lundi 27 février 2023

The Joy and Light Bus Company de Alexander McCall Smith

 
Vingt-deuxième rendez-vous à Gaborone, capitale du Botswana, avec Mma Ramotswe et sa célèbre agence de détective, la "Number One Ladies' Detective Agency"

Dans ce nouvel opus dont ne peuvent que se délecter tous les aficionado dont je fais partie, nous retrouvons les personnages centraux de la série avec une attention plus particulière portée sur M. J. L. B. Matekoni, mari de la détective, propriétaire-garagiste de Tlokweng Speedy Motors. Au cours d'un séminaire organisé par la chambre de commerce pour les entrepreneurs soucieux de développer leurs affaires, celui-ci retrouve T. K. Molefi, un ancien camarade d'école perdu de vue depuis bien longtemps, qui lui propose de s'associer afin de créer une nouvelle compagnie de bus. Un projet qui l'enthousiasme mais nécessitant un emprunt auprès de la banque, conditionné à une hypothèque sur le garage et ses annexes-dont les bureaux de l'agence de détective. Mma Ramotswe n'en dort plus et s'en ouvre à son amie Mma Potowski -la directrice de l'orphelinat- puis à sa collègue Mma Makutsi qui pensent comme elle : il serait très imprudent et bien risqué de se lancer dans ce type d'investissement... Alors, il faut trouver un moyen de faire capoter l'affaire tout en ménageant les sentiments de M. J. L. B. Matekoni, une résolution bien délicate à mener. 

Dans le même temps, l'agence se voit confier une mission qui va créer un cas de conscience à nos détectives. Leur nouveau client soupçonne l'infirmière qui s'occupe depuis plus de dix ans de son père âgé d'avoir manipulé le vieil homme pour hériter de sa maison. S'agit-il d'un abus de faiblesse ou d'un vrai geste de reconnaissance ? Est-ce une enquête mandatée avec sincérité ou par cupidité et comment la traiter avec probité ? 
 
Et puis, s'ajoute encore le trouble de Mma Ramotswe affectée par l'histoire d'une nouvelle pupille accueillie à l'orphelinat de Mme Potowski. C'est une petite victime d'esclavagisme moderne qui a échappé à une famille richissime et influente de la capitale agissant en toute impunité. S'il est difficile de prouver leurs malversations, peut-être y a-t-il tout de même moyen de trouver une faille qui permettrait de sauver deux autres enfants vulnérables que l'on sait tombés entre leurs griffes ?
 
Le roman ne serait bien sûr pas complet sans une apparition de Violet Sepotho, une rencontre avec Mma Ramotswe et Mma Potowski au supermarché au cours de laquelle la jeune femme qui ne manque ni d'aplomb ni de culot laissera les deux amies bien embarassées...

On peut être sûr qu'à la fin "tout est bien qui finit bien" dans cette série feel-good un peu simpliste et sans aucune prétention, pleine de bons sentiments et d'un bon sens d'un autre âge dans lequel ne manque portant pas de pointer une certaine modernité. Certains y verront même une touche de philosophie avec des sujets abordés touchant à la condition masculine, au temps qui passe, à la vie, à la conscience, etc.
Une p'tite lecture récréative pour retrouver de bons vieux amis, certains un peu obtus mais avec le cœur sur la main  ! 
22... Et je ne m'en lasse toujours pas...

Titre original : The Joy and Light Bus Company
Pas (encore) de traduction française
#22 de la série No1 Ladies' Detective Agency
Auteur : Alexander McCall Smith
Première édition : 2021

mercredi 15 février 2023

À ceux qui sont partis, à ceux qui sont restés de Parinoush Saniee

 
Cela fait trente ans que la révolution iranienne les a séparés et qu'ils ne se sont pas revus. Le temps des retrouvailles et des vacances est venu pour la famille Yousefi réunie autour de Mère, pour dix jours, sur une île turque, dans une grande maison louée pour l'occasion. La fratrie qui se retrouve comprend trois fils et deux filles, avec leurs conjoints, et la plupart des petits-enfants de Mère dont Dokhi, la petite-fille orpheline qu'elle éleve.
Du côté de "ceux qui sont restés" et qui n'ont jamais quitté l'Iran, Mohsen et Miryam, Mère et Dokhi. 
Du côté de "ceux qui sont partis", Mohammad venu des États-Unis, Mehdi de Suède et Mahnaz de France. 
 
