lundi 30 décembre 2019

La femme en vert / Silence of the Grave d'Arnaldur Indridason

Alors que la ville de Reykjavik s'étend, des ossements sont découverts sur un chantier à l'arrêt. Ils datent de l'époque de la seconde guerre mondiale, entourés d'un mystère que l'inspecteur Erlandur et ses deux assistants vont tenter d'élucider. À cette époque, l'endroit était isolé, une colline avec un chalet aujourd'hui disparu et quelques barraquements d'une base battant pavillon anglais puis américain. Les pistes se brouillent autour d'un amoureux épleuré après la disparition de sa fiancée et d'une famille de 3 enfants subissant la violence domestique du père...
Sur le plan personnel, Erlandur est préoccupé par l'état de sa fille Eva Lind à qui il se confie lors de visites quotidiennes à l'hopital alors que la guérison de la jeune toxicomane plongée dans le coma est incertaine.

La réputation d'Arnaldur Indridason n'est pas à faire ; une plongée dans ses polars est la garantie d'un bon moment d'évasion dans une ambiance islandaise. Un scénario bien ficelé tant sur le plan de l'enquête que des personnages récurrents dont on suit l'évolution d'un épisode à l'autre.

La femme en vert/Silence of the grave est une valeur sûre.

Du même auteur, voir aussi :
La cité des Jarres / Jar City (1)
Les nuits de Reykjavik / Reykjavik Nights

Titre français : La femme en vert
Titre anglais : Silence of the Grave
Série Enquête du commissaire Erlendur Sveinsson / A Reykjavik Murder Mystery (2)  
Auteur : Arnuldur Indridason
Première édition : 2002

samedi 28 décembre 2019

La cité des Jarres / Jar City d'Arnaldur Indridason


Un vieil homme assassiné dans un appartement sordide et un message énigmatique laissé par le meurtrier : "je suis LUI"... Nous voici lancés dans une drôle d'enquête aux côtés du commissaire Erlendur et de son équipe qui n'ont comme indices pour démarrer qu'une collection de film pornographiques et la vieille photographie d'une tombe d'enfant. Une piste parsemée de petits cailloux nommés viols, flics ripoux, conservation d'organes ou encore héritage génétique alors que sur le plan personnel, Erlandur apprend la cohabitation avec sa fille toxicomane, enceinte, Eva Lind.

Quitte à se (re)-plonger dans les enquêtes islandaises du commissaire Erlandur Sveinsson, je les reprends dans l'ordre. Ce premier opus publié en 2'000 avait reçu le prix Clé de verre du roman noir scandinave et, presque 20 ans après, il n'a aucunement perdu de son attrait : on se laisse prendre par les méandres de l'histoire qui ne cherche pas tant à résoudre le crime d'une crapule peu sympathique mais plus à rendre justice à ses victimes passées.

Ambiance islandaise et un très bon polar.

Du même auteur, voir aussi :
Les Nuits de Reykjavik / Reykjavik Nights

Titre français : La cité des Jarres 
Titre anglais : Jar City 
Série Enquête du commissaire Erlendur Sveinsson / A Reykjavik Murder Mystery (1)
Auteur : Arnuldur Indridason 
Première édition : 2000

vendredi 20 décembre 2019

À la grâce des hommes / Burial Rites de Hannah Kent

Islande, 1828-1829

Agnès a été condamnée à mort pour meurtre. En attendant l'exécution de sa sentence, elle est assignée au domicile d'un officier de sécurité de la vallée de Kornsa, Jon. Elle partage désormais son quotidien avec la famille de son gardien : Margaret, sa femme, et ses deux filles âgées d'une vingtaine d'années, Steina et Lauga. Inspirant initialement la peur, le dégoût, la méfiance, voire la fascination, la présence de la meurtrière est subie, à peine supportée à son arrivée, juste une paire de bras supplémentaires bien utiles, avec laquelle le foyer s'interdit toutes interactions verbales.
Pour sa rédemption et le salut de son âme, elle reçoit toutefois les visites d'un jeune assistant révérend, Thorvardur Jonsson, qui, pour essayer de la comprendre et de l'atteindre, lui fait raconter son histoire. À l'approche de l'hiver, les rapports évoluent alors que les personnages se retrouvent confinés dans la maison de tourbe, sans intimité possible.

