mardi 28 novembre 2017

La sorcière de Camilla Läckberg


Dans une ferme isolée, Néa, une fillette de quatre ans disparait ... Est-ce une coïncidence ou y a-t-il un lien avec le meurtre de la petite Stella, quatre ans aussi, survenu trente ans plus tôt au même endroit. À l'époque, c'est Helen et Marie, deux adolescentes de 13 ans, qui avaient été condamnées après avoir avoué le crime dont elles s'étaient rétractées ensuite ... et justement ... Marie, devenue star du grand écran est de retour dans la région pour un tournage alors qu'Helen, mariée, vit dans la maison voisine du drame. Toute l'équipe du commissariat de Fjällbacka est sur le pied de guerre pour résoudre cette affaire avec, en fond de trame, la division de la communauté locale face aux réfugiés Syriens nouvellement arrivés ainsi que des problèmes de mal être liés à l'adolescence ... et puis, quelques chapitres intermédiaires pour une plongée dans le temps au 17ème siècle, à l'époque de la chasse aux sorcières et dont le lien avec l'histoire sera bien sûr donné dans l'épilogue ...

Dans la littérature policière, Camilla Läckberg est devenue une telle valeur sûre qu'on n'hésite pas à se plonger dans chacun de ses nouveaux ouvrages. Pour ce dixième volume de la série, on retrouve le même plaisir de la lecture et une histoire bien montée. On reprend la vie et l'intimité des protagonistes principaux où on les a laissées et on continue d'en vivre l'évolution, là encore, avec une certaine délectation. 
Au final toutefois, une certaine réserve parce qu'à trop vouloir coller à l'actualité et aux problèmes de société, le livre en devient un peu "too much", avec trop de thèmes sous jacents qui s'accumulent sur certains personnages (le mal être et l'inconséquence des adolescents, le poids de l'héritage familial sur l'identité et le rapport aux autres, le bullying, la xénophobie, les groupes extrémistes, les tueries de masse, l'homosexualité, etc.) au point d'en entamer leur crédibilité ... Sans compter qu'on sait parfois exactement où tout ça va mener et qu'on en perd donc une grande partie de l'effet de surprise.
Même réserve pour les chapitres intermédiaires sur les sorcières qui n'apportent finalement pas grand-chose de plus à l'enquête si ce n'est quelques anecdotes historiques (Comment reconnaitre une sorcière ? elle flotte !).
Bien, mais surement pas le meilleur, un peu déçue !

Titre : La sorcière
Auteur : Camille Läckberg
Première édition : 2017

jeudi 23 novembre 2017

Retour à Lemberg / East West Street de Philippe Sands



Quatre hommes :
- Léon, le grand-père de l'auteur, parti avec ses secrets mais dont les quelques papiers, photos, lettres et autres documents conservés sont autant d'indices permettant de reconstituer une vie pour remonter la piste familiale,
- Herst Lauterpacht, juriste à qui est attribuée la paternité de la notion de "crime contre l'humanité" qu'il a développée dans le but de protéger les individus au niveau supranational et qui a été mise en oeuvre la première fois au tribunal de Nuremberg,
- Raphael Lemkins, autre juriste qui a inventé le terme de "génocide" et ce qu'il recouvre dans le but de protéger les "groupes". Une notion difficile à cerner juridiquement qui n'a pas trouvé son aboutissement à Nuremberg mais un peu plus tard, dans la charte des Nations Unies puis au moment de la création du TGI (Tribunal de Grande Instance) de la Haye,
- Hans Franck, ancien avocat d'Hitler, haut dignitaire nazi, Gouverneur général des territoires occupés polonais après 1939 où il avait été surnommé "le bourreau de Pologne". Il était l'un des principaux juristes du national-socialisme, artisan de decrets plaçant la communauté nationale au dessus de tout le reste, au détriment des droits des individus et des groupes. Il a été jugé et condamné au procès de Nuremberg.
Le point commun ? Le droit international et une ville, Lemberg aussi appelée Lviv, Lvov ou Lwow selon les époques et l'État l'englobant.

En 2010, à l'occasion d'une conférence faite à l'université de Lemberg pour parler des origines du droit international, Philippe Sands découvre que cette ville où il se rend pour la première fois est tout à la fois le berceau de sa famille et celui où ont vécu et été formés les deux hommes qui ont introduit les notions de "crime contre l'humanité" et de "génocide", fondements de ce droit international. Autre "coïncidence" : cette ville au destin tragique, fut placée sous le joug du bourreau de Pologne, accusé phare au procès de Nuremberg - tout aussi historique en termes de droit international... Avant ces constats de Philippe Sands, personne n'avait fait le rapprochement sur le rôle joué par cette ville au coeur de la création du système moderne de justice internationale.

