J'estime qu'il faut transmettre à nos
enfants la vigilance plutôt que la haine.
La haine est sectaire, elle
méprise, elle exclut.
La vigilence est ouverte, elle est l'affaire de
tous, vainqueurs comme vaincus.
Elle a pour enjeu que pareilles dérives
ne se reproduisent plus.
Fin août 1944, c'est la débacle allemande.
Une colonne de soldats s'arrête dans une ferme de Wallonie où elle réquisitionne tous les chevaux pour rentrer au pays. Mais pour Mutien, 13 ans, l'un des fils de la famille, il n'est pas question de laisser disparaître Gaillard de Graux, le cheval primé qui faisait la fierté de leur père exécuté quelques semaines plus tôt par les nazis. Son petit frère Abel (8 ans) accroché à ses basques, il se lance à la poursuite de la troupe allemande afin de récupérer et ramener le brabançon à la maison.
Pendant six semaines, avec obstination et inconscience, les enfants vont traverser un pays ravagé par la guerre et suivre le convoi allemand, plus ou moins protégés par un vieil officier de la Wehrmacht qui les prend sous son aile alors que la route ne manque pas de dangers.
Le récit est raconté par un Abel adulte, devenu prêtre ; il se remémore cette période de partage fraternel intense alors que son frère Mutien a disparu depuis déjà plusieurs années ; à partir de documents qu'il découvre chez celui-ci, il en vient à comprendre les raisons de l'instabilité chronique de ce grand frère protecteur à partir d'éléments qu'il n'avait pas saisi à l'époque de leur aventure, protégé par son jeune âge.
J'avais déjà eu l'occasion de lire le passeur de lumière, les sept couleurs du vent et prélude de cristal, tous lumineusement écrits par Bernard Tirtiaux. Je me suis laissée une nouvelle fois emportée par sa plume dans ce récit plein d'humanité : une histoire iniatique dure, construite dans un contexte de fin de guerre mais dont l'essence est profondement pacifique, apportant un éclairage sur les notions de haine, du bien et du mal, de rédemption et de pardon.
On lit presque d'une traite, c'est superbement écrit et l'histoire de ces deux garçons est tout simplement magnifique, pleine de finesse, de justesse et de sensibilité.
♥♥♥ Un gros gros coup de coeur !
Tiré du livre :
Quand on interroge aujourd'hui les gens qui ont vécu la guerre de l'intérieur, ils s'accordent à dire que ces cinq années de violences et de privations les ont davantage nourris en souvenirs que tout le restant de leur vie. Ces témoignages plaident en faveur de la subjectivité du temps et me font dire que le quotidien est un papier huilé sur lequel l'encre de la mémoire n'adhère pas.
- Pardon pour mon peuple, formula Gunther (...)
- Mais ce n'est pas une réponse ! explosa Mutien
- Qui a dit que c'était une réponse ? C'est une prière (...) Pitié pour le mal.
Il n'y a pas de réponse dans le pardon mais quel recours subsiste-t-il quand le mal est à ce point irréversible et monstrueux ?
Le temps ne passe que pour ceux qui comptent.
Titre : Pitié pour le mal
Auteur : Bernard Tirtiaux
Première édition : 2006
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