La joie de se revoir et le partage des souvenirs rythment les premières heures et le début du séjour mais rapidement les tensions émergent parce que l'amertume, la jalousie et les non-dits ne sont pas loin mais que chacun tient à préserver Mère en évitant les sujets qui fâchent. Pourtant l'évitement est malsain et pour trouver l'apaisement en recréant des liens durables il va falloir affronter la vérité et crever les abcès, une démarche indispensable quand les images fantasmées par les uns sur les autres cachent de toutes autres réalités souvent bien douloureuses.
Pour ceux qui sont partis, il va falloir comprendre que "la chance de ceux qui sont restés" ne l'est que par rapport à un Iran qui n'existe plus, suspendu dans le temps et figé par les souvenirs, en oubliant que des transformations et des événements ont eu lieu sans eux, que ce soit sur le plan familial ou sociétal, les parents qui vieillissent, le poids de la politique qui s'immisce partout, le curseur de la position et de l'aisance familiale qui bouge, etc. 
Pour ceux qui sont restés, les" étrangers" ont eu la chance qui ne leur a pas été offerte, celle de la facilité et de "privilégiées" vivant dans des "pays de cocagne" sans même imaginer les difficultés qui ont dû être traversées en termes financiers, de renoncements, d'adaptation et d'intégration. 

Et puis il y aussi la nouvelle génération qui cristalise les espoirs et les tensions avec à son centre Dokhi, la fille d'Habib, disparu tragiquement, habitée par des cauchemars récurrents, préservée d'une histoire qu'elle ne connaît pas alors qu'elle voudrait tellement connaître la vérité sur ses parents.
 
Un huis-clos familial poignant sous forme de roman chorale pour faire tourner les points de vues, tous légitimes et compréhensibles tant que les zones d'ombres qui leur échappent ne sont pas explorées. Il nous fait plonger au cœur d'une famille meurtrie par l'histoire qui tente de raccommoder sa trame abîmée par la séparation dans l'espace et le temps. Tout y passe, les réussites comme les échecs, les épreuves, la souffrance, la jalousie, l'amertume et les rancœurs, la politique, les choix, les failles, les regrets et les espoirs. Et quand les masques tombent et que les secrets les plus profonds sont enfin révélés à l'issu d'une véritable thérapie familiale, la vérité que l'on croyait ne jamais pouvoir connaître finit par se dessiner pour laisser finalement place à l'essentiel.

Du même auteur, j'avais déjà beaucoup aimé Le voile de Téhéran ; avec ce roman, même régal tant sur le plan de l'écriture que celui de la trame traitée avec beaucoup de justesse. Si on perçoit l'histoire contemporaine de l'Iran en l'arrière plan, plus comme déclencheur que comme sujet même si elle reste toujours là, on reste avant tout sur une histoire de famille avec des personnages féminins centraux ; un récit basé sur des éléments finement observés et rendus, à valeur universelle qui fait écho à d'autres lectures et même à ma propre expérience d'expatriée sur les tensions qui peuvent naître de l'ignorance entre "ceux qui partent" et "ceux qui restent". 
Une valeur sûre !
 