Dans cet essai, Philippe Sands nous livre le résultat des enquêtes que cette découverte a provoquée chez lui, menées pendant plus de six ans. Il remonte le temps en s'appuyant sur une énorme recherche bibliographique et humaine, il retrouve des témoins, se déplace, soulève toutes les pierres possibles et imaginables dans le soucis de donner réponse à toutes ses interrogations ... Il nous livre les portraits exhaustifs de quatre hommes, non seulement sur le plan académique mais aussi profondément humain pour expliquer leur vécu, leur cheminement intellectuel, leurs valeurs ou leurs motivations ... Derrière les individus, il retrace toute l'histoire du développement du droit international replacé dans son contexte historique, du maladroit traité de Versailles à aujourd'hui, les racines, les questionnements, les freins, les luttes de pouvoirs, les motivations ou encore les limites qui subsistent ... L'ensemble est éclairé par l'expérience familiale qu'il tente de retracer, formant une sorte de cas d'école.      

Je ne suis pas du tout spécialiste des questions juridiques mais comme tout le monde, j'ai entendu parler de ces questions de "crime contre l'humanité" ou de "génocide". Elles sont parfaitement expliquées dans ce livre bien écrit, ni trop ardu ni trop technique, facile à lire malgré quelques longueurs ...mais on peut difficilement reprocher à l'auteur, juriste, sa volonté d'être exhaustif alors qu'il rend par ailleurs tout son discours très humain avec plusieurs passages particulièrement émouvants. C'est un peu la rencontre de la petite et de la grande histoire qui forment le tissu de notre société, de nos tatonements et de nos croyances ... et c'est passionnant !   

Tiré du livre (quelques passages, du prologue seulement ... sinon il me faudrait recopier une trop grande partie du livre !) :
- Retour à Lemberg est un livre sur l'identité et le silence, mais c'est aussi une sorte de roman policier à double entrée : la découverte des secrets de ma propre famille, d'une part, et, d'autre part,l'enquête sur l'origine personnelle de deux crimes internationaux qui m'occupent dans ma vie professionnelle au quotidien, le génocide et le crime contre l'humanité. 
- Lemberg, Lviv, Lvov et Lwow désignent la même ville. Le nom a changé, ainsi que la composition et la nationalité de ses habitants, mais les lieux et ses bâtiments n'ont pas bougés, même si la ville a changé huit fois de mains entre 1914 et 1945. 
- Lauterpacht sera reconnu comme l'un des plus brillants esprits juridiques du XXè siècle et le père du mouvement moderne des droits de l'homme. 
- Lemkin a trouvé une expression pour décrire le crime (...) Il l'a appelé "génocide". Contrairement à Lauterpacht qui s'est focalisé sur les crimes contre l'humanité et la protection des individus, Lemkin s'est davantage intéressé à la protection des groupes. 
- Le procès de Nuremberg avait donné une impulsion très forte au mouvement des droits de l'homme (...) [il] ouvrait la possibilité inédite de voir les dirigeants politiques jugés par une cour internationale, quelque chose qui n'avait jamais existé auparavant. 
- pour prouver le génocide, vous devez montrer que le meurtre est animé par une intention de détruire le groupe, tandis que, pour prouver le crime contre l'humanité, une telle intention n'a pas besoin d'être établie.  (...) La distinction est-elle importante ? (...) La question resta en suspens, elle ne m'a pas quitté depuis.

Titre original : East West Street, On the Origins of "Genocide" and "Crimes Against Humanity"
Titre français : Retour à Lemberg
Traduction : Astrid von Busekist 
Auteur : Philippe Sands
Première édition : 2016

dimanche 19 novembre 2017

L'effet Papillon d'Adler Olsen


Pour le 5ème épisode de la série Departement V travaillant sur les dossiers criminels restés sans suite à la brigade criminelle de Copenhague, Adler Olsen nous entraîne entre l'Afrique et le Danemark dans une affaire de corruption et de détournements de fonds publics destinés à l'aide humanitaire, utilisés pour couvrir les déficit d'un établissement financier et les soins de santé d'un particulier. Se mélange à cette intrigue la cavale dans les rues de Copenhague du jeune Marco, un enfant des rues intelligent et malin qui en sait trop et s'est enfui d'une bande de pickpockets écumant la ville sous l'emprise d'un oncle peu scrupuleux, à la Dickens ... avec, pour couronner le tout, une évocation des enfants soldats d'Afrique reconvertis en redoutables tueurs à gage.  
Bien des fils à tirer et à relier pour le trio du département V qui s'enrichit d'un nouveau venu, Gordon, sorte de luron de la bande alors que des changements s'opèrent au niveau hierarchique supérieur de la brigade criminelle et que la vie personnelle de chacun évolue. 

Un polar toujours aussi bien ficelé qui se lit avec facilité et plaisir, combinant comme toujours intrigue spécifique et éléments "à épisode" dans la continuité des autres livres de la série.

À suivre, évidemment !