Une histoire romancée à partir du personnage historique d'Agnès, dernière criminelle condamnée à la peine capitale et exécutée en Islande en 1829. Les chapitres sont introduits par des documents originaux d'époque, traduits et adaptés, alors que le reste est laissé à l'imagination de l'auteur qui a su traduire la solitude et l'isolement de certaines fermes d'Islande ainsi que les conditions de vie si difficiles de l'époque (insalubrité des maisons de tourbe, la pièce de vie unique, la moisson, les conditions climatiques extrêmes et changeantes, l'organisation sociale, etc.). Les rapports sociaux, la place des femmes, les commérages, la place bien déterminée de chacun dans la communauté sont des données importantes pour comprendre la psychologie de chacun qui s'affine au fil des pages alors que s'humanisent des rapports non choisis.

L'auteur, Australienne, a vécu une expatriation en Islande et elle a parfaitement su traduire le ressenti de l'isolement en s'appuyant sur sa propre expérience. Une histoire d'une autre époque, abordée avec sensibilité et réalisme. J'ai particulièrement apprécié les éléments de la vie courante dans lesquels j'ai retrouvé, contextualisés, beaucoup des thèmes développés dans le petit livre des islandais du temps jadis lu récemment.

Un roman comme je les aime, bien écrit, dépaysant et enrichissant. ❤️

Titre français : À la grâce des hommes
Titre anglais : Burial rites
Auteur : Hannah Kent
Première édition : 2013

lundi 16 décembre 2019

Cartel / The cartel de Don Winslow

People don't run the cartel; the cartel runs people.

2004-2012, Mexique.

Après la Griffe du chien/The Power of the dog, nous retrouvons Art Keller cherchant la sérénité dans un monastère et Adan Barrera servant son temps dans une prison américaine. À la mort de sa fille chérie, le trafiquant obtient son extradition vers une prison fédérale mexicaine en "échange" de quelques informations choisies sur ses rivaux, désormais bien décidé à reprendre le contrôle de son empire. Le jeu du chat et de la souris peut reprendre entre les deux ennemis jurés alors que de nouveaux protagonistes (Les Zetas, les frères Tapia, Magda, Crazy Eddie Ruiz, Chuy, Pablo, etc), font leur apparition en apportant dans leur sillage une vague de violence sans précédent, dépassant l'imaginable, n'épargnant rien, ni personne. Le trafic de drogue n'est plus que le rouage presque anecdotique d'une machine infernale et totalement folle entraînant dans son mécanisme chantage, extorsions, kidnappings, prostitution, meurtres, tortures, viols, terreur, etc.: seul un pacte avec le diable pourra peut-être arrêter son emballement.

Le deuxiėme tome de cette trilogie de la griffe du chien nous emporte dans un rythme encore plus endiablé que le premier volume qui paraîtrait presque fade à la lecture de ce nouvel opus. Certaines scènes sont d'une violence tellement insoutenable et incroyable que je me suis parfois interrogée sur l'imagination de l'auteur et la "vérité" de certains épisodes. Quelques recherches rapides montrent qu'elles ne sont malheureusement souvent que le reflet de la réalité, la reprise de faits débordants sur le quotidien de "civils" mexicains innocents, les plus pauvres, les plus démunis, des victimes collatérales au service des intérêts de l'argent et du pouvoir. Ainsi, et pour ne donner que quelques exemples, ont véritablement existés :
- les redoutables "Zetas" (anciens des troupes d'élite reconvertis dans les trafics en tous genres),
- la guerre sanguinaire des gangs pour le contrôle de Juarez,
- l'attentat du casino Royale de Monterrey et ses 53 morts,
- ou encore le blog dénonçant les atrocités des narcotrafiquants ("Blog del Narco" dans la réalité).
Certains éléments historiques mis en scène dans le livre, comme l'élection présidentielle de Calderon sont également facilement vérifiables : un président issu d'un scrutin controversé qui a amené la population à manifester et à demander un recomptage des voix.

