lundi 14 octobre 2019

Ma mémoire assassine de Kim Young-ha


Kim Byeong-su a 70 ans.
Dans son village, il vit isolé, à côté d'un bois de bambous.
Ex tueur en série assagi, il est atteint de la maladie d'Alzheimer.
Il se souvient parfaitement de chacun de ses vieux crimes mais sa mémoire à court terme est de plus en plus confuse.
Pour essayer de s'y retrouver, il écrit et s'enregistre parce qu'il a encore une tâche importante à accomplir : éliminer un prédateur qu'il a reconnu et qui tourne autour de sa fille adoptive qu'il veut protéger.

Il y a longtemps que je n'avais pas ouvert un roman coréen dont les auteurs sont souvent champions des scénarios tordus alors même s'il ne faut bien sûr pas généraliser, celui ci rentre assez bien dans cette catégorisation. Un roman aigre-doux, caustique, agrémenté d'une touche d'humour noir qui traite avec beaucoup de justesse de la maladie d'Alzheimer. À partir de petits mots écrits et de pensées dans la tête du tueur, le lecteur est plongé dans la même  confusion et les mêmes frustrations que le narrateur qui lutte contre l'oubli. Comme lui, on a du mal à faire la part du vrai et du faux, jusqu'à ce que quelques points d'ancrages viennent nous remettre sur la voie de la réalité.
Un personnage vraiment peu recommandable mais dont la vulnérabilité le rend attachant, un tour de passe-passe exécuté de main de maître !

Une lecture très intéressante et prenante, faite quasiment d'une traite, à découvrir.

Extraits tirés du texte :

Chaque fois que j'enterrais une nouvelle victime, je me disais : "Je ferai mieux à la prochaine fois." 
Si j'ai cessé de tuer, c'est parce que cet espoir a disparu. 

Je suis sûr de connaître les réponses, mais elles refusent de surgir dans ma tête. 
Je les connais et, en même temps, je ne les connais pas. Comment une chose aussi absurde est-elle possible ? 

Les mots disparaissent. Mon cerveau me fait de plus en plus penser à un concombre de mer, gluant et percé de petits trous. Tout s'en échappe. Le matin, je parcours le journal de la première à la dernière page, mais une fois que j'ai terminé, j'ai l'impression d'avoir oublié plus de choses que j'en ai lu. Malgré tout, je lis, même si déchiffrer une phrase est pour moi aussi ardu que d'essayer de monter un meuble dont il manque les principales pièces. 

Ces derniers temp, je perds de plus en plus la mémoire,
 tout ce que je n'ai pas noté me glisse entre les doigts comme une poignée de sable. 

En perdant la mémoire, mon esprit perd aussi son domicile. 

Il existe bon nombre d'imbéciles qui veulent systématiquement mettre les gens dans des cases. C'est pratique, mais toujours un peu risqué, ils imaginent mal qu'il puisse exister des êtres humains qui n'entrent dans aucune de leurs catégories. 

Quand je perds la mémoire du passé, je ne sais plus qui je suis, 
tandis que si je perds la mémoire du futur, je suis coincé dans le présent pour toujours. 

En perdant la mémoire, on perd aussi son humanité. 
Le présent n'est qu'un point virtuel reliant le passé et le futur, en lui-même il n'est rien. 

Il n'est pas seulement enfermé dans le présent, 
il est prisonnier d'un temps qui n'appartient ni au passé, ni au présent, ni au futur, un temps erroné

Titre : Ma mémoire assassine 
Auteur : Kim Young-ha
Première édition : 2013

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