dimanche 11 février 2018

La salle de bal / Ballroom de Anna Hope


Angleterre, 1911.
Pour avoir cassé une vitre dans l'usine qui l'emploie depuis qu'elle est enfant, Ella est internée à l'asile d'aliéné de Sharston où elle n'aspire qu'à une seule chose : s'échapper. Elle y fait la connaissance de Clem que son père et son frère ont fait enfermer suite à une grève de la faim entamée pour marquer son refus d'être mariée à un ami de son père. D'abord nourrie de force, Clem s'est résolue à se soumettre à la routine de l'asile en s'investissant dans le travail et en s'évadant dans les livres. Du côté des pensionnaires masculins, John Mulligan est arrivé dans l'établissement pour "mélancolie" où l'irlandais déprimé fait la paire avec Dan, un personnage pittoresque qui a navigué sur toutes les mers.  
Dans cette institution comptant les patients par centaines, les pensionnaires des deux sexes sont assignés à des zones et des taches différentes mais une fois par semaine, le vendredi, ceux qui ont le privilège d'être sélectionnés se mélangent dans une immense salle de bal pour danser le temps d'une soirée organisée à des fins thérapeutiques. L'orchestre est mené par Charles (Dr Fuller), "consultant médical chef" qui semble avoir trouvé sa voie dans cet emploi le libérant de l'emprise familiale en combinant sa passion de la musique et les connaissances médicales glanées au cours d'études qui lui ont été imposées. Personnalité ambigue, il est captivé par les questions d'eugénisme abordées pendant sa formation, et en vient à s'intéresser de façon quasi-obsessionnelle au cas de John qui lui sert de référent pour une étude dans laquelle il a décidé de s'investir ...

À cheval sur trois saisons, le roman est organisé comme une valse à trois temps, tournant autour des trois personnages principaux, Ella, John, Charles, qui donnent le tempo avec des chapitres passants de l'un à l'autre. L'asile donne une unité de lieu entrecoupée de quelques ouvertures sur l'extérieur et le contexte de l'époque. Une histoire d'amour forçant le désespoir qui a le mérite de laisser entrevoir le quotidien d'un asile d'aliénés tel qu'il pouvait exister au début du 20ème siècle, un établissement auto-suffisant avec sa propre ferme et ses services pour assurer le loger-nourrir-blanchir du personnel et des pensionnaires mis au travail pour en assurer le bon fonctionnement. Centrée sur le vécu des trois protagonistes principaux, l'histoire ne cherche pas à explorer tous les recoins de l'asile qui garde ses zones de mystères.

En fin de livre, l'auteur précise qu'il s'agit avant tout d'un roman, surtout pour ce qui est de ses personnages entièrement fictifs, mais qu'elle s'est inspirée de l'histoire de l'un de ses grands-pères et de ces salles de bal qui ont réellement existées et l'ont incitée à se documenter sur les asiles de l'époque. Outre la découverte du système d'enfermement parfois aléatoire et désormais anachronique, ce qui fait le plus froid dans le dos, ce sont sans doute les questions d'eugénisme traitées dans le livre et un peu oubliées en Angleterre où elles ont pourtant été très sérieusement d'actualité et débatues avant la première guerre mondiale sachant qu'à l'époque, le terme "d'aliéné" était souvent assimilé à celui de "pauvreté".

On tourne facilement les pages et le fond de l'histoire est d'autant plus intéressant qu'il permet de mesurer le chemin parcouru dans le domaine de la psychiatrie. On ressent souvent les frustrations des personnages et l'état proche de la folie de celui qui les soigne, on se demande parfois ce qu'est la normalité et ce qui la différencie de l'état d'aliénation ... Je ne peux pas pour autant dire que je me suis laissée complètement emportée par les personnages et leur histoire si bien qu'au bout du compte, le roman vaut pour moi surtout pour ce qu'on y apprend ... ce qui est déjà pas mal !

Titre original : The Ballroom
Titre français : La salle de bal
Auteur : Anna Hope
Première édition : 2016

Extrait du livre :
- Do we not take more care in breeding our animals than we do in breeding our men ?
- The Eugenics movement was split between those who believed in sterilization and those who argued for the merits of segregation (...) (N.B. The root of the word Eugenics comes from the Greek, meaning of noble birth. Is it not most noble, indeed, to work towards the highest good for all ?). 
- Unlike music, excessive reading has been shown to be dangerous for the female. It was taught in our earliest lectures : the male cell is essentially katabolic: active and energetic; and female cells are anabolic: there to conserve energy and support life. While a little light reading is fine, breakdown follows when woman goes against her nature.
- It is the view of the Eugenics Society that destitution, so far as it is represented by pauperism (and there is no other standard), is to a large extent confined to a special and degenerate class. A defective and dependent class known as the pauper class. Lack of initiative, lack of control, and the entire absence of a right perception are far more important causes of pauperism than any of the alleged economic causes. 

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