L'auteur a donc su composer avec la réalité pour nous livrer ce thriller d'une intensité rare, une véritable plongée dans l'univers absolu du mal. Il nous donne quelques indications sur ses sources dans ses remerciements et dédie ce "roman" aux journalistes assassinés pour avoir voulu dénoncer les crimes liés à cette guerre des gangs sans merci : trois pages non exhaustives de noms, un hommage bien troublant... Et un livre tout aussi troublant au regard d'une certaine actualité, sueurs froides garanties.

Extraits du texte :
The so-called Mexican drug problem isn't the Mexican drug problem. 
It's the American drug problem. 
There's no seller without a buyer.

Mexico, the land of pyramids and palaces, deserts and jungles, mountains and beaches, markets and cobblestoned streets, 
broad plazas and hidden courtyards, is now known as a slaughter ground.
And for what?
So North American can get high.

As of the end of 2010, there have been 7'000 people killed in Juarez, 10'000 businesses closed, 
130'000 jobs lost, and 250'000 people "displaced". (...) 
The final tally of drug-related deaths in Mexico in 2010 came to 15'273.

When you ask people, "what's America's longest war? “They usually answer" Vietnam" or amend that to "Afghanistan", 
but it's neither.
America's longest war is the war on drugs.
Forty years and counting.

You say "narco" anymore in D. C. outside the hallways of DEA, you get a yawn. 
You say "narcoterrorism", you get a budget. A free hand and a blind eye.

Voir aussi :
La griffe du chien / The Power of the Dog

Titre original : The Cartel
Titre français : Cartel
Deuxième volume de la trilogie "La griffe du chien" 
Auteur : Don Winslow
Première édition : 2015

vendredi 13 décembre 2019

Le petit livre des islandais / The little book of the Icelanders d'Alda Sigmunsdottir

Au travers de 50 sujets qui font chacun l'objet d'un court chapitre, des maisons de tourbe au rôle de l'espoir, Alda Sigmunsdottir nous fait découvrir des éléments qui ont façonné son pays, l'Islande, aux temps anciens. Sur un ton léger et humoristique l'auteur partage la résilience, l'inventivité, les règles sociales, l'alimentation, l'hygiène, les croyances et les superstitions, les us et coutumes d'un peuple qui a vécu dans la misère et sous le joug de l'église et de puissances lointaines pendant la plus grande partie de son histoire.
Des historiettes sur ce qui rythme la vie de la naissance à la mort, plus ou moins folkloriques, qui n'ont pour la plupart plus vraiment cours dans la société moderne qu'est devenue l'Islande mais qui n'en restent pas moins des marqueurs de l'identité nationale et de la tradition avec des traces encore visibles ici et là, dans des expressions du langage par exemple.

Un livre à la fois léger et documenté, bourré d'anecdotes, qui constitue une introduction amusante mais non moins sérieuse à l'histoire, la sociologie et le folkrore islandais. Facile à lire même si la traduction française laisse parfois à désirer et ne rend sans doute pas justice au texte d'origine - par moments, on dirait du "Google traduction" sans subtilité... Alors sachant que l'auteur a publié plusieurs autres "petits livres", je choisirai plutôt l'anglais, sa langue d'expression, si j'en viens à lire un autre ouvrage de la série.

