mercredi 9 septembre 2020

Les dames de Kimoto / The River Ki de Sawako Ariyoshi

 

Japon, fin du XIXè siècle aux années 1950

Hana a 20 ans lorsqu'elle quitte sa grand-mère Toyono qui l'a élevée, pour se marier. Après les derniers rituels au temple, elle descend la rivière Ki en grande pompe pour rejoindre la famille du mari qui a été choisi pour elle, un propriétaire terrien, l'aîné d'une famille, un bon parti. Nous sommes à la fin du XIXè siècle à une époque charnière car le Japon est entré dans l'ère Meiji en faisant le choix de la modernité et Hana, une enfant de son temps, a tout à la fois fréquenté l'école secondaire et reçu une éducation classique pour maitriser les arts ménagers et artistiques - littérature, musique, cérémonie du thé, etc. Calme, diplomate, respectueuse des traditions, Hana se met au service de sa nouvelle famille, de la carrière de son mari, moins cultivé qu'elle mais prometteur et dévoué à sa région. 

Et puis la vie suit son cours....
 
Cette chronique familiale est axée sur la lignée des femmes - Hana, sa fille Fumio et sa petite-fille Hanako - alors qu'autour d'elles les temps changent : le pays se développe politiquement et économiquement, il s'engage militairement contre la Russie et plus tard, dans la seconde guerre mondiale. Si le personnage d'Hana incarne le raffinement et la tradition à la croisée des époques, celui de Fumio est beaucoup plus explosif, révolté, épris liberté et de modernité, tout à la défense de la condition de la femme...mais non moins enfant gâtée ! Sa fille Hanako sera plus apaisée, plus complice avec Hana, le fruit de la nouvelle génération, frugale, qui doit refaire sa place dans le monde d'après-guerre.
C'est un peu "grandeur et décadence", du raffinement au dépouillement !
 
Je me suis délectée de ce texte tout en délicatesse, dépouillé et fluide, qui, bien qu'écrit en 1954, a gardé toute sa faîcheur et sa modernité (la traduction française est excellente). Les portraits sont délicats et intimistes, finement rendus et saisis, parfaitement intégrés à la fresque historique, sociale et familiale qui se dessine au fil des pages. Cerise sur le gateau, on apprend beaucoup de choses au passage, sur le mariage, l'héritage, le rang social, certaines superstitions, offrandes et/ou croyances, sur les codes vestimentaires, les soieries, l'art du kimono et de l'obi, etc.
   
Un petit bijou de la littérature japonaise. ♥♥♥ 
   
Tirés du texte :
Le soleil éblouissant faisait monter un chaud parfum de la masse des gerbes. Hana se souvint que, dans l'art des parfums, on parlait d'"entendre" un parfum, plutôt que de le sentir. Ici, elle "entendait" l'automne.
 
Hana s'inclina devant sa belle-soeur pour la remercier de ses compliments. Elle se sentait comblée car, seule la femme qui avait réussi à se faire aimer par sa belle-mère pouvait se vanter d'avoir conquis sa famille. C'était un exploit dont une femme pouvait être fière. 
 
  Un lien puissant attachait Toyono à Hana, Hana à Fumio et Fumio à Hanaki. Elle eut l'impression que les battement du coeur de sa grand-mère résonnaient dans sa propre poitrine et elle renonça à pénétrer le sens du texte plein de mystères qu'elle était en train de lire. Les prêtres bouddhistes qui, pendant des milliers d'années, avaient entonné les sutras devant la statue de Bouddha, objet de culte de centaine de milliers d'hommes et de femmes, avaient-ils ressenti une émotion similaire ?
 
Titre français : les dames de Kimoto
Titre anglais : The River Ki
Auteur : Sawako Ariyoshi
Première édition : 1959 

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