À Kiev, Victor vit seul avec son pingouin Micha adopté un an auparavant auprès du zoo qui se débarassait alors de pensionnaires dont il ne pouvait plus s'occuper. Victor est journaliste/écrivain sans emploi jusqu'à ce qu'il soit embauché pour rédiger des "petites croix", des nécrologies sans concession de personnes connues, prêtes à publication - sous pseudonyme - par le journal qui le recrute. Au début, Victor dispose de pas mal de liberté et l'exercice est assez amusant avec juste une pointe de frustration, celle de ne pas se voir immédiatement publié puisque les personnes sont vivantes. Recommandé par son rédacteur en chef, il est contacté par Micha (pas le pingouin) qui lui commande une nécrologie pour l'un de ses amis malade. Peu après, l'un de ses premiers articles est publié mais sa fierté va rapidement faire place à l'inquiétude lorsque les publications se multiplient. Dans le même temps, une succession de personnages hauts en couleur vont progressivement entrer dans sa vie et celle de Micha (le pingouin) : Sergeï, le policier animal-sitter, Pidpaly, le vieux "pingouinologue", Sonia, une petite fille qui va se retrouver sous sa garde, Nina, la "nounou" qu'il embauche et qui s'installe.
Un petit roman tragi-comique qui sous couvert d'un étonnant voyage en absurdie dénonce le monde gris, corrompu et sans perspectives d'une société post-soviétique. Toutes ces "petites croix" mettent en branlent un terrible engrenage pour Victor mais l'air de rien, permettent de pointer les taches des pommes avariées qui empoisonnent la société, les hommes d'affaires verreux, les politiques, les militaires, les mafieux, les intellectuels, leurs faiblesses et leurs travers, le système de santé déficient, les trafic d'organes et autres en tous genres, etc.
Des personnages tristes, sans amour et sans perspectives, qui unissent leurs solitudes et cohabitent dans un monde dont la règle d'or de la survie est "obéir et ne jamais poser de question"... mais même en baissant la tête, personne n'est sûr de ne pas être emporté à un moment ou un autre. D'ailleurs, dans cet univers, même Micha, l'"animal de compagnie" si loin de sa banquise, est non seulement neurasthénique mais aussi un pion "en location" bientôt "sous protection" parce qu'il apporte la touche de "classe" indispensable aux enterrements VIP.
Avec ce premier livre qui l'a rendu célèbre, c'est poussée par une actualité profondément dérangeante que j'ai décidé de franchir le pas et choisi d'enfin découvrir l'univers d'Andreï Kourkov, auteur emblématique de l'Ukraine autour duquel je tournais depuis longtemps (Un auteur né en Russie où ses publications sont interdites). Au final, un livre aigre-doux, plein de dérision, de fantaisie et d'humour noir pour dénoncer
les travers hérités de l'époque soviétique et le poids d'une société verrouillée au début des années 1990, un univers particulièrement lourd laissant pourtant un goût de "revenez-y"... et j'y reviendrai !
Titre français : Le pingouin
Titre anglais : Death and the Penguin
Auteur : Andreï Kourkov (Andrey Kurkov)
Première édition : 1996
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