Titre original : Marco Effekten
Titre français : L'Effet Papillon
5ème volume de la série "Département V"
Auteur : Jussi Adler-Olsen
Première édition : 2012

Série Département V d'Adler Olsen- Voir aussi :
Dossier 64 - Volume 4  ICI
Délivrance - Volume 3 ICI
Profanation - Volume 2  ICI
Miséricorde - Volume 1 ICI

mercredi 15 novembre 2017

Point Cardinal de Léonor de Récondo


Laurent et Solange sont mariés depuis vingt ans, s'entendent bien et ont construit une vie de famille sans heurt et sans histoire avec leurs deux enfants maintenant adolescents, Claire, 13 ans, et Thomas, 16 ans. Laurent est un mari complice et attentionné et un père attentif et aimant ...
... mais voilà, un jour Solange découvre que parfois, à son insu, Laurent devient Mathilda ... C'est la première épreuve pour le couple qui tente d'y faire face comme il peut jusqu'à ce que tout bascule, où il faut voir les choses en face et où Laurent fini par assumer avec certitude ce qu'il est, ou plutôt "elle" est réellement : une femme.
Sa transexualité enfin déclarée, c'est le soulagement pour Laurent-Lauren dont on suit la libération mentale et la transformation physique. Pour son entourage, femme, enfants, collègues de travail, voisins c'est plus compliqué, chacun réagit à sa façon en montrant une plus ou moins grande flexibilité mentale et en passant par une large palette de sentiments et de réactions ... mensonge, trahison, incertitude, colère, révolte, silence, incrédulité, rejet, dénit, acceptation, compréhension ... D'un côté l'affirmation d'une identité enfin trouvée et de l'autre, les réactions "au tout et au rien" qui est en train de changer ...

Un sujet délicat traité d'un ton juste dans un roman qui se lit presque d'une traite.  
Le livre est rempli de toutes les interrogations qui entourent la recherche d'identité, aussi bien au plan personnel - Comment être soit ? Comment vivre avec un corps qui n'est pas le sien ?-  que dans le rapport aux autres - Mon identité est-elle définie par celle de l'autre ?   
Outre la transformation irrémédiable de Laurent en Lauren, l'histoire est aussi celle d'une famille aimante où chacun doit redéfinir sa place et surtout ses liens : le lien amoureux avec "le mari" qui devient femme, le lien filial entre le fils et la fille avec le "père" qui devient femme ...
Un récit sans jugement avec au contraire beaucoup de délicatesse et de finesse dans la narration, un livre de tolérance.

Tiré du livre :
- Qui est son père ? Est-il possible de connaître si peu quelqu'un avec qui l'on a toujours vécu ? Que l'on aime ? C'est cette incertitude-là qui la projette dans le monde adulte d'un seul coup, sans la prévenir, sans qu'elle ait pu s'y préparer. 
- J'ai longtemps cru qu'être père me suffirait pour rester homme. C'est avec ce genre de certitudes que j'ai écrasé la femme dedans.
- Doit-on être ce que voient les autres, être tel qu'on nous a aimé ?

Titre : Point Cardinal
Auteur : Léonor de Récondo
Première édition : 08/2017

dimanche 12 novembre 2017

Article 353 du code pénal de Tanguy Viel


Après avoir jeté et abandonné à la mer le promoteur immobilier Antoine Lazenec, Martial Kermeur est arrêté et déféré devant un juge d'instruction à qui il confie son histoire et ce qui l'a amené à ce geste extrême. Une histoire somme toute banale, celle d'un ouvrier spécialisé licencié des arsenaux de Brest qui vivote en attendant une prime de licenciement confortable, ancien conseiller municipal de gauche, bien dans sa presqu'île et avec ses concitoyens, divorcé assurant la garde de son fils Erwan et dont la vie bascule avec l'arrivée d'un promoteur immobilier véreux, manipulateur de haut vol, qui le piège comme tant d'autres avec le miroir aux allouettes d'un projet immobilier promettant de faire de leur petit coin de Bretagne une "Nouvelle St Tropez". Un récit qui amène petit à petit au geste fatal présenté en ouverture du livre et surtout à la conclusion, ce fameux article 353 mis en avant par le juge mais qu'il ne faut pas dévoiler pour garder le suspense  ... 

Le livre est bien écrit, relativement court et il peut se dévorer presque d'une traite. Ceci dit, une fois refermé, je reste un peu dubitative et presque mal à l'aise, tout ça pour ça !
Évidemment, on compatit au récit de Martial exposé avec beaucoup de calme et de détachement ainsi qu'un certain fatalisme, après tout il sait ce qui l'attend et ne demande qu'à pouvoir raconter les choses à sa façon, alea jacta est... 
... mais une fois digérée, je trouve l'histoire presque trop carricaturale, convenue et bien pensante même si elle cherche peut-être à adresser des questions plus larges de société sous couvert d'un simple roman noir. Finalement, c'est une sorte de reprise dépoussiérée de l'histoire du pot de terre contre le pot de fer, du méchant promoteur vereux contre le bon ouvrier naïf, de l'argent facile contre le pain si durement gagné, de l'exploitation des masses par l'avide et sournois profiteur capitaliste ...  Le personnage du promoteur, particulièrement cynique, est limite surréaliste et je ne parlerai pas du juge ni de la pirouette finale ...
 ... seulement de l'unique interrogation valable après une telle lecture : la victimisation - aussi réelle et profonde soit-elle - peut-elle justifier de se rendre justice soi-même ?

