États-Unis - Dakota du nord
Pluto est une petite ville (imaginaire) édifiée aux temps des pionniers de la construction du chemin de fer, située à proximité d'une réserve indienne.
C'est là qu'à la fin des années 1960, Evelina et son frère encore enfants écoutent leur grand-père Mooshum, un vieil homme irrévérencieux et porté sur la bouteille, raconter ses histoires du passé aux versions régulièrement revisitées. Il n'y en a qu'une un peu à part, confiée une seule fois, celle du meurtre de toute une famille de fermiers, survenue 50 ans plus tôt, jamais élucidée mais pour laquelle quatre indiens de la réserve ont été lynchés sans autre forme de procès. Un épisode qui, à des degrés divers et sur plusieurs générations, a touché toute la communauté locale, blanche, indienne et/ou métis.
Avec ce roman chorale dans lequel alternent les voix, les points de vues et les époques couvrant presque un siècle d'histoire, Louise Erdrich nous offre la chronique de ce petit coin perdu de l'Amérique marquée par un drame, avec ses communautés qui cohabitent, s'observent, se méprisent ou se fondent parfois au cœur d'une société rurale qui s'atrophie irrémédiablement.
S'y côtoient une famille indienne, un juge tribal, un banquier détourneur de fonds passionné de philatélie, un prédicateur illuminé, des prêtres, une femme médecin, des vieilles dames avides de secrets et de confessions qui consignent et publient l'histoire locale dans une gazette, des témoins et/ou des descendants liés à "l'affaire" du meurtre et du lynchage, des honnêtes gens et d'autres pas. Tous ces personnages se révèlent à travers ce que les autres perçoivent d'eux et de leur vécu, il est question d'amour et de haine, de culpabilité et d'innocence, de cupidité, de religion, de racisme, de musique, d'éducation, d'un peu de tout ce qui fait la vie.
La construction du roman est déroutante au départ tant il semble partir dans tous les sens mais il faut se laisser guider, chaque chapitre se termine sur un élément qui semble annoncer le passage de relais pour le suivant, et il faut faire confiance au talent de l'auteur qui maîtrise parfaitement son art : chaque chapitre, chaque histoire, chaque secret est comme la touche du peintre qui, petit à petit, vient enrichir la toile pour donner forme à son oeuvre, un tableau qui ne se révèle pleinement qu'une fois achevé. Le livre maintenant refermé, je trouve qu'il est remarquablement composé, tout finit par s'imbriquer et à prendre sens, chaque détail a son importance (les timbres, le violon, etc.) et la dimension humaine de chaque personnage est rendue dans toute sa complexité, jamais tout noir ou tout blanc parce que les choses ne sont jamais aussi simples qu'elles paraissent et qu'il y en a toujours qui nous échappe si on ne prend pas en compte tous les points de vues. Un livre pour s'en laisser conter, bien écrit, riche et dense sur tous les plan, je suis séduite !
Auteur américaine aux origines amérindiennes revendiquées, Louise Erdrich a une bibliographie déjà conséquente mais je la découvre avec ce livre. Nul doute que je m'y intéresserai à nouveau car me voilà piquée !
Extraits du texte :
I saw that the loss of their land was lodged inside them forever. This loss would enter me, too. Over time, I came to know that the sorrow was a thing that each of them covered up according to their character - my old uncle through his passionate discipline, my mother through strict kindness and cleanly order. As for my grandfather, he used the patient art of ridicule.
What men call adventures usually consist of the stoical endurance of appealing daily misery.
Freedom, I found, is not only in the running but in the heart, the mind, the hands.
There are ways of being abandoned even when your parents are right there.
When we are young, the words are scattered all around us. As they are assembled by experience, so also are we, sentence by sentence, until the story takes shape.
The present was enough, though my work in the cemetery told me every day what happens when you let an unsatisfactory present go on long enough : it becomes your entire history.
I'd already picked my quote : the universe is transformation.
Titre français : La malédiction des colombes
Titre original : The Plague of Doves
Auteur : Louise Erdrich
Première édition : 2008
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