samedi 26 septembre 2020

Crime d'honneur / Honour de Elif Shafak

 
Crime d'honneur / Honor est un roman polyphonique dont les différentes voix nous font voyager dans le temps et l'espace, entre Angleterre et Turquie, auprès de trois générations d'une famille d'origine turco-kurde ayant émigrée à Londres, la famille Toprak. 

Par la voix d'Esma, on apprend dès le début du livre que son frère Iskander va bientôt sortir de prison après 14 ans de réclusion pour le meurtre de leur mère Pembe, un "crime d'honneur" dont on va découvrir la genèse au fil des pages : une histoire familiale pleine de drames, entravée de règles, de superstitions, de secrets, d'amours déçues, de non-dits et d'êtres en perdition coincés entre deux cultures, soumis au poids de la tradition et des convenances.
 
Une histoire plus complexe qu'on ne le croit autour de Pembe, née dans un village kurde de Turquie en 1945,
8ème fille de Naze, désespérée de ne donner naissance qu'à des filles, 
jumelle de Jamila, la "sage-femme vierge" un peu sorcière restée au village,  
épouse d'Adem, joueur invétéré élevé par un père alcoolique abandonné par sa femme, 
mère de Iskander, d'Esma et de Yunus aux caractères bien définis :
 
While Iskender craved to control the world, 
and Esma to change it once and for all, 
Yunus wanted to comprehend it all. 
 
Les chapitres s'enchaînent, chaque voix a son propre mode d'expression et son tempo, le texte est bien rythmé : on passe des écrits d'Iskender rédigés à la prison de Shrewbury aux rues de Londres - à la maison, dans la boutique de l'oncle Tariq, dans un squat dont Yunus est la mascotte, etc. - avant de partir sur les rives de l'Euphrate ou l'appartement d'istanbul avant l'émigration, on saute des années 1970 à la fin des années 1940 en passant par les années 1950 et 1960.
 
Petit à petit, Elif Shafak décortique les aspirations, les disfonctionnements, les failles et les faiblesses de chacun, tous les éléments qui conduisent à cette tragédie familiale et aux espoirs qui peuvent encore subsister après. Outre l'ambiance familiale, sociale et sociétale des époques, il émane d'entre les lignes des couleurs, des odeurs et des goûts, sorte de marque de fabrique de l'auteure qui prend plaisir à parsemer plats et saveurs dans ses romans. 
 
C'est le troisième roman d'Elif Shafak que je lis et que j'aime : cette auteure nomade d'origine turque démontre des qualités indéniables de conteuse sur des sujets à chaque fois très différents, abordés dans leur globalité, un peu sous tous les angles, d'un ton juste et de façon ambitieuse et originale, sans faute... Ou pour rester dans un registre cher à l'auteure : "cheffe épistolaire", Elif Shafak sait choisir et combiner les meilleurs ingrédients, mitonner chacune de ses recettes à la perfection pour concocter des délices pleins de saveurs !   
 
Piquant et épicé à souhait, à savourer !
 
Du même auteur, voir aussi :
 
Extraits du texte :
Women were made of the same lightest fabric (...)whereas men were cut of thick, dark fabric. That is how God had tailored the two : one superior to the other. As to the why He had done that it wasn't up to human being to question. What mattered was that the colour black didn't show stains, unlike the colour white, which revealed even the tiniest speck of dirt.

Women did not have honor, instead they had shame.

There are two things in this world that make a man out of a boy. 
The first is the love of a woman. The second is the hatred of another man.

The honour of the family is deemed to be more important than the happiness of its individuals. 

Like many expatriates, Mum, too, had a selective memory. Of the past she had left behind, she would reminisce mostly, if not solely, about the good things : the warm sunshine, the pyramids of spices in the market, the smell of seaweed in the wind. The native land remained immaculate, a Shangri-La, a potential shelter to return to, if not actually in life, at least in dreams.

 Of the past they share together, children never remember the same bits as their parents.
 
In Britain the dislike of foreigners always catches me off guard (...) 
Racism is not part of daily life, as it is in some other countries I hear about. It is subtle and always polished. 
It is not about your skin colour or your religion, really. It is about how civilized you are.
 
Not everyone understand this, but their honour was all that some men had in this world (...) The less means a man had, the higher was the worth of his honour. 
 
We learn from differences, not from sameness.
 
I suppose it never ends this sibling rivalry. You compete for your parents' love, even when they are no longer here.
 
Titre original : Honour
Titre français : Crime d'honneur
Auteur : Elif Shafak
Première édition : 2012 

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