Nota : au moins, on apprend quelques chose avec cet article 353 ... mais sa portée est tout de même assez troublante et je ne peux m'empêcher de le mettre en relation avec une autre lecture récente (la Serpe de Philippe Jaenada) dans laquelle pèse le poids du juge d'instruction détenteur d'une certaine toute puissance inquiétante ( ... comprendra qui pourra ...).      

Titre : Article 353 du code pénal
Auteur : Tanguy Viel
Première édition : 01/2017
Grand Prix RTL-Lire 2017

samedi 11 novembre 2017

La Terre de brumes / Land of Mists de Garry Kilworth


Dernier volet de la trilogie des Rois Navigateurs. Kieto va accomplir sa destinée en se lançant, à la tête d'une puissante flotte océanienne, à la conquête de la lointaine "terre de Brume" où vivent les redoutables Scots et Picts mais aussi, leurs voisins, les Angles. Cette confrontation de peuples et de cultures est accompagnée d'une autre lutte toute aussi brutale, celles des Dieux qui ont décidé de se joindre aux humains qui les vénèrent et dont le sort va lui aussi se retrouver irrémédiablement transformé ...          

Ce dernier opus de la trilogie fantastique est peut-être celui où l'auteur laisse le plus libre court à son imagination, celui dans lequel les peuples de polynésie affronteraient une Grande Bretagne revisitée, un véritable clash des cultures avec tout ce qui peut les séparer mais aussi, ce qui finalement les rapproche. Encore beaucoup de mythes et de magie, des rivalités, des trahisons, des ambitions, de l'amour et un ensemble bien enlevé pour conclure cette histoire qui est un véritable hommage aux peuples du Pacifique. Une façon "fantastique" de s'initier à leur culture et d'en apprécier "in vivo" un peu toutes les composantes traditionnelles.

Tiré du livre :
- In Oceania, you shared what you had with neighbours and strangers alike. It was not unknown for a childless couple to ask parents of a large family for one of their offspring and expect to be offered a baby or an infant. Certainly if you had food and someone asked for some, you gave it without question. If a person asked for hospitality, you gave it willingly and would not dream of requesting payment for it.  

Voir aussi :
Le manteau des Étoiles / The Roof of Voyaging ICI
Le temps des guerriers / The Princely Flower ICI

Titre original : Land of Mists
Titre français : La Terre de brumes
Volume 3 de la trilogie des Rois Navigateurs (The Navigator Kings)
Auteur : Garry Kilworth
Première publication : 1998

jeudi 9 novembre 2017

La serpe de Philippe Jaenada


Une nuit d'octobre 1941, dans un château du Périgord situé en "zone libre", trois personnes sont sauvagement assassinées, massacrées à coup de serpe : George Girard, sa soeur Amélie et Louise, la bonne. Le château était fermé de l'intérieur, aucune effraction n'a été constatée alors les soupçons se sont rapidement portés sur Henri Girard, le fils de Georges, quatrième occupant du château, miraculeusement épargné et qui, deux jours plus tot, avait emprunté l'arme du crime aux gardiens du château. L'instruction ainsi que le procès à charge qui suivront en dresseront le portrait d'un enfant gâté, dépensier, arrogant, violent, manipulateur ne s'entendant ni avec son père, ni avec sa tante, avide de récupérer l'héritage familial. Il sera finalement acquitté et l'enquête abandonnée. Henri Girard s'exilera ensuite plusieurs années en Amérique du Sud avant de rentrer en France et d'écrire sous le pseudonyme de George Arnaud, notamment le célèbre le Salaire de la Peur.
Dans ce livre, Philippe Jaenada joue une nouvelle fois les détectives amateurs (... pas tant que ça ...) pour reprendre toute l'analyse de cette enquête jamais élucidée. Il se rend sur place, fouille les archives, les rapports d'enquêtes, les correspondances, lit, croise, teste, reprend toute l'histoire telle qu'elle a été perçue du présumé coupable avant de dénoncer les failles et les biais de l'enquête, de proposer ses déductions et sa théorie sur le mobile et le déroulé vraisemblable de la nuit meurtrière.   