Du même auteur, voir aussi :

Titre : À ceux qui sont partis, à ceux qui sont restés 
Auteur : Parinoush Saniee
Première édition : 2017

vendredi 10 février 2023

Flagrant déni de Hélène Machelon

Un soir au début de l'été, Juliette, 17 ans, est saisie de violents maux de ventre. Alertée, Agnès, sa mère, pense à une appendicite et la conduit en urgence à l'hôpital mais là, c'est le choc : Juliette croyait qu'elle allait mourir, elle est en train de donner la vie. 
Aucun signe de grossesse chez cette nageuse sportive de 48 kilos, des règles, un ventre plat, personne n'a rien vu venir ; un bébé qui n'était pas attendu arrive sans prévenir et par effraction, par césarienne, il s'impose comme un intru, c'est l'"Autre", innommable, et Juliette n'en veut pas. 
À la maternité, Juliette rejette l'aide de la psychologue qui lui est proposée mais avant de partir, elle est informée de ses droits, notamment du temps de réflexion que la loi lui octroie avant que l'abandon du bébé ne soit définitif. 
 
Ce que veut Juliette c'est juste rentrer chez elle et reprendre le fil de sa vie là où elle l'avait laissée mais l'insouciance de la jeune bachelière brillante prête à gagner son indépendance d'étudiante à la rentrée n'est plus tout à fait de mise quand le corps est meurtri et que l'esprit sans repos s'égare parfois jusqu'aux rivages de la folie. Nous voici plongés dans un véritable tourbillon émotionnel avec Juliette qui, comme la chenille, va d'abord s'isoler du monde avant de pouvoir déployer ses ailes ; les petits tracas de l'adolescente encore en construction deviennent bien puérils, ses certitudes volent en éclats, et il lui faut griller les étapes pour mûrir et passer directement à la case adulte.
Sa famille l'entoure de sa présence - Agnès, Rafaël son père, Chloé sa sœur cadette -, renvoyée à ses propres fractures, mais lui laisse de l'espace car c'est à Juliette qu'il revient de prendre ses décisions, seule, et elle doit le faire dans un temps contraint, celui que lui donne la loi, celui de l'été...
 
Hélène Machelon nous parachute au cœur de la famille Conti pour nous faire découvrir, en l'illustrant, le douloureux sujet du déni de grossesse. Une réalité dont la presse se fait régulièrement l'écho mais qui reste difficile à appréhender parce qu'elle touche de façon très personnelle certaines femmes à un moment de leur vie. Avec l'histoire de Juliette, la question  prend corps, devient humaine, tangible.
 
Un récit puissant et réaliste, sans angélisme ni jugement, traité avec justesse et sensibilité. Un roman magnifiquement écrit qui, pour moi, fera référence et me donne envie de lire d'autres livres de cette auteure.

Titre : Flagrant déni
Auteur : Hélène Machelon
Première édition : 2021

dimanche 5 février 2023

En chemin de Cécile Valeman

 
À cinquante ans, Cécile Valeman prend une année sabbatique qu'elle clôture sur les chemins de Saint Jacques de Compostelle, un sac sur le dos pour parcourir 1'250 kilomètres à pied, de Figeac à Saint-Jacques. Marcher en suivant jusqu'au bout le chemin des pèlerins est son unique aspiration, une parenthèse hors du temps, sans autres ambitions, religieuse ou spirituelle ou sportive. Chaque soir, elle chronique le chemin parcouru et les observations / réflexions de sa journée dans un mail qu'elle envoie à un groupe de proches composé de membres de sa famille, d'amis et de collègues. 
 
Ce livre est le recueil de ces billets envoyés au jour le jour et livrés tels quels, rédigés à chaud malgré la fatigue, dans un style parfois un peu potache avec ses petites blagues familières de l'entre-soi qui m'ont souvent agacées. 
Une écriture sans style pour raconter le quotidien, les kilomètres, le mal aux pieds, les paysages (les mails étaient accompagnés de photos mais elles ne figurent pas dans le livre), les rencontres, des anecdotes, etc. 

Une lecture facile et rapide qui vaut surtout pour le témoignage... et encore... Je tourne la dernière page frustrée par cette écriture "sur le vif", brute et un peu pauvre - on peut difficilement qualifier l'ouvrage de "littéraire" - et par le fond finalement très superficiel qui ne m'a pas appris grand chose.
Déçue !

Titre : En chemin
Auteur : Cécile Valeman
Première édition : 2020