et dont le cadavre sera retrouvé quelques heures plus tard.

Lui aussi fracassé de la vie, dans les années 1970, Ruben fut l'un des rares survivants des cachots sordides de l'école Mécanique de la Marine où furent engloutis sa petite sœur et son père, poète de renom : un épisode qui le ronge toujours, trente ans après, mais dont il ne parle jamais, pas même à sa mère qui espère toujours le retour de tous les siens. Aujourd'hui, il est détective privé et se consacre aux Mères de la Place de Mai qui réclament la vérité sur les enfants disparus et adoptés sous la dictature. C'est ainsi qu'il vient à enquêter sur la disparition de Maria Victoria Campallo, fille du promoteur le plus influent du pays.

Deux rescapés dont les chemins se rejoignent pour mener une enquête qui tourne à l'opération survie tant sont fortes les menaces du passé car si l'Argentine est redevenue une démocratie, elle n'en a pas pour autant fini avec ses démons et les compromissions de ceux qui en tiennent encore les rouages.

Un thriller à la dimension historico-socio-culturelle remarquable, encore une fois extrêmement bien documenté. Caryl Férey a l'art de donner voix aux laissés pour compte brisés par les rouages d'un système tout en nous faisant découvrir un pays dans toutes ses dimensions. Des personnages résilients, à la fois forts et sensibles, humbles et fidèles, profondément humains.
Une plume sans concession, désormais bien maîtrisée, épurée de ses anciennes lourdeurs, pour nous faire découvrir peuples et paysages au rythme d'un scénario ébouriffant, digne des plus grands studios hollywoodiens.

Une lecture qui égratigne mais dont on a l'impression de ressortir plus intelligent, je recommande sans restriction !

Du même auteur, voir :
Condor
Saga Maorie - Haka / Utu

Extraits du texte :
Participer à des réunions d'étudiants de gauche, à des activités syndicales, avoir critiqué à haute voix les militaires, porter le même nom qu'un suspect, avoir assisté à un enlèvement, être juif, enseigner ou étudier la sociologie, conseiller des pauvres ou des suspects en matière juridique, soigner des suspects ou des pauvres, écrire des poèmes, des romans, des discours, être étranger et "trop bruyant", être réfugié d'un pays sous régime militaire, recherché pour des raisons politiques, exercer le métier de psychologue ou psychanalyste-influencés par des théoriciens juifs-, donner un récital de piano devant des ouvriers ou des paysans, être "trop" passionné d'histoire, être un jeune soldat qui en sait trop ou qui conteste, être "trop" fasciné pas l'occident ou réaliser des films "trop" axés sur des sujets de société ou contrevenant à la "bonne morale", militer dans une association des Droits de l'homme, avoir un frère ou une sœur, un cousin ou un ami proche d'une personne disparue : les militaires et la police enlevaient les gens pour n'importe quelle raison. Étaient considérés comme subversif quiconque se dressait contre le "mode de vie argentin." 
"La subversion est ce qui oppose le père à son fils" avait précisé le général Videla. Un paternalisme phallicratique qui puisait son idéologie dans le catholicisme, étendu à toute la société : 340 camps de concentration et d'extermination opérationnels répartis sur 11 des 23 provinces du pays, pour une efficacité maximum- 90% de la population incarcérée n'avait jamais revu le jour... 

Raconter l'ineffable, c'était le revivre, laisser remonter l'angoisse, le chagrin, la douleur, parler, 
c'était redonner à ses tortionnaires le pouvoir de l'écraser.

Écrasés militairement lors de la Grande Battue à travers la pampa, tirés comme des lapins à coups de Remington, livrés aux écoles religieuses ou comme esclaves aux estancieros qui s'étaient partagé leurs territoires, parqués, acculturés, appauvris, réduits au silence, mentant sur leur origine lors des rares recensements, oubliant par honte ou désœuvrement leur culture, les Mapuche avaient traversé le siècle comme des ombres. Des fantômes. En rayant vingt-cinq ans de traités signés avec l'Espagne, la Constitution de 1810 avait purement et simplement nié les Mapuche, les "gens de la terre" qui vivaient ici en nomades depuis deux mille ans. 
Sanctuaire des ancêtres, demeure des dieux, mythe et point de départ de toute représentation symbolique, fondement rituel et élément constitutif de leur identité, la terre pour eux était tout. Certaines communautés s'étaient accrochées à leurs  fermes et leurs troupeaux, mais beaucoup avaient dû vendre leurs terres sous la menace, au risque de disparaître d'autant plus facilement qu'ils ne figuraient sur aucun état civil. Aujourd'hui, les Mapuche ne représentaient plus que 3% de la population argentine, concentrés dans les régions pauvres du Sud ou noyés dans les bidonvilles des lointaines banlieues...

