Essai rédigé au début des années 1990, trente ans après les accords d’Évian par l'historien Benjamin Stora, spécialiste de la guerre d'Algérie. Écrit il y a déjà trente ans pour décortiquer les tenants et aboutissants d'un conflit qui a du mal à trouver un traitement objectif et non partisan d'un côté ou l'autre de la Méditerranée, il y manque sans doute un éclairage sur l'évolution des relations franco-algériennes au cours de la période récente - avec notamment la reconnaissance par la France de certains événements liées à la répression des manifestations à Paris ou la façon dont les harkis ont été traités - mais les blocages et les analyses présentées dans le livre restent pertinentes et étonnamment d'actualité.
L'auteur décortique les mécanismes de l'oubli et de la manipulation du discours historique d'un côté et de l'autre de la Méditerranée en replaçant les événements dans le contexte de leur époque. Il montre comment les événements et leurs acteurs ont été revisités et/ou occultés pour répondre à des objectifs purement politiques ; les rouages à l’œuvre relèvent de la propagande plus que de la vérité historique, passent par un journal télévisé contrôlé par le pouvoir et des publications marquées du sceau d'une censure pas toujours très cohérente chargés de couvrir une guerre sale qui n'est pas reconnue comme telle. D'un côté, il s'agit de manipuler une vérité qui "gangrène" la France de l'intérieur, et de l'autre, de justifier le pouvoir militaire en place par "l'oubli" et la réécriture d'une histoire sélective.
Le plus intéressant est d'essayer de dénouer les racines d'un conflit dont les germes couvaient depuis longtemps et de comprendre que les tensions, après une guerre de sept ans, n'ont pas totalement disparues ; elles continueront d'entraver les relations franco-algériennes et la politique intérieure des deux États et elles perdureront tant que le travail des historiens sera parasité par la politique et la raison d'État.
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