Elle ne se rappelle plus le nom qui lui a été donné par son père et on la connaîtra sous celui de Bakhita. Née au Darfour au milieu du 19ème siècle, elle a été enlevée par des négriers vers l'âge de 7 ans. Enfermée, maltraitée, exploitée, elle tentera de s'enfuir mais sera reprise puis vendue sur un marché aux esclaves soudanais. Elle connaitra plusieurs maîtres abusifs avant d'être rachetée par un consul d'Italie qui cédera à ses suplications de la ramener en Italie au moment ou le chaos s'empare du Soudan en guerre. Placée comme servante et nounou dans une famille puis chez des religieuses, elle demandera à être baptisée puis à devenir soeur malgré ses difficultés à s'exprimer et son manque d'éducation. Dans les campagnes d'Italie où elle officiera, ses valeurs de coeur finiront toujours par dépasser la peur causée par la couleur de sa peau; elle apportera amour et réconfort aux enfants qu'elle aimera par dessus tout. Une épopée cruelle et héroïque jusque dans l'exploitation qui sera faite de son histoire par l'église. Le meilleur et le pire, une grande leçon d'humanité ...
Le roman permet de combler et d'imaginer les zones d'ombres de la vie de ce personnage qui a réellement existé, élevé au rang de sainte patronne du Soudan par Jean-Paul II au début du 21ème siècle :
Le 1er octobre 2000, Jean-Paul II la déclare sainte. Bakhita devient ainsi la première sainte soudanaise et la première femme africaine à être élevée à la gloire des autels sans être martyre.
Avec un roman, il est toujours difficile de faire la part de la réalité et celle de l'imagination mais il est probable que la cruauté et la violence de certaines scènes presque insoutenables du livre - contenue parfois même dans les non-dits qui laissent imaginer le pire - reflètent une certaine réalité des expériences et des traumatismes vécus par Bakhita dans son parcours africain, une petite fille déracinée et malnenée, transformée en objet par la cupidité et la cruauté du monde dans lequel elle se retrouve plongée. La partie italienne de son parcours est tout aussi intéressante et non dénuée d'une certaine cruauté, plus morale que physique, même si elle y trouve sa rédemption.Une histoire entièrement axée sur le personnage qui prend vie "de l'intérieur" sous la plume de Véronique Olmi. Une Bakhita qui ne maitrise aucune langue et mélange les mots mais qui sait garder une âme pure et un coeur riche en restant fidèle à l'image de la "douce et belle" petite fille gravée en elle par l'amour de sa maman. Un être balotté comme un brin de paille entre les régions, les pays et les époques sans possibilité d'en saisir les tenants et aboutissements constituant une toile de fond qui, de son point de vue, ne peut être qu'esquissée.
Au final, une "storia meravigliosa" dans ce destin exceptionnel faisant malheureusement écho à certains événements terribles du monde contemporain ... âmes sensibles s'abstenir !
Tiré du livre :
- Sa mère avait tant d'enfants. C'est comme ça que toujours elle s'est souvenue d'elle, avec des enfants tenant ses mains, ses jambes, gonflant son ventre, suçant ses seins, endormis dans son dos. Un arbre et ses branches. C'est sa mère.
- Esclave, elle ne sait pas ce que c'est exactement. C'est le mot de l'absence, du village en feu, le mot avec lequel il n'y a plus rien. Elle l'a appris, et puis elle a continué à vivre, comme font les petits enfants qui jouent et ne savent pas qu'ils sont en train de grandir et d'apprendre.
- Elles dorment en se tenant la main. Bakhita sent alors une force insoupçonnée, un courant puissant, et cela aussi est nouveau : partager avec une inconnue l'amour que l'on ne peut plus offrir à ceux qui nous manquent.
- Est-ce que les lieux existent encore quand on les a quittés ?
- L'évasion commence pas l'esprit.
Titre : Bakhita
Auteur : Véronique Olmi
Première édition : 2017
Prix FNAC Roman 2017
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