Titre : Mapuche
Auteur : Caryl Férey
Première édition : 2012

lundi 7 octobre 2019

Phrom Thep de Marc Lasnier

"Bien trop de femmes, dans bien trop de pays, parlent la même langue : le silence."
 (Anasua Sengupta) 

Plusieurs fois divorcé, sortant d'une période de galère, Alain quitte Paris pour Phukhet en Thaïlande, bien décidé à prendre du bon temps en s'adonnant à sa passion, la photographie. Grâce à Vincent, son logeur, il découvre de bons coins et se sort de chausses trappes dans lesquelles il tombe comme bien des farangs (étrangers) un peu trop naïfs.
Un soir, il fait la connaissance de Wanapa, la quarantaine, indépendante, coiffeuse et alors qu'il ne croyait plus à l'amour, se met à filer le parfait cocon, prêt à tout pour protéger sa belle menacée par un mystérieux prédateur. Alors que les ombres du passé et la vengeance d'un ancien mari-narco-traficant tout puissant menacent d'engloutir sa nouvelle conquête, Alain ne manque ni de ressources ni de relations dans ce qui tourne en thriller infernal.

Émaillé de sa part d'invraissemblances indispensables au scénario, Phrom Thep est un thriller intense plutôt bien enlevé qui a le mérite de nous faire voyager entre la France et la Thaïlande, raison pour laquelle j'avais sélectionné ce livre. Côté carte postale, pas de déception, on y trouve une jolie évocation du pays du sourire et de ses habitants auprès desquels l'auteur est d'ailleurs lui même installé.

Sans doute pas un roman inoubliable mais un bon livre d'évasion avec une touche d'exotisme, à prendre pour ce qu'il est.

Titre : Phrom Thep
Auteur : Marc Lasnier
Première édition : 2017

dimanche 6 octobre 2019

La sage-femme des Appalaches / The Midwife of Hope River de Patricia Hartman

Automne, hiver, printemps, été, automne... À la fin des années 1920 alors que commence la Grande Dépression, au bord de la rivière Hope, aux pieds des Appalaches, Patience Murphy - le nom sous lequel elle se cache - exerce son métier de sage-femme. Chaque accouchement dont elle fait soigneusement le rapport dans son journal, la fait entrer dans l'intimité d'une autre femme, d'une famille, d'un milieu, alors que, pour tous, à l'extérieur, les conditions de vie deviennent de plus en plus difficiles et précaires du fait de la crise qui s'installe.

Un magnifique roman, enrichissant à bien des points de vue.
C'est d'abord une histoire et des personnages sympas à découvrir et à suivre, le début d'une saga qui nous emporte et nous fait partager, au rythme des saisons, la vie de tous les jours de gens humbles et modestes au quotidien somme toute assez banal.
Plus largement, c'est l'esquisse d'une époque et d'une société, la façon dont la Grande Dépression s'installe dans cette Amérique rurale du milieu du XXème siècle mais aussi l'évocation de l'exploitation minière avec ses conditions rudimentaires ou encore celle des mouvements féministes et ouvriers, les relations noirs-blancs qui vivent en bonne harmonie même si ce n'est pas toujours au goût de tous,  la condition de la femme indépendante soumise au qu'en dira-t-on, etc.

Enfin, et c'est ce qui fait la singularité de ce roman, il y a cette pratique de la sage-femme sollicitée à toute heure du jour ou de la nuit qui exerce à domicile. Un métier qui se transmet par la pratique dans un cadre alors peu réglementé - mais tout de même verrouillé par quelques règles absurdes et impraticables - avec des responsabilités énormes, sans supervision. Un récit d'autant plus intéressant, riche, varié et réaliste que l'auteur sait de quoi elle parle puisqu'elle a elle-même longtemps pratiqué auprès des autres femmes. Finalement, c'est un bel hommage à la maternité et à ce métier de sage-femme si essentiel.

Un livre de vie, un p'tit coup de ❤.

Voir aussi :
The Reluctant Midwife (tome 2)
Once a Midwife (tome 3)

Extraits du texte :
When we lived in Pittsburg (...)(we) fought alongside the International Workers of the World, the Wobblies, for the Child Labor Admendment of 1919, but the Supreme Court shot it down. Somehow the judges believed the federal government didn't have a right to regulate the industrialists and it would be just fine for young children to work in sweatshops or miles underground.

