lundi 26 août 2019

Né d'aucune femme de Franck Bouysse


France, époque et lieux indéterminés (sans doute fin du XIXème siècle).

Rose est l'aînée de quatre filles d'un couple de pauvres fermiers.
À 14 ans, elle est vendue par son père à un maître de forge. 
Placée sous l'autorité de cet homme et de son épouvantable mère, elle commence à travailler dans l'isolement de leur propriété, sans un moment de relâche.

Mais pour Rose choquée et résignée, ce n'est que le début de ce qui va se révéler être une descente aux enfers, son humanité gommée pour faire d'elle une marionnette, simple rouage d'un engrenage machiavélique imaginé par ses maîtres.

Un roman polyphonique, enchaînant plusieurs voix : l'Homme, l'Enfant, Gabriel - le curé qui "sauve les cahiers de Rose", Onésime - le père de Rose, Edmont le contremaître et bien sûr, celle de Rose qui raconte son histoire dans ses cahiers.
Un livre noir, noir, noir, qui ne laisse aucun répit. Au fil des pages, le lecteur est happé par la tension qui ne cesse de monter et de s'amplifier pour culminer dans quelques scènes atteignant le comble de l'horreur, d'une atrocité effroyable. Les personnages dominants font preuve d'une perversion, d'une brutalité et d'un manque de compassion absolus et ils imposent peur et soumission sans aucune échapatoire possible pour la pauvre Rose même si elle lutte avec la fougue de sa jeunesse pour garder son intégrité, trouvant parfois du réconfort auprès de personnages annexes.

Le livre est porté par la langue et l'écriture d'une efficacité redoutables. Son scénario qui nous plonge dans les ténèbres les plus profondes, au bord de l'inimaginable et de la folie, réserve heureusement quelques rebondissements imprévus pour nous sauver de toute cette haine et du sentiment de voyeurisme un peu nauséabond qui accompagne parfois la lecture de ce texte.
Au final, je garde un sentiment mitigé parce que, témoin impuissant, le lecteur devient lui-même et malgré lui un peu victime de tout ce sadisme, à la fois génial et perturbant.

Ames sensibles et/ou neurasthéniques s'abstenir !   

Tiré du texte :
Les mots (...) sont des habits de tous les jours, qui s'endimanchent parfois, afin de masquer la géographie profonde et intime des peaux ; les mots, une invention des hommes pour mesurer le monde. 

J'ai appris que seules les questions importent, que les réponses ne sont que des certitudes mises à mal par le temps qui passe, que les questions sont du ressort de l'âme, et les réponses du ressort de la chair périssable. 

(...) être lâche, c'est pas forcément reculer, ça peut simplement consister à faire un pas de côté pour plus rien voir de ce qui dérange.

Inspirer la pitié à quelqu'un, c'est faire naître une souffrance pas vécue dans un coeur pas préparé à la recevoir, mais qui voudrait pourtant bien en prendre une part, sans en être vraiment capable. La pitié, c'est le pire des sentiments qu'on peut inspirer aux autres. La pitié, c'est la défaite du coeur.

Titre : Né d'aucune femme
Auteur : Franck Bouysse
Première édition : 2019

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