mardi 9 juin 2020

Les étoiles s'éteignent à l'aube / Medicine Walk de Richard Wagamese

Le whisky tient à l'écart des choses que certaines personnes ne veulent pas chez elles. Comme les rêves, les souvenirs, les désirs, d'autres personnes parfois. (...) Des fois, les choses tournent mal. Quand elles arrivent dans la vie, on peut presque toujours les régler. Mais quand elles arrivent à l'intérieur d'une personne, elles sont plus difficiles à réparer. 

Franck a grandi avec le vieil homme, un blanc qui l'a éduqué en essayant de lui apprendre des "trucs d'indiens" par fidélité aux origines du garçon. Mais de sa mère ou de ses origines, Franck ne sait rien ou pas grand chose sinon que celui qui est son père, Eldon Starlight, n'est qu'une source de déceptions, leurs relations rares et pourries par des promesses d'ivrogne jamais tenues.

Lorsque Eldon atteint le bout du rouleau et se sait aux portes de la mort, il convainc son fils de l'accompagner sur les hauteurs d'une crête sauvage pour y "mourir en guerrier", un pélerinage au cours duquel il va lui livrer les secrets de son histoire qu'il n'a jamais pu confier à qui que ce soit ; une histoire d'amitié qui passe par les camps de travail itinérants et les champs de batailles de la guerre de Corée ainsi qu'une histoire d'amour passionnée mais tragique. Alors que les étoiles s'éteignent, elles scellent la relation père-fils, l'aboutissement du chemin de rédemption et de délivrance pour le père, celui de la découverte de ses racines pour le fils.

Un roman initiatique autour de vies brisées noyées dans l'alcool, en douleur et en pudeur avec aussi des moments d'amour et de joies. Il  y a la valeur du silence et celle de la parole thérapeutique ;  des histoires qui lient les hommes, les font rêver et les renvoient à leurs origines ou leur vécu. Et puis il y a la nature si magnifiquement évoquée sous la plume de Richard Wagamese, sauvage, nourricière, spirituelle ; et aussi, sous tendue, la mémoire des peuples amérindiens au destin malheureux.

Un auteur issu des minorités canadiennes dont la découverte continue de m'enchanter par ses textes si beaux et si durs, réalistes et profondément humains, ses personnages broyés, imbibés d'alcool, son rapport à la nature et à l'héritage indigène. Un texte chargé de mélancholie, de poésie, de valeurs universelles accessible en français d'une œuvre comptant une quinzaine d'ouvrages insuffisamment traduits de l'anglais.
Une valeur sûre ♥️.

Tirés du texte :
J'ai jamais été très porté sur les prières. Du moins, pas comme dans les églises. Mais moi, j'crois que tout est sacré. Alors quand j'dis quelque chose j'essaie toujours juste de ressentir ce que j'ressens et de dire ce qui en vient.

Il en vint à comprendre la valeur des êtres vivants, par sa faculté à les faire disparaître. Prendre la vie était une chose solennelle. La vie était le cœur du mystère.

Jimmy disait tout le temps que nous étions un Grand Mystère. Tout. Il disait que les choses qu'ils faisaient ces Indiens d'autrefois, c'était rien d'autre que d'apprendre à vivre avec ce mystère. Pas le résoudre, pas s'y attaquer, pas même chercher à le deviner. Juste être avec.

Du même auteur, voir aussi :
Embers
Jeu blanc / Indian Horse

Titre anglais : Medicine Walk
Titre français : Les étoiles s'éteignent à l'aube
Auteur : Richard Wagamese
Première édition : 2015

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