The West Virginia Midwifery Statute of 1925 bans midwives from doing internal exams. We are also "expressly forbidden to assist labor by any artificial, forcible or mechanical means, or administer, advise, prescribe, or employ any dangerous or poisenous drugs".The local medical societies jealously guard their right to prescribe and treat. In addition, the law requires that we must be "of good moral character."

It's the fear of the pain more than the pain that gets to you.

Life is too hard. You are born, and you die...that's the sum of it. In between you love someone or you don't, and if you are lucky you leave behind someone who loves you.

Titre francais : La sage-femme des Appalaches
Titre original : The Midwife of Hope River
Auteur : Patricia Hartman
Premiere edition : 2012

vendredi 4 octobre 2019

Les choses humaines de Karine Tuil

Jean Farel, 70 ans, est un journaliste politique star du paysage audiovisuel français, self-made-man en position de pouvoir depuis une quarantaine d'années, il n'a qu'une peur, être évincé, qu'une ambition, garder sa place alors il faut que tout et tous marchent à la baguette.
De 30 ans sa cadette, Claire, sa femme franco-américaine, est une essayiste feministe ayant su tracer sa voie dans son sillage qu'elle est désormais prête à quitter pour vivre une autre relation.
Leur fils Alexandre est un jeune étudiant brillant à qui tout réussi, un parcours sans faute, élève à polytechnique et Standford aux États-Unis

Des personnages de la bobosphère, vivant dans leur bulle élitiste qui éclate lorsque Alexandre, de passage à Paris, se retrouve sous le coup d'une accusation de viol.
C'est alors la version de l'un contre celle de l'autre, deux perceptions/interpretations d'une même situation et le passage à la moulinette judiciaire dans un monde post-affaire Weinstein et mouvements #MeToo / #BalanceTonPorc : Qui est la victime ? Y-a-t-il consentement ? Comment definir cette notion ? Quels éléments de la psychologie des personnages et de leur passé faut-il retenir ? A charge ou à décharge ?

Un livre très habilement construit autour du thème "sexe et pouvoir" : on connait la situation, on suit et on apprend à connaitre les personnages venant de milieux différents, plus complexes qu'il n'y parait initialement et dont la psychologie s'affine ... et pourtant, c'est machiavélique, on ne peut prendre catégoriquement parti pour l'un ou pour l'autre. On touche finalement à la "zone grise" de ce qui definit le "consentement" et il est difficile de faire pencher la balance d'un côté ou de l'autre au regard des éléments psychologiques, familiaux et sociétaux.

Un bon livre parce qu'il met en doute nos certitudes et pousse à réfléchir à ce thème de société complexe et subjectif qui touche à l'intime, à la perception individuelle, aux valeurs et aux "choses humaines". Dérangeant et magistral !

Tiré du texte :
"La mort est très probablement la meilleure invention de la vie. C'est l'agent du changement dans la vie. Elle efface l'ancien pour faire place au nouveau. Actuellement vous êtes le nouveau, mais un jour pas très éloigné, vous allez devenir progressivement l'ancien et être balayés. (...) Votre temps est limité, alors ne le gaspillez pas en vivant la vie de quelqu'un d'autre."
(Extrait d'un discours de Steve Jobs à Stanford / 2015)

 Ils découvraient la différence entre l'épreuve et le drame : la première était supportable ; le second se produisait dans un fracas intérieur sans résolution possible - un chagrin durable et définitif.

Titre : Les choses humaines
Auteur : Karine Tuil
Premiere edition : 2019

Le yoga de la vue de Kazuhiro Nakagawa

 Quand l'esprit est absent, l'œil est aveugle.

Dans ce livre de développement personnel, Kazuhiro Nakagawa, directeur du centre de remise en forme de la vision à Tokyo, expose et explique "sa" méthode développée au cours de ses années de pratique pour maintenir et retrouver une bonne vision, applicable de façon universelle à condition d'y croire et surtout de s'y atteler.

Un texte pas toujours bien écrit mais une théorie très intéressante qui vaut d'être lue, accompagnée d'exercices et de méthodes simples à suivre, à la portée de tous. L'auteur nous invite non seulement à faire travailler les yeux- dans tous les sens, par le mouvement, la profondeur, le massage ou les contrastes-, mais aussi à stimuler le corps, la mémoire et la respiration. Un ensemble inspiré de la philosophie du yoga, soigneusement détaillé pour une pratique régulière pouvant être intégrée au quotidien.

