D'un côté, une colonne de prisonniers évacuée des camps dans une course frénétique, apothéose de la folie et de la violence pour tenter de faire disparaître toutes traces des crimes perpétrés par les allemands alors que l'avancée ennemie est de plus en plus pressante. On suit le sort de nombreux personnages qui aboutissent à la dernière des leurs, Ava, petite fille mutique née dans les camps et le précieux rouleau de lettres protégées par une poche de cuir qu'elle garde avec elle : ces missives relatent l'histoire de prisonniers des camps de la mort nazis, un dernier témoignage sur ce qu'ils ont vu et subit, des lettres qui s'ajoutent les unes aux autres, de plus en plus urgentes, en passage de relais, comme un ultime cri de survie véhiculé par l'enfant pour lui rendre symboliquement la voix.
À l'origine de cette chaîne, Richard Friedlander, un père juif s'adressant à sa fille aimée qui a pourtant choisi de l'éloigner et de prendre ses distances avec lui afin d'assouvir ses ambitions.
D'un autre côté, dans Berlin bombardé et le bunker des derniers dignitaires nazis, nous suivons les derniers jours et heures de Magda Goebbles qui s'y terre avec ses six enfants. Nous découvrons son parcours, l'enfance, l'amour déçu et l'ambition froide qui en ont fait la femme la plus puissante du Reich, mère d'une famille parfaite souvent mise en scène.
Mais si tout cela n'était finalement qu'une illusion ?
Un contexte historique qui n'a certes rien de nouveau mais auquel l'auteur apporte pourtant sa marque et un nouveau souffle. Il tresse habilement ses deux trâmes sous le regard des enfants qui, d'un côté comme de l'autre, sont entraînés dans cette histoire malgré eux, innocentes victimes des événements, outils de propagande ou dépositaire de l'espoir. Une écriture très belle et travaillée, pleine de symboles et d'oppositions, entre par exemple l'affolement qui régne dans la campagne et la "paix" qui émane du personnage de Magda, ne doutant de rien, sûre d'elle et de ce qu'elle doit faire.
Une histoire absolument terrible, basée sur des faits historiques, bien connus pour toute la partie concernant le bunker, très documentée mais plus romancée pour la partie du père, Richard.
Un premier roman très réussi et un auteur à suivre.
Extrait du texte :
Comme un certificat d'humanité. Je souffre, donc je suis. C'est la Maxime des prisonniers.
Titre : Ces rêves qu'on piétine
Auteur : Sébastien Spitzer
Première édition : 2017
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