vendredi 18 septembre 2020

Les cygnes de la cinquième avenue / The Swans of Fifth Avenue de Melanie Benjamin

 

Truman and Babe. Darkness and light, elegance and impudence. Beauty and brains, heart and soul.
Together.
 
Sur trois décennies - années 1950-1970 - petite incursion dans le monde très select de la haute société new-yorkaise au travers de ce roman bâti autour d'une histoire vraie, celle de l'écrivain Truman Capote, chéri de ses dames très mondaines qu'il appelait "ses cygnes" et de sa surprenante amitié amoureuse avec Babe Paley, la plus parfaite de ces cygnes.  
 
 Babe Paley has only one fault - she's perfect. Other than that, she's perfect.
 
Auteur de Breakfast at Tiffany / Petit-déjeuner chez Tiffany  et de In Cold Blood / De sang-froid, ses plus grands succès, Truman Capote est un peu celui par qui le scandale arrive et qui, après être passé au firmament se retrouvera complètement ostracisé "pour trahison" par ceux qui l'ont porté aux nues et toléré dans leur monde pendant des années. 
Un personnage complexe, petit, efféminé, homosexuel assumé, clown écorché, tout à la fois séducteur, conteur, champion de la formule, amuseur public un peu bouffon, confident avide des cancans et des secrets qu'il sait susciter. Petit provincial surdoué en mal d'amour, il a su se frayer un chemin jusqu'aux sommets, jusqu'aux dames "de la haute" qui lui ouvre leur monde, y compris celui de leurs époux qui ne voient aucune menace en lui du fait de son inclinaison sexuelle tout en s'amusant de ses facéties.    
 
Epouse de William Paley, patron fondateur de CBS, Babe Paley incarne quant à elle la "trophy wife" américaine dans toute sa splendeur : LA femme mondaine qui cultive et perfectionne sans cesse son capital beauté, une épouse, une mère et une amie parfaite en tout. Elle a été élevée pour ça, pour briller en société, pour décrocher le meilleur parti possible - celui assure la position sociale et familiale, le nom, l'argent - et c'est un modèle du genre, LA référence : jamais elle ne dit du mal d'autrui, c'est une icone de la mode, du style et du bon goût, une habituée des pages people des magazines, une maîtresse de maison qui anticipe tous les besoins de ses hôtes dans ses différentes résidences, et elle semble mener sa vie à la perfection, dans tous les domaines.   
 
Au premier abord, l'amitié de Babe Paley et de Truman Capote n'a rien d'évident et peut surprendre, une vraie touche d'excentricité dans un univers lissé parfaitement contrôlé ... mais finalement elle se comprend car tous deux sont victimes de leur image : deux acteurs en représentation permanente, prisonniers de leurs rôles, qui trouvent du réconfort l'un auprès de l'autre, pas dupes lorsqu'ils se reconnaissent et peuvent enfin laisser tomber le masque pour reprendre une bouffée d'oxygène et partager cette humanité qui étouffe, si fragile, bien préservée du regard des autres mais qui ne demande qu'un reflet dans le miroir d'une âme soeur pour exister. 

Un roman éblouissant, très documenté, tout en finesse et en intimité pour redonner vie non seulement à ces deux personnages qui prennent véritablement corps et âme mais aussi à tous ceux qui les entourent, toute une époque, un milieu, une ambiance ... 
Melanie Benjamin a essayé de comprendre ce qui pouvait bien se cacher derrière les images de papier glacé de l'époque, cette étrange amitié et surtout, ce qui est parfois qualifié de "suicide social de Truman Capote" lorsqu'ils publie dans Esquire de La Côte Basque, 1965, un chapitre-extrait annonçant son roman Prières exaucées jamais achevé, un texte qui lui fermera définitivement les portes du monde qu'il pensait pourtant lui être acquis ; combinant enquête et imagination, l'auteure nous offre une magnifique histoire, bien écrite et intéressante car bien sûr, pour ne rien gâcher, au travers de ces biographies passionnantes, on apprend plein de choses au passage. 
 
Ainsi, si le nom de Truman Capote ne m'était pas totalement inconnu, j'aurais été bien en mal de citer l'une de ses oeuvres. Avec la publication de In Cold Blood / De sang-froid, roman basé sur un fait divers sur lequel il a enquêté pendant plus de 5 ans, il est pourtant celui qui se targait d'avoir inventé un "genre nouveau", celui du roman basé sur des faits réels (nonfiction novel). Au titre des anecdotes, on apprend également qu'il apparait sous les traits d'un personnage du roman Ne tirez pas sur l'oiseau moqueur / To kill a mockingbird dont l'auteur, Harper Lee, était une amie d'enfance . Quant aux préparatifs de son grand bal masqué Noir et Blanc, grand événement mondain organisé en 1966 au Plaza hotel de New-York, les détails sont particulièrement croustillants, dignent de tous les Voici et Gala réunis !
Il ne faut pas oublier le monde de Babe et des autres cygnes, tout aussi fascinant ... voire pathétique et affligeant ... car à toujours vouloir briller, c'est toute une part d'humanité qu'il faut sacrifier, l'âme amputée de la spontanéité et de l'authenticité.   
  
Extraits du texte : 
That was the difference between them, because she needed only Truman's love, and he needed the world's.

All the money in the world couldn't (...) stop the ravages of time and regret. And that was the secret, the wonder of Truman (...)Truman made them forget all that. He had amused them. Their husbands didn't want to talk to them. They grew bored talking to one another, these glorious creatures, for they were all the same. Blond, brunette, tall, short, European or Californian, they were the same ; only the exteriors were different. And they devoted their lives to maintaining this difference, striving to shine, to be the jewel who stood out. Yet at night, they took off the diamonds and gowns and went to empty beds resigned to the fact they were just women, after all. Women with a shell life. 
 
And the ball, that glorious Black and White Ball when they were so exquisite, so rare adn coveted, that was their summit. Everyone's summit - New York's summit. 
 
Titre original : The Swans of Fifth Avenue
Titre français : Les cygnes de la cinquième avenue
Auteur : Melanie Benjamin
Première édition : 2016

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