Je sais qu'en Islande, il est un mot pour chaque pensée qui vient au monde.
Islande, 1963.
Hekla porte le nom d'un volcan, elle est jeune et belle et sait exactement ce qu'elle veut : consacrer sa vie à l'écriture, faire partie du cercle prestigieux des écrivains et être publiée. Elle a donc quitté la ferme familiale pour Reykjavik avec sa valise, une machine à écrire et quatre manuscrits. À la capitale, elle est d'abord hébergée par son ami, Jon John, jeune homosexuel qui rêve stylisme mais qui doit cacher sa différence dans une société pas du tout prête à l'accepter ; elle retrouve aussi sa meilleure amie, Isey, qui partage sa passion des mots mais qui a perdu sa liberté de les poser sur le papier, trop occupée par les taches ménagères, son mari, son bébé et un autre à venir.
Une société islandaise minuscule et rigide, pleine de poètes et de poésie, dans laquelle chacun doit composer avec une réalité qui risque de mettre à mal ses rêves sans portant les annihiler : Hekla trouve un travail de serveuse, Jon John est employé, à son corps défendant, sur les bateaux de pêches alors qu'Ivey est coincée dans son cocon familial.
Quels sacrifices et quels artifices faudra-t-il pour mener à bien ou renoncer aux ambitions des uns et des autres ?
Encore un livre de la littérature islandaise joliment écrit qui vient d'ailleurs de décrocher le prix Médicis du meilleur livre étranger 2019, bien mérité. Il nous croque des portraits de personnages portés par leurs rêves et la pureté de la jeunesse et à travers eux, on appréhende toute une société et une époque. Une histoire finement rendue qui réussit à combiner un réalisme grinçant à une certaine fraîcheur, des personnages qui composent pour s'approprier les codes des comportements et des attentes convenues afin de les réinventer, seule façon d'arriver à ses fins et de s'émanciper dans une société qui refuse l'homosexualité ou l'idée qu'une femme puisse écrire.
Troisième livre de la littérature islandaise... sûrement trop peu pour tirer des conclusions définitives et généraliser mais je n'en suis pas moins bluffée par la qualité d'écriture et des pages tournées jusqu'à présent. Une découverte inattendue qui ne peut que m'inciter à poursuivre : que du plaisir !
Extraits du texte :
(...) il tend le bras, je le laisse faire et je cesse de m'accrocher aux mots, demain matin ils auront disparu, j'aurai perdu mes phrases. Chaque nuit, j'en perds quatre.
- Pour toi, l'écriture est plus importante que moi, une seule phrase a plus de poids que mon corps (...)
Je n'arrive pas à me retenir d'aller jusqu'à la table pour noter dans mon carnet : une seule phrase a plus de poids que mon corps.
Titre : Miss Islande
Auteur: Audur Ava Olafsdottir
Première édition : 2019
Prix Médicis Étranger 2019
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