Nota : Écrivain, journaliste, bloggeuse, Alda Sigmunsdottir est une islandaise qui a vécu plusieurs années à l'étranger (Canada, Chypre, Royaume Unis et Allemagne) ; de 2004 à 2010 elle a tenu un blog populaire sur son pays, The Iceland Weather Report, qui fait toujours référence.
Le site d'Alda Sigmunsdottir ICI

Extraits du texte :
Apprendre à lire aux enfants n'était pas une option, tout du moins pas au XVIIIe siècle en Islande. L'église nationale décrétait que tout le monde devait apprendre à lire, et ce pour une raison spécifique : afin d'être brillamment capable d'embrasser ses enseignements religieux. (...) L'application de ce décret en Islande était la responsabilité du pasteur local. Celui-ci faisait régulièrement le tour des humbles demeures de ses paroissiens et interrogeait les enfants pour savoir s'ils avaient le niveau. S'il trouvait qu'ils en manquaient, il était autorisé par la loi à les retirer à leurs parents et à les placer dans une autre ferme où leur éducation serait plus attentivement prise en charge. 

 Pour les islandais de jadis [les histoires] étaient un anti-dépresseur. C'est pourquoi les gens s'y accochaient, et par extension se sont accrochés à la tradition littéraire. Les Islandais comptaient sur ces histoires, les intériorisaient, les racontaient encore et encore, les vivaient. Elles leur apportaient l'espoir. (...) Dans espoir, il y a fatalisme(...) Les gens apprenaient à se soumettre à quelque chose de bien plus grand et d'immensément plus puissant qu'eux. Cette soumission est l'essence même de l'humanité. 
(...)
Le passé d'une nation est toujours inextricablement lié à son présent. Toutes ses expériences deviennent une part de son identité collective et de son âme. Aujourd'hui les islandais comptent toujours parmi les peuples les plus heureux de la Terre. Enquête après enquête, ils déclarent être généralement optimistes et se contenter de leur lot, pourquoi ? (...) Se pourrait-il que ce contentement, cet optimisme, se soit imprégné dans l'âme profonde du peuple islandais à travers des siècles de vie rude, quand chacun devait avoir l'espoir de survivre, même si c'était complètement illogique ? J'aime à le penser. Comme j'aime à penser que la puissante tradition littéraire de l'Islande provient des veillées, ou que les problèmes face aux engagements proviennent de siècles de vie aléatoire dans un climat capricieux.

Titre français : Le petit livre des islandais du temps jadis
Titre anglais : The Little Book of the Icelanders in the old days
Auteur : Alda Sigmundottir
Première édition : 2014

mardi 10 décembre 2019

Les nuits de Reykjavik / Reykjavik Nights d'Arnaldur Indridason

Jeune policier en uniforme affecté aux rondes de nuit, Erlandur est fasciné par les cas de disparitions non élucidées. Ainsi, après la routine nocturne avec ses coéquipiers - accidents de la route, bagarres, ivrognes et sans abris - Erlandur s'interroge et en vient à mener une enquête en solitaire, toute personnelle, sur la noyade, a priori accidentelle, d'un SDF qu'il a ramassé à plusieurs reprises. Une mort un peu négligée et éclipsée depuis un an par la disparition mystérieuse d'une jeune femme survenue la même nuit. Rien ne peut le laisser supposer ... mais ... et si les deux affaires avaient un lien ?

Pour qui s'intéresse un tout petit peu à la littérature islandaise, Arnaldur Indrason est un incontournable du domaine "série noire", l'un des auteurs les plus traduits et les plus connus à l'international, tout comme son personnage-enquêteur d'Erlandur : plus de 30 titres disponibles en français, dont la moitié environ mettant en scène cet enquêteur. J'avais déjà eu l'occasion de lire L'homme du lac, excellent, et j'ai retrouvé avec plaisir Erlandur dans ces nuits de Reykjavik, alors qu'il n'est pas encore affecté à la brigade criminelle, simple policier de patrouille débutant.