J'avais adoré La Petite Femelle et me suis donc plongée sans hésitation dans ce nouveau roman. On retrouve la même truculence de style avec toutes les apartées, digressions ou associations d'idées propres à cet auteur; les anecdotes personnelles ne manquent pas non plus avec la dérision sur son propre personnage ou la projection de certains points de son enquête sur son vécu de père ou de conjoint. Par allusions et associations d'idées, il apporte quelques éléments de suite à ses romans précédents, notamment à La Petite Femelle, et on a un peu l'impression de poursuivre une conversation entamée précédemment avec l'écrivain. C'est peut-être aussi à prendre comme un signe de l'attachement qu'il développe pour ses personnages, des êtres stigmatisés, diabolisés, broyés et incompris par la société de leur époque et qu'il réhabilite en leur rendant leur part d'humanité, d'intégrité et de fragilité.
L'enquête et la théorie proposées sur cette nouvelle affaire sont par ailleurs très bien étayées et la conclusion tout à fait plausible, très convaincante même si elle est livrée sous couvert d'un roman avec toutes ses limites pour "protéger des innocents qui n'ont pas à porter la faute du père" ... une histoire qui interpelle enfin sur les failles du système judiciaire à l'époque de l'enquête, le poids du juge d'instruction avec toutes les conséquences que cela peut avoir sur ceux qui les subissent.

Un style très personnel, une enquête méticuleuse et un très bon moment de lecture ! Brillant !     

Nota : ... et en plus, j'aime bien la couverture qui ressemble à un plateau de Cluedo avec le plan des pièces et l'arme du crime, comme une partie dans laquelle il ne resterait plus qu'à trouver le meutrier ...

Titre : La Serpe
Auteur : Philippe Jaenada
Première édition : 2017
Prix Femina 2017

mercredi 8 novembre 2017

Le temps des guerriers / The Princely Flower de Garry Kilworth


Dans "le temps des guerriers", on retrouve les personnages principaux du "manteau des étoiles" maintenant établis depuis presqu'une vingtaine d'année sur leur nouvelle île de Rarotonga. Ils vont reprendre la mer à bord de la Fleur Princière aux côté de Kieto pour apprendre l'art de la guerre avant que celui ci ne puisse accomplir sa destinée, la conquête d'Albainn, la terre de Brume d'où sont originaires Seumas et Dorchas. Ce sera une nouvelle épopée héroïque à travers l'océan pour découvrir la porte qui leur permettra d'accéder au monde des redoutables guerriers maoris  ...
Dans le même temps, on découvre que Seumas a eu un fils qui, sans le connaitre, lui porte une haine farouche et a promis de supprimer son père. Son parcours de vengeance lui fera intégrer une flotille arioi qui sillonne l'océan d'île en île, troupe artistique prestigieuse qui apporte dans son sillage le meilleur du spectacle et des art traditionnels océaniens : chant, musique, poésie, danses, combats, acrobaties, etc.        
En plus des ambitions, amitiés, amours, jalousies, rivalités et autres relations de nature purement humaines, le récit fait la part belle aux mythes et aux légendes peuplées de dieux, monstres, fées et autres maléfices que les héros devront affronter.

Un livre "intermédiaire" dans la trilogie des Rois Navigateurs, dans la même veine que le premier tome mais en peut être moins passionnant parce qu'il n'a plus l'attrait de la nouveauté et que certains éléments font trop échos aux aventures déjà vécues précédemment. Le livre reste cependant très intéressant pour la mise en scène des mythes et légendes polynésiennes desquelles il s'inspire mais aussi et surtout pour la connaissance et la description qu'il donne des arioi qui existaient en polynésie jusqu'à ce que les missionnaires bien pensant s'attachent à les faire disparaitre parce qu'ils les jugeaient dépravés.

Le livre reste une bonne référence pour la découverte des mythes et légendes du Pacifique et de la vie traditionnelle en Polynésie.

Tiré du livre :
- A community worshiped the gods, but an individual worshiped the spirits of his ancestors. 
- Tangiia chose, in the Tahitian-Raiatean way, to emphasize his divine origins. He was thus a remote figure to the people, appearing mostly at night since commoners were obliged to sit with bowed heads when he passed (...). Karika, however, remained very much a man of the people. This was the Samoan custom. Samoan kings did not trace their line back to the gods, or if they did it was not public knowledge. Karika was strong on dignity, could be stern and challenging, but did not stand on pomp. (...) With king Tangiia's divine heritage came colourful ceremonies, music and dancing and a strong sense of religious fervour.
- The Arioi was a unique society of dancers and singers, players and entertainers, who travelled Oceania building enormous stages on which to perform their various acts. There would be musicians and comedians amongst them toot, and other kinds of performers. There were seven grades of performers, the highest being the Avai parai, the Painted Leg, and the lowest the novitiates, the Poofaarearea, known as flappers
Arioi shows included such diverse acts as histrionic oration, spear fighting, satirical plays, sparkling dialogues, chants on ancient history, laudatory songs of heroes and heroines, and provocative hura dances.   
- Ao, the God of Clouds, was very important to seafarers in Oceania, for in the shapes and colours of the clouds the seamen recognized certain navigational signs. One particular cloud formation might indicate the presence of land beneath, another a dangerous reef below shallow water. Red clouds, grey clouds, white clouds, black clouds : all had significance when predicting future weather patterns. The reflection of sea colours, from lagoons and shallows, could be seen from several hundred miles away on the base of a cloud. 
- The Arioi was essentially Tahitian and 95% of its players were from the Tahitian island group. (...) The Tongan were pirates and sea raiders, the Samoans were too starchy and conservative and the Fijians were too fond of fighting to find time to develop such a marvelous troupe. Other island groups were either too remote, or too small, or just too busy living ordinary lives. (..) The Hivan islands, had a smaller, looser circle of traveling players than the Arioi, called the Hoki, a wandering set of musicians, poets and dancers. (...) The Hawaiians loved gambling too.  
- There seemed to be three groups of pa: pa with terraces only, promontory or ridge pa with short transverse ditches, and finally, ring-ditch pa. Each was best for a certain type of terrain. 
- He reflected on the Maori, on their greatness. They were a fascinating people with a true feeling for the artist, both in their wooden carvings (...) In the science of war too. 

