jeudi 15 juillet 2021

Ce qu'il faut de nuit de Laurent Petitmangin

 
Toutes nos vies, malgré leur incroyable linéarité de façade, n'étaient qu'accidents, hasards, croisements et rendez-vous manqués. Nos vies étaient remplies de cette foultitude de riens, qui selon leur agencement nous feraient rois du monde ou taulards. 

Ce roman est porté par la voix d'un père qui élève seul ses deux fils suite au décès de sa femme, la "Moman", emportée après trois ans de maladie, de chimios, d'hospitalisations. Fus et Gillou, les deux garçons ont du mûrir rapidement, l'un sans doute plus affecté que l'autre malgré leur résilience de façade, âgés respectivement de 13 et 10 ans à la mort de leur mère. 
Le père travaille à la SNCF à l'entretien des caténaires ; c'est un militant engagé à la section PS locale qui accueille de moins en moins de monde au fil des ans ; il suit les matchs de son club de foot, le FC Metz, objet de loisir qu'il partage avec ses garçons dont il s'occupe du mieux qu'il peut. 
Une famille modeste, aimante, dont il raconte le quotidien fait de petits riens : les repas, l'école, les copains, les entrainements de foot, l'orientation ... Pendant dix ans, les enfants grandissent alors qu'évoluent les relations père-fils et que la cohabitation se poursuit malgré une distance de plus en plus pesante avec l'aîné qui s'accoquine avec des jeunes de l'extrême droite jusqu'à ce qu'un drame survienne.        
 
Un père partagé entre l'envie de bien faire et la peur de mal faire, qui fait de son mieux mais angoisse à l'idée de ne pas assurer. Il y a de l'amour et de la sensibilité, de la complicité, des bons moments, des souvenirs partagés mais aussi de plus en plus de non-dits pour éviter les sujets difficiles et le clash, des chemins qui s'éloignent mais ne se séparent pas, drainant leur lot d'incompréhensions. 
Il y a l'aîné et il y a le cadet qui fait tampon entre son père et son frère, il y a celui qui reste et végète et celui qui part avec des perspectives.
Et il y a le drame et les rouages de la "justice" toute puissante qui se mettent en route et s'imposent en brassant la donne des sentiments et de la morale. On touche alors aux questions du rejet et de la honte, de l'acceptation et du pardon, du bien et du mal, de la tolérance ou encore de la réussite ou de l'échec de la transmission des valeurs. Et au coeur de tout ça, il y a celle de l'amour filial et fraternel, conditionnel ou inconditionnel.
 
Une écriture simple et juste articulant avec délicatesse la psychologie des trois personnages, leurs interactions intra et extra-familiales. Mais au delà de l'histoire familiale, on touche aussi au roman social dont l'image d'ensemble plutôt sombre est pourtant non exempte de lumière et d'espoir. 
Ce n'est pas un coup de coeur mais un très bon premier roman lu presque d'une traite, qui laisse présager une jolie carrière à son auteur, à suivre.   

Titre : Ce qu'il faut de nuit
Auteur : Laurent Petitmangin
Première édition : 2020

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