Un roman de série noire agréable à lire ; on entre dans le monde des longues nuits si particulières de la capitale islandaise avec des personnages à la dérive, psychologiquement tourmentés ; un bon polar qui ne manque pas de rebondissements, nous menant d'une hypothèse à l'autre en passant par quelques voies sans issues jusqu'au dénouement final.
Un bon moment de détente assuré, sans prise de tête ; une pierre indispensable pour les aficionado d'Erlandur afin de connaître le personnage et sa psychologie à ses débuts.

Titre anglais : Reykjavik Nights 
Titre français : les nuits de Reykjavik
Auteur : Arnuldur Indridason
Première édition : 2012

dimanche 8 décembre 2019

La brodeuse de Winchester / A single Thread de Tracy Chevalier

A single thread can make quite a difference. 

Angleterre, 1932.

Violet fait partie de cette génération de femmes "en excédant" par rapport aux hommes qui ont été fauchés par la première guerre mondiale, comme l'ont été son frère aîné ou son fiancé. À 38 ans, deux ans après le décès de son père, saisissant l'opportunité d'une mutation dans l'entreprise d'assurance qui l'emploie comme dactylo, la "vieille fille" décide de s'émanciper et de quitter la maison familiale de Southampton, et surtout sa mère aigrie et acariâtre, pour travailler à Winchester, la ville voisine.
Avec son maigre salaire, les temps sont durs mais Violet commence à trouver ses marques et à se construire une vie bien à elle, en périphérie de la cathédrale : elle rejoint un groupe de brodeuses qui œuvrent à créer des coussins de prière et elle découvre le monde des sonneurs de cloches.

Tracy Chevalier est une de mes auteures fétiches dont j'achète les nouveaux livres les yeux fermés, sans attendre, dès publication, parce qu'elle sait aborder avec beaucoup de justesse une grande variété de sujets, et rendre l'ambiance d'une époque en nous offrant toujours des histoires de femmes enrichissantes... ce nouveau roman ne fait pas exception et je l'ai tout simplement dévoré, une lecture presque d'une seule traite !

Côté "petite histoire", on découvre, "en action" l'univers de la broderie, ses points, ses motifs, et celui des sonneurs de cloches, une activité prenante et très organisée. Mais l'intérêt du livre c'est aussi et avant tout le rendu de l'époque, ses codes et les jugements qu'elle impose à ces "femmes sans hommes" qui doivent vivre avec des perspectives réduites et le regard suspicieux des autres qui les scrute, les juge et les limite au risque d'alimenter les ragots. Une histoire d'amitié, d'amour, de solidarité, de rivalité, de famille avec des personnages et des scènes finement rendus : la mère, toxique, est perfidement odieuse et manipulatrice, le jeune frère, Tom, et sa famille sont pleins de bonne volonté mais leur empathie réduite par les obligations de leur noyau. Les femmes de l'entourage ouvrent elles aussi un éventail de profils et de comportements différenciés qui s'affinent au fil des pages : Louise Pessel apporte sa bienveillance et veille sur les brodeuses, inspirée d'un personnage bien réel, la logeuse mène sa maison avec vigilence, Olivia et Maureen sont les deux collègues plus jeunes, un peu futiles et toujours prêtes à porter des jugements sans délicatesse et enfin, Gilda et Dorothy deviennent de vraies amies qui comptent. Un monde duquel les hommes ne sont pas totalement absents avec notamment Arthur et les sonneurs de cloche.

Finalement, un parcours de femme qui doit composer avec son temps et faire son deuil pour tourner la page et s'affranchir du qu'en dira-t-on afin de "vivre" de façon indépendante dans une société qui n'était pas faite pour les célibataires.

It was not easy to meet men, because there were two million fewer of them than women. Violet had read many newspaper articles about these "surplus women", as they were labelled, left single as a result of the War and unlikely to marry - considered a tragedy, and a threat, in a society set up for marriage. 

Du très bon "Tracy Chevalier", un plaisir à lire et à découvrir... avec un p'tit goût de "revenez-y".