Voir aussi :
Le Manteau des Étoiles / The Roof of Voyaging ICI

Titre original : The Princely Flower
Titre français : Le Temps des guerriers
Volume 2 de la trilogie des Rois Navigateurs (The Navigator Kings)
Auteur : Garry Kilworth
Première publication : 1997

lundi 6 novembre 2017

Tiare / Tiare in Bloom Célestibe Hitiura Vaire


Troisième et dernier volume de la trilogie tahitienne de Materana. L'ancienne "femme de ménage professionnelle" est devenue vedette de radio mais elle sait garder la tête sur les épaules ainsi que toute sa fraîcheur et sa simplicité. Sa fille Leilani est partie étudier en France pour devenir médecin alors que les hommes de la famille prennent du bon temps dans une société encore profondemment machiste. Dans ce volume, c'est leurs rapports aux femmes et à la famille ainsi que leur attitude face aux responsabilités qui va être mise à l'épreuve pour former le coeur de l'intrigue ...

Un livre qui se dévore comme le reste de la trilogie, drole, tendre et plein de bon sens caché sous une apparente simplicité. Une très jolie évocation des "petites gens" de Tahiti et de leur place dans la société, encore une fois décrits avec beaucoup de soin et de tendresse.
Un rayon de soleil sans prétention, pour se mettre du beaume au coeur !
  
Dans le livre :
-Ah, il ne faut pas grand-chose à un homme pour être heureux. Un peu de ma'a*, un peu de zizi-panpan, un peu de calme le soir, et il peut respirer. 
- Quant Materana a eu son boulot à la radio, Pito a eu peur qu'elle se mette à parler high class, qu'elle devienne une "Madame-Moi-Je", mais elle est restée la Materana avec qui Pito vit depuis presque un quart de siècle. Elle court tout partout dans la maison avec son balai, peut-être pas tout à fait autant qu'autrefois - au moins, le balai peut se reposer de temps en temps. Elle prête des oeufs aux cousines qui n'ont pas le temps d'aller chez le Chinois avant qu'il ferme. Elle fait la cuisine, elle rit, elle râle, elle ratisse les feuilles et elle angoisse quant son gateau-banane sort du four avec un air bizarre. Elle va à la messe, elle discute avec les taties, elle va tirer l'herbe sur les tombes des ancêtres, elle rend visite à sa mère régulièrement ... c'est une vahine tahiti assez typique. 
- Pourquoi est-ce qu'on veut tous que nos gosses grandissent si vite ?
- Ce que les femmes devraient faire, selon Pito en tout cas, c'est de foutre le camp pendant un week-end entier de temps en temps. Se barrer, laisser les gosses avec leur père, disparaître, mais sans rien dire au père ce qu'il faut faire et ce qu'il faut pas faire. Juste sortir de la maison et fermer la porte.

*ma'a : nourriture

Voir aussi :
L'arbre à pain / Breadfruit  ICI
Frangipanier / Frangipani  ICI

Titre original : Tiare in bloom
Titre français : Tiare
Deuxième volume d'une trilogie Tahitienne avec l'Arbre à Pain et Frangipanier
Auteur : Célestine Hitiura Vaite
Traduction : Henri Theureau
Première édition : 2006

vendredi 3 novembre 2017

Bakhita de Véronique Olmi


Elle ne se rappelle plus le nom qui lui a été donné par son père et on la connaîtra sous celui de Bakhita. Née au Darfour au milieu du 19ème siècle, elle a été enlevée par des négriers vers l'âge de 7 ans. Enfermée, maltraitée, exploitée, elle tentera de s'enfuir mais sera reprise puis vendue sur un marché aux esclaves soudanais. Elle connaitra plusieurs maîtres abusifs avant d'être rachetée par un consul d'Italie qui cédera à ses suplications de la ramener en Italie au moment ou le chaos s'empare du Soudan en guerre. Placée comme servante et nounou dans une famille puis chez des religieuses, elle demandera à être baptisée puis à devenir soeur malgré ses difficultés à s'exprimer et son manque d'éducation. Dans les campagnes d'Italie où elle officiera, ses valeurs de coeur finiront toujours par dépasser la peur causée par la couleur de sa peau; elle apportera amour et réconfort aux enfants qu'elle aimera par dessus tout. Une épopée cruelle et héroïque jusque dans l'exploitation qui sera faite de son histoire par l'église. Le meilleur et le pire, une grande leçon d'humanité ...