L'idée c'est que nous avons tous en nous "le pouvoir de voir" inscrit de façon indélébile dans notre cerveau et qu'il n'y a aucune fatalité lorsque la vue se détériore, malmenée par les écrans, le mode de vie, le temps, un traumatisme, une opération, etc.
Avec de la volonté, des stimulations adaptées soutenues par une mise en pratique régulière, Kazuhiro Nakagawa démontre qu'il est possible de retrouver ce "pouvoir de voir", même dans des cas qui paraissent désespérés.

Alors pour moi c'est simple, il m'a convaincue que la presbytie n'est peut-être pas inéluctable et qu'il faut s'y mettre, le capital visuel est trop précieux : yapluka !

Tiré du texte :
Si vous pensez que vous pouvez voir, alors vous verrez ! Car c'est l'esprit qui voit ! 
(...) le "pouvoir de voir" est l'interrupteur qui nous permet de démarrer quelque chose. Il éveille et active ce qui sommeille en nous.
 Il nous permet un nouveau départ, une renaissance, qui peut nous apporter une révélation porteuse d'un message de vie. 
C'est pour cette raison que j'appelle cet interrupteur visuel "le bouton du bonheur". 
Pour allumer cette "lumière du bonheur", vous devez avant tout capter la lumière.

L'imagination, c'est avant tout le pouvoir d'élargir et de modeler dans l'œil de son esprit n'importe quelle image de ce que vous ne reconnaissez pas ou ne comprenez pas clairement. C'est le pouvoir de remplir les blancs.

Le "pouvoir de voir" qui implique l'acte de voir avec les yeux et d'interpréter avec le cerveau, est (...) subjectif ; c'est une expérience personnelle. 
En fonction du pouvoir de voir du cerveau et de l'état de la mémoire ainsi que du contexte culturel, nous pouvons en arriver à voir des objets qui n'existent pas, ou à ne pas réussir à voir ce qui est sous nos yeux.

Quand quelqu'un peine à se souvenir des événements récents alors qu'il se rappelle facilement ses souvenirs d'autrefois, quand la vue était encore bonne, c'est en grande partie à cause de l'impact de non seulement du vieillissement du cerveau, mais aussi de l'hypermétropie.

La plupart des êtres vivants améliorent leur pouvoir de survivre en transformant leur "pouvoir de voir" en arme. 

Le "pouvoir de voir" est une source de motivation dans la vie : une force de vie essentielle. 

Titre : le yoga de la vue
Titre anglais : The yoga of Natural Vision Correction
Auteur : Kazuhiro Nakagawa
Première édition : 2013

mercredi 2 octobre 2019

L'amant japonais / The Japanese Lover d'Isabel Allende

En Californie, à 80 ans passés, la riche Alma Belasco quitte le domaine familial pour s'installer dans une résidence pour seniors de San Francisco qui la soulage de tous soucis d'intendance. Elle s'y lie d'amitié avec Irina, une jeune infirmière moldave qui cache un lourd et douloureux passé. Une jeune femme intrigante et séduisante pour Seth Belasco, le petit-fils d'Alma qui vient régulièrement voir sa grand-mère en prenant prétexte de ses visites pour lui faire raconter l'histoire de la famille.

Au fil des mois, alors que des liens se tissent entre les deux jeunes gens et qu'ils cherchent à élucider les escapades secrètes de la vieille dame, Alma va leur raconter son histoire qui commence dans les années 30 avec sa fuite de Pologne et son arrivée aux États-Unis où elle fut confiée à son oncle et sa tante alors que le reste de sa famille restée en arrière fut exterminée par la vague nazie. Un destin marqué par son amitié pour son cousin Nathaniel et sa rencontre avec Ichimei, le fils du jardinier qui fut parqué avec sa famille pendant le seconde guerre mondiale du fait de ses origines nippones ...
Une vie riche, non conformiste et partiellement affranchie, qui traverse le 20ème siècle, jalonnée d'amours forts couverts par le secret pour céder aux convenances d'une autre époque.
Parallèlement, le voile se lève aussi sur le parcours d'Irina.

Troisième lecture d'un livre d'Isabel Allende, troisième essai réussi avec ici, une belle et profonde histoire d'amour qui traverse à sa manière le temps et le qu'en dira-t-on.
A chaque roman, avec une écriture juste, parfois envoutante, l'auteur sait se renouveler pour nous proposer des personnages complexes, captivants et attachants qui doivent affronter avec toute leur humanité les affres du destin pour surmonter les épreuves de l'histoire ou les carcans de la société, des traumatismes et/ou l'ostracisme ... une valeur sure !   

Du même Auteur, voir aussi:
Le cahier de Maya / Maya's notebook
La maison aux esprits / House of spirits

Titre français : l'amant japonais
Titre anglais : the Japanese Lover
Auteur : Isabel Allende
Première édition : 2015