Mise à jour (titre français) 29/08/2020

Titre original : A Single Thread
Titre français : La brodeuse de Winchester
Auteur : Tracy Chevalier
Première édition : 2019

vendredi 6 décembre 2019

D'ailleurs les poissons n'ont pas de pieds de Jon Kalman Stefansson

À quel moment donnons-nous la version correcte d'une histoire, et quelle est la juste perception du monde ? 

Après dix ans d'un exil choisi, au Danemark, Ari rentre en Islande avec une lettre de sa belle mère et un diplôme et une vieille photo envoyés par son père malade. Nous voilà plongés dans son histoire, ses souvenirs, sa mère morte alors qu'il était tout jeune, son père avec lequel il n' arrive pas à communiquer, une famille -sa femme et ses trois enfants- qu'il a quitté sur un coup de tête, dépassé par un mouvement de colère et d'humeur un matin au petit déjeuner.

Le roman "saute" d'une époque à une autre, comme des pensées, sans chercher à les relier (les périodes du retour, de l'adolescence et celle plus lointaine des grands parents Margret et Oddur), un récit "vécu" par Ari d'une part et "raconté" d'autre part par un narrateur très proche mais dont on n'arrive pas à établir le lien exact avec le personnage central.

Une histoire presque statique et sans véritablement d'action (Réflexion autobiographique ? Suite à venir dans un autre livre ?), nourrie de réflexions sur la vie, la mort, la société actuelle et plus ancienne, les rapports humains, la sexualité.
Une lecture parfois difficile, parfois déroutante ou frustrante parce qu'elle laisse un goût d'inachevé et l'envie d'en savoir plus : on reste sur sa faim avec l'impression de suivre un chemin dans le brouillard parsemé de petits cailloux mais en se demandant où tout cela va bien pouvoir nous mener sans jamais avoir de réponse.
L'écriture est belle et riche, pleine de digressions et magnifiquement évocatrice des réalités de l'Islande aussi bien historiques que sociales ou géographiques, différentes de la superficialité des images de cartes postales.

Un roman peu conventionnel et intrigant, efficace pour stimuler les méninges en couvrant un large spectre de sujets de réflexion liés à la condition humaine.
"Challenging"!

Extraits du texte :
La mort est la fin de tout, elle est celle qui nous impose le silence, nous arrache le crayon au milieu d'une phrase, éteint l'ordinateur, masque le soleil, la mort est une impasse absolue, nous ne saurions porter aucun commencement à son crédit ; cela, nous devons nous l'interdire. Elle est l'argument ultime de Dieu, née lorsque, de désespoir sans doute, ce dernier à combiné cruauté et absence, confronté à l'échec manifeste de sa Création. Pourtant, chaque mort porte en son sein une vie nouvelle-

Les souvenirs sont de gros blocs de pierre que je traîne derrière moi. Est-il donc pesant de se souvenir ? (...) Non, ça ne vaut que pour les choses que tu regrettes ou que tu aimerais oublier-ce sont les regrets qui pèsent le plus lourd. 

La poésie est importante, ce que n'est pas son auteur. 

Ari regarde les cartes postales (...) ces cartes ne sont aucunement l'Islande réelle, mais la vision fantasmé que nous en avons, elles font abstraction du vent, des déchaînements du climat, de ses caprices, ne montrent pas l'humidité, ne montrent pas les chevaux ruisselants de pluie, ni les bourrasques, les averses de neige, les jours gris (...) 

Les choses qu'on tait entrent toujours plus facilement dans nos cœurs et il faut plus d'efforts pour les en extirper alors qu'il est plus facile de protester et de s'élèver contre des choses dites ou écrites afin de leur imposer le silence. 
Nous pouvons faire taire les mots, mais pas nos doutes. 

Nous n'agissons que peu, sans doute parce que nous sommes trop heureux : les gens qui ne manquent de rien n'ont aucune raison de partir en guerre pour changer le monde. Ceux qui s'emploient à diriger nos existences le savent (...) leur objectif est simplement de faire perdurer cette situation. Ou bien, si tu préfères, d'entretenir le principe d'absurdité.