Le roman permet de combler et d'imaginer les zones d'ombres de la vie de ce personnage qui a réellement existé, élevé au rang de sainte patronne du Soudan par Jean-Paul II au début du 21ème siècle : 
Le 1er octobre 2000, Jean-Paul II la déclare sainte. Bakhita devient ainsi la première sainte soudanaise et la première femme africaine à être élevée à la gloire des autels sans être martyre.
Avec un roman, il est toujours difficile de faire la part de la réalité et celle de l'imagination mais il est probable que la cruauté et la violence de certaines scènes presque insoutenables du livre - contenue parfois même dans les non-dits qui laissent imaginer le pire - reflètent une certaine réalité des expériences et des traumatismes vécus par Bakhita dans son parcours africain, une petite fille déracinée et malnenée, transformée en objet par la cupidité et la cruauté du monde dans lequel elle se retrouve plongée. La partie italienne de son parcours est tout aussi intéressante et non dénuée d'une certaine cruauté, plus morale que physique, même si elle y trouve sa rédemption.

Une histoire entièrement axée sur le personnage qui prend vie "de l'intérieur" sous la plume de Véronique Olmi. Une Bakhita qui ne maitrise aucune langue et mélange les mots mais qui sait garder une âme pure et un coeur riche en restant fidèle à l'image de la "douce et belle" petite fille gravée en elle par l'amour de sa maman. Un être balotté comme un brin de paille entre les régions, les pays et les époques sans possibilité d'en saisir les tenants et aboutissements constituant une toile de fond qui, de son point de vue, ne peut être qu'esquissée.
Au final, une "storia meravigliosa" dans ce destin exceptionnel faisant malheureusement écho à certains événements terribles du monde contemporain  ... âmes sensibles s'abstenir !

Tiré du livre :
- Sa mère avait tant d'enfants. C'est comme ça que toujours elle s'est souvenue d'elle, avec des enfants tenant ses mains, ses jambes, gonflant son ventre, suçant ses seins, endormis dans son dos. Un arbre et ses branches. C'est sa mère. 
- Esclave, elle ne sait pas ce que c'est exactement. C'est le mot de l'absence, du village en feu, le mot avec lequel il n'y a plus rien. Elle l'a appris, et puis elle a continué à vivre, comme font les petits enfants qui jouent et ne savent pas qu'ils sont en train de grandir et d'apprendre. 
- Elles dorment en se tenant la main. Bakhita sent alors une force insoupçonnée, un courant puissant, et cela aussi est nouveau : partager avec une inconnue l'amour que l'on ne peut plus offrir à ceux qui nous manquent. 
- Est-ce que les lieux existent encore quand on les a quittés ?
- L'évasion commence pas l'esprit. 

Titre : Bakhita
Auteur : Véronique Olmi
Première édition : 2017
Prix FNAC Roman 2017

jeudi 2 novembre 2017

Frangipanier / Frangipani de Célestine Hitiura Vaite



Après l'arbre à pain, Frangipanier permet de retrouver Materana et toute sa famille tahitienne, avec son mari Pito, ses trois enfants et sa multitude d'oncles, tantes, cousins et cousines. Cette fois, le projecteur est dirigé plus particulièrement sur les relations de Materana avec sa fille Leilani, de la naissance de celle-ci à sa vie de jeune femme. L'amour et l'admiration d'une mère pour sa petite fille, brillante écolière particulièrement intelligente, les tensions de l'adolescence, les premiers amours, l'épanouissement et les ambitions d'une jeune femme bien dans sa peau, etc. Une relation qui façonne et inspire aussi Materana, l'héroine de la série qui en vient à s'affirmer pour trouver une nouvelle voie après des années à oeuvrer consciencieusement comme "femme de ménage professionnelle" ...

On retrouve la même fraîcheur que dans l'arbre à pain, une petite bulle de bonheur, une histoire a priori toute simple qui fait du bien et qui évoque avec beaucoup de tendresse et de justesse la vie d'une famille de Faa'a, en périphérie de Papeete. Les expressions et la façon de parler des personnages ainsi que le ressenti de l'histoire sont d'une grande justesse. C'est drole, bien écrit et on apprend au passage plein de petites choses sur la culture locale. On sent l'amour de l'auteur pour son île et ses habitants riches de leurs sourires, de leur simplicité et de leur bienveillance.
Un vrai régal !

