dimanche 21 mars 2021

Les caves du Potala de Dai Sijie

En 1968, pendant la révolution culturelle, Bstan Pa, peintre du Dalaï-lama, est un très vieil homme. Alors que les étudiants chinois en art ont envahi Lhassa et le Potala pour semer derrière eux destruction et violence systématiques, vandalisme absurde et désacralisation aveugle, il essaye de se faire discret et de se fondre dans le décors des écuries où il a été enfermé. C'est sans compter sur "Le Loup", leader cruel qui le repère et n'aura de cesse de le martyriser pour lui faire avouer la "dépravation" du Dalaï-lama après la découverte d'une peinture de femme nue cachée dans le cadre d'un tanka immolé. Le vieil artiste tourmenté déroule alors le chemin de sa mémoire : son enfance dans une famille d'éleveurs nomades, son arrivée à Lhassa à 7 ans où il est repéré par un moine qui le présente au grand maître des tanka de son monastère, son apprentissage, l'ascension de son maître Snyung Gnas et la sienne au centre du pouvoir,  un voyage à Pékin dans la suite officielle du 13ème Dalaï-lama et après la mort de celui-ci, sa participation aux recherches de la réincarnation du 14ème Dalaï-lama... avec, au cœur de tout ça, l'art spirituel des tanka, la symbolique, les pigments, les couleurs vers lesquels il va retourner pour composer sa dernière œuvre qui, par le calme et la méditation, est une échappatoire à l'hyper-violence.
 
Quelle belle lecture 🤩 ! 
Dans ce roman court, Dai Sijie, l'auteur de Balzac et la petite tailleuse chinoise revient avec un texte puissant, magnifiquement évocateur dont la thématique, bien que traitée différemment, recoupe celle de la petite tailleuse : les deux romans se déroulent pendant la révolution culturelle et les deux personnage sont "sauvés"  par l'art, l'une par la littérature, l'autre par la peinture spirituelle. Bien que le livre ne fasse pas l'impasse de la violence ambiante, ce n'est pas l'élément dominant qui ressort de cette lecture mais au contraire la beauté poétique qui transcende, celle de la création, celle de l'âme, celle de toute une culture et celle de ce vieux peintre plein de sagesse riche d'une vie pleine. 
Lumineux ❤️❤️❤️ !

Extrait du texte:
Et il ne dit plus rien malgré les gesticulations et les vociférations du garde rouge. Ce fou révolutionnaire n'existe plus pour lui. Il ne l'entend même plus, entièrement concentré sur son monde intérieur. Là où il se trouve désormais, il prépare ses couleurs pour peindre le dernier
Tanka de sa vie. 

Pour la première fois de sa vie monastique, Bstan Pa, l'un des plus grands peintres de sa génération, 
décide de ne plus respecter les codes. Il est revenu en enfance, à l'époque où il commençait toujours par dessiner les yeux de ses personnages.

Applique toi se dit-il. Rappelle-toi la devise de Snyung Gnas : "On ne peint pas avec le cœur, mais avec la tête." Aussi doué soit-on, on ne doit jamais relâcher sa concentration, qui seule donne de la vigueur aux traits et du relief aux couleurs. 

Sur le Tibet, voir aussi :

Titre : Les caves du Potala
Auteur : Dau Sijie
Première édition :

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire