mardi 7 décembre 2021

Les corps célestes / Celestial Bodies de Jokha Alharthi

 
Au sultanat d'Oman, dans le village d'Awafi, Maya prie et rêve penchée sur sa machine à coudre au jeune homme qu'elle a aperçu un jour et dont elle ne sait qu'une chose, il revient d'Angleterre où il a fait ses études. Mais celui qui la remarque c'est Abdallah, le fils du riche marchand du village ; il la demande en mariage à ses parents Azzane et Salimane qui ne peuvent qu'approuver un tel parti. Abdallah épouse donc Maya qui lui donne une fille qu'elle décide d'appeler Londres, puis deux garçons, Salem et Mohammad... mais pas son amour.
Dans leur entourage, il y a les deux sœurs de Maya, Asma l'intellectuelle et la belle Khawla qui épouseront respectivement Khaled le peintre et Nasser le profiteur ; il y a aussi le père d'Abdallah, Suleyman ainsi que Zarifa, sa mère de substitution, une ancienne esclave devenue servante et maîtresse. Une communauté où tout le monde se connaît, couvrant trois générations, constituée de bien d'autres personnages avec chacun son histoire, ses particularités, ses rêves, ses rancœurs et ses désillusions.

Encore un roman polyphonique mariant une multitude de voix parmi lesquelles celle d'Abdallah, un peu plus centrale et plus récurrente que les autres, son importance soulignée dans la narration par l'emploi du "je" par opposition à la troisième personne utilisée par ailleurs. Une partition permettant à chacun de jouer sa mélodie avec sa sensibilité pour offrir une image vivante de cette petite communauté omanaise en pleine transformation, marquée par le passage d'une société très traditionnelle à la modernité.
 
Des mariages et des naissances, des hommes et des femmes, des activités quotidiennes, des voyages, des sentiments, de la misère et de la richesse, des puissants et des dominés ... Ce roman, c'est la vie tout simplement, avec ses petits accrocs et ses secrets, la chronique d'une société et du temps qui passe. Une jolie fresque à la découverte d'une culture, entrouvrant un voile, attisant curiosité et intérêt pour ce petit sultanat d'Oman.
 
Nota : ce livre est le premier roman traduit de l'arabe en anglais à avoir reçu le prestigieux prix International Man-Booker ; son auteur - à suivre - est professeur de littérature arabe à l'université d'Oman. 
 
Extraits du texte :
Maya considérait que le silence était la chose la plus extraordinaire dont l'être humain soit capable. En se taisant, elle améliorait sa capacité d'écoute des autres, et quand elle en avait assez de leurs propos, elle prêtait l'oreille à son propre moi au milieu du silence. Ne pas dire un mot, c'était s'éviter de se causer du tort en raison de propos mal placés. 

Comme dit le proverbe : "les tuiles viennent de ce que tu sais, mieux vaut ne rien savoir si tu veux la paix." 

Le traité de Sib, conclu en 1920, avait divisé Oman en deux territoires, d'un côté l'Oman de l'intérieur, gouverné par l'imam, de l'autre Mascate et quelques zones littorales ralliées, dirigées par le sultan lui-même soutenu par les Anglais. 

Le mariage était ce certificat qui proclamait son statut de femme à part entière, son permis de passage dans le vaste monde déployé au-delà des limites de la maison. (...) Asma pensait à la maternité, aux habits neufs, aux danses des femmes, au fait qu'elle allait quitter sa maison, mais elle ne pensait nullement à Khaled, celui qui allai devenir son mari...

Titre français : Les corps célestes
Titre anglais : Celestial Bodies
Auteur : Jokha Alharthi
Première édition : 2018

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