Tiré du livre :
- À sa fille qui n'est pas encore née, Materana parle de Tahiti pour lui donner une idée du pays qui sera bientôt le sien (...) les tiare tahiti blancs que les gens portent à l'oreille, à droite pour : je suis libre, à gauche pour : j'ai déjà un amour à moi. Elle lui montre les arbres qu'on a planté le jour où un enfant est venu au monde, le jour où quelqu'un qu'on aime s'en est allé, pour qu'on parle encore de ce jour-là dans cent ans. (...)
- Elle parle d'elle-même maintenant. Alors, pour commencer, elle aime balayer. Quant elle est fâchée, elle balaye (vite), quand elle est triste, elle balaye (lentement), quand elle ne sait plus où elle en est, elle balaye (moitié vite et moitié lentement). Mais le résultat est toujours le même : chez elle, c'est propre par terre et elle est heureuse.
- Materana (...) essaye de se détendre en pensant à toutes les "règles de l'accouchement tahitien traditionnel". Première règle : ne pas crier en poussant pour mettre l'enfant au monde parce que si tu cries le bébé va avoir peur en naissant, et c'est pas bon pour lui. (...) Deuxième règle : ne pas pleurer en braillant quand tu pousses pour mettre l'enfant au monde, parce que si tu pleures le bébé va être tout triste en naissant et c'est pas bon pour lui. Ca fera un bébé qui pleure pour rien, et ça deviendra un adulte qui pleure pour rien (...) Troisième règle : ne pas hurler de gros mots en poussant pour mettre ton enfant au monde, parce que si tu hurles des gros mots, le bébé dans ton ventre il va être fâché et c'est pas bon pour lui. Ca va faire un bébé qui se fâche pour rien, et ça deviendra un adulte qui se fâche pour rien (...) 
- Materana a déjà choisi l'arbre de Leilani, un beau frangipanier qu'on va planter avec le placenta de Leilani la semaine prochaine, après son baptême.(...) Quand un enfant naît à Tahiti, on enterre son placenta au pied d'un arbre jeune, et ensuite l'enfant et l'arbre grandissent ensemble. Un arbre sain veut dire que l'enfant est en bonne santé, de même qu'un arbre malade veut dire que l'enfant va mal. Quand l'arbre de l'enfant est malade, la mère emmène l'enfant voir le docteur. 
- Mets la maison en ordre avant d'aller te coucher, parce que si la première chose que tu vois le matin c'est le bordel, ça va te mettre de mauvaise humeur.

Voir aussi :
L'arbre à pain / Breadfruit ICI

Titre original : Frangipani
Titre français : Frangipanier
Deuxième volume de la trilogie Tahitienne de Materana, avec l'Arbre à Pain et Tiare
Auteur : Célestine Hitiura Vaite
Traduction : Henri Theureau
Première édition : 2004

mercredi 1 novembre 2017

Les jardins de lumière d'Amin Maalouf


Les jardins de lumière racontent l'histoire de Mani. Ce personnage historique vécut en Perse au 3ème siècle où il fonda le manichéisme, synchrétisme du zoroastrisme, du bouddhisme et du christianisme. Le roman illustre son parcours, son enfance "à la dure" dans une secte, sa révélation, sa "vie de lumière", de tolérance et de beauté inscrite dans une période historique particulière au cours de laquelle il reçut de prestigieux soutiens tout en se confrontant à de redoutables détracteurs qui lui valurent une fin de martyr. Après sa mort, les inquisiteurs s'efforcèrent de faire disparaitre toute trace de son passage et il n'en reste aujourd'hui que le terme "manichéen" au sens péjoratif déformé, très éloignée de sa racine éthymologique signifiant "Mani-le-vivant".    

L'auteur franco libanais Amin Maalouf est une valeur sûre et ce roman que je ne connaissais pas encore constitue une lecture agréable et enrichissante permettant de découvrir la vie fascinante de ce Mani, remise dans un contexte historique lui aussi oublié. Un livre qui n'a pas pris une ride !

Tiré du livre :
- Mani (...) apparaît, avec le recul des siècles, comme le véritable fondateur de la peinture orientale, lui dont chaque trait de pinceau allait faire naître, en Perse et aussi en Inde, en Asie Centrale, en Chine, au Tibet, mille vocations d'artiste. Au point que dans certaines contrées, on dit encore "un mani" quand on veut dire, avec des points d'exclamations, "un peintre, un vrai". 
- Il n'y a pas de majorité dans la vérité. 
- La même étincelle divine est en nous tous, elle n'est d'aucune race, d'aucune caste, elle n'est ni mâle ni femelle, chacun doit la nourrir de beauté et de connaissance, c'est ainsi qu'elle parvient à resplendir, c'est seulement par la lumière qui est en lui qu'un homme est grand. 
- De sa religion de beauté, de sa subtile religion du clair-obscur, nous n'avons gardé que ces mots de, "manichéen", "manichéisme", devenus dans nos bouches des insultes. 

Titre : Les jardins de lumière
Auteur : Amin Maalouf
Première édition : 1991