Au fond des marais, Kya n'a que 6/7 ans lorsqu'elle voit sa mère partir sans se retourner, en abandonnant tout derrière elle, foyer et famille. Les uns après les autres, toutes ses grandes sœurs et finalement son frère le plus proche, Jodie, feront de même, la laissant seule avec leur père, vétéran de la seconde guerre mondiale, alcoolique, bon à pas grand chose, souvent absent. Après une brève période de relative entente avec ce père qui l'initie aux dédales du marais, le naturel de celui-ci finit par revenir, ses absences se faisant alors de plus en plus longues jusqu'à ce que la gamine se retrouve totalement seule et abandonnée, sans plus aucune ressource.
Kya a l'art de louvoyer et de disparaître pour échapper aux services sociaux, n'a assisté qu'à un seul jour d'école de toute sa vie et c'est dans la solitude et le dénuement affectif et financier les plus totaux que la fillette va apprendre à survivre et à ne compter que sur elle-même. Le marais et sa faune constituent son univers pour lequel elle nourrit une passion dévorante, les assimilant à sa mère, collectionnant plumes d'oiseau, nids et coquillages alors qu'elle n'est qu'une sauvageonne illétrée pour la communauté environnante, l'objet de ragots, "la fille du marais" de laquelle la plupart se méfie et se détourne à l'exception de quelques âmes généreuses qui lui viennent discrètement et fidèlement en aide.
Contrairement à ce que tout le monde croit, Kay n'est pas analphabète car au cœur du marais, Tate, un gentil garçon, ancien camarade de son frère Jodie, a su l'apprivoiser et lui offrir une éducation. Il lui a appris à lire, à compter, à apprécier la poésie et lui apporte des livres pour nous nourrir sa passion des sciences naturelles.
Ensemble, ils découvrent les premiers émois amoureux mais s'ils partagent la passion des marais, Tate finit par la trahir et l'abandonner à son tour lorsqu'il part à l'université.
Sur la route de Kay meutrie, un autre garçon va changer une nouvelle fois le court des choses sans lui épargner le refrain 'amour-trahison' qui va l'amener sur le banc des accusés, exposée à la vindicte locale lorsque le jeune homme meurt prématurément : accident ou meurtre ?
Magnifiquement écrit, ce roman est une ode pleine de poésie aux splendeurs cachées de la nature, le monde du marais l'univers nourricier de Kya, riche et complexe, constitué d'eau douce et d'eau salée, de canaux, de lagons, de courants, de marées, de boue et de plages, de plantes, d'arbres, d'herbes, de lianes, d'oiseaux, de poissons, de coquillages, d'insectes, etc.
Un scénario crédible et bien mené, plutôt inattendu même si on s'aperçoit a postériori qu'il est jalonné d'indices. L'histoire de Kya est tout à la fois déchirante et fascinante, parfois désespérante mais jamais désespérée ; la petite fille qui doit grandir trop vite ne manque ni de volonté ni de ressources intérieures ; elle se modèle finalement sur ce qu'elle connaît, sur son environnement plus que sur les valeurs d'une communauté locale pas toujours bien pensante qu'elle évite malgré son désir d'appartenance, parce qu'elle l'exclue. Quelques personnages sortent heureusement du lot par leur façon de tendre la main, la plus simple, la plus généreuse, la plus humaine.
Un premier roman original très réussi, une auteure à suivre.
Tirés du texte :
Kay laid her hand upon the breathing, wet earth, and the Marsh became her mother.
If anyone understood loneliness, the moon would
(...) Nature seemed the only stone that would not slip midstream.
Faces change with life's toll, but eyes remain a window to what was.
She knew the years of isolation had altered her behavior until she was different from others, but it wasn't her fault she'd been alone. Most of what she knew she'd learned from the wild. Nature had nurtured, tutored, and protected her when no one else would.
Titre anglais : Where the Crawdads Sing
Titre français : Là où chantent les écrevisses
Auteur : Delia Owens
Première édition : 2018
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