Quelle est notre nature profonde, quel est le point de vue adéquat, cette nature profonde est-elle une illusion, peut-être ne sommes-nous rien de plus qu'un récipient rempli à ras bord de pensées dominantes, de points de vue consensuels, peut-être n'entrevoyons-nous presque jamais ce qu'est une pensée libre au fil de notre vie, sauf à travers quelques fulgurances bien vite étouffées, aussitôt éteintes par les idées croupies et rances que distillent les informations, la publicité, les films, les chansons à succès (...)

Comment lutter contre ceux qui sont morts dans leur jeunesse, ceux qui reposent au creux des souvenirs, s'embellissent et se bonifient chaque année tandis que nous, les autres, vieillissons, grossissons, notre poitrine s'affaisse, notre démarche devient plus raide, notre regard perd son éclat, notre pensée sa fulgurance, nous commettons des erreurs, tenons des propos idiots ou maladroits, des mots qui blessent ou abîment ; les morts, eux, ne commettent aucun impair, ils ne sont jamais insupportables le matin, ne pètent pas à la table du petit-déjeuner, n'oublient jamais leur slip sur le bord de la baignoire, ne sont jamais de mauvaise humeur, jamais injustes, égoïstes, colériques, les morts se contentent de briller, figés dans le souvenir. 

Les poèmes ont sans doute le pouvoir de sauver le monde, mais ceux qui les lisent sont si peu nombreux, et leur nombre va diminuant : ils sont une ethnie en voie d'extinction. On devrait d'ailleurs leur accorder le statut d'espèce protégée et il faudrait que l'UNESCO pense à les inscrire au patrimoine de l'humanité.

Du même auteur :
Entre ciel et terre

Titre français : D'ailleurs, les poissons n'ont pas de pieds
Titre anglais : Fish have no feet
Auteur : Jon Kalman Stefansson
Première édition : 2013

dimanche 1 décembre 2019

La griffe du chien / The power of the dog de Don Wislow


Premier volume d'une trilogie, Dan Winslow ne nous laisse pas un seul moment de répit avec ce thriller détonant. Côté narcotrafficants, Tio Barrera puis ses neveux Adan et Raul qui règnent en maîtres sur le Mexique, plaque tournante ou "trempoline" de la drogue venue d'Amérique latine pour alimenter le marché américain.
Côté américain, le vengeur solitaire /"seigneur de la frontière", Art Keller, ancien du Vietnam qui a un compte à régler avec les Barrera et ne lâchera pas le morceau avant de les avoir fait tomber, c'est une question personnelle. Il lui faut composer avec les services secrets de son pays qui interviennent dans les pays d'Amérique Latine sans états d'âmes et un certain cynisme, peu importe les moyens, pour lutter contre l'avancée des "rouges" plus que contre la drogue, un moyen d'influence et de contrôle plus qu'un fléau.

Une toile absolument démoniaque avec une foultitude de personnages charismatiques aux personnalités complexes comme la belle Nora, call girl de luxe qui partage une amitié improbable avec un évêque ou Callan, gangster irlandais des bas fonds new yorkais embrigadé comme homme de main des services secrets lorsqu'il lui faut se mettre au vert.

Une tension constante, des rebondissement, du machiavélisme, des mensonges, de la corruption à tous les niveaux, des morts, beaucoup de morts souvent pas très propres... Trahisons, vengeances, guerre des gangs, clergé, politiques, gangsters... C'est dense, rythmé, enlevé... On ne sait plus toujours où est le bien et le mal, on tourne les pages à perdre haleine du début à la fin, bref, du grand thriller qui satisfera tous les amateurs du genre, même les plus difficiles.

Just “woaw“!

Titre original : The Power of the dog
Titre français : La griffe du chien
Premier volet de la trilogie de la griffe du chien
Auteur : Don Winslow
Première édition : 2006