samedi 30 mars 2019

Taqawan d'Éric Plamondon

Au Québec, on a tous du sang indien. Si c'est pas dans les veines, c'est sur les mains.  

Au Québec, dans les années 80, sous prétexte de protéger l'espèce et d'empêcher la pêche au saumon, le gouvernement provincial fait intervenir massivement les forces de l'ordre dans la réserve de Restigouche des indiens mig'maq. Dans ce contexte historique dramatique, contreversé et très politique, le roman nous raconte l'histoire d'Océane, une jeune indienne qui disparait le jour du raid. Elle est retrouvée prostrée dans la forêt par un garde forestier misanthrope qui vient de démissionner pour marquer son opposition  aux événement en cours. Afin de protéger la jeune fille victime d'un odieux traffic, il va se faire aider d'un vieil indien solitaire et de son ancienne maîtresse française.

Dans ce texte magnifique, évocateur, efficace et épuré, allant à l'essentiel, Éric Plamondon esquisse un tableau assez sombre sur la façon dont sont encore traitées les minorités indiennes au Canada. Il s'agit bien sûr d'un roman replacé dans un contexte historique particulier mais la trame développée par l'auteur, est tout aussi choquante que plausible : coïncidence oblige et même s'il ne faut pas faire d'amalgame, un article* publié il y a quelques jours aux États-Unis dénonce les violences subies par les femmes des minorités indiennes dont beaucoup disparaissent chaque année, dans l'indifférence générale.   

J'ai lu ce Taqawan d'une traite en appréciant, outre la trame et les personnages, l'évocation historique et celle des grands espaces, enchantée par les dialogues québécois qui résonnent de façon si particulière à mes oreilles.

Décidément, après Il pleuvait des oiseaux de Jocelyne Saucier et L'orangeraie de Larry Tremblay, j'aime vraiment beaucoup découvrir cette littérature canadienne francophone.

Nota : dans la langue des indiens mig'maq, Taqawan est le nom des saumons qui remontent pour la première fois leur rivière natale pour frayer.

* Voir article du 21/03/2019 dans "women who shaped history" :
These Haunting Red Dresses Memorialize Murdered and Missing Indigenous Women

Dans le texte :

 Des indiens, ce sont des indiens. On les a appelés comme ça parce qu'on croyait être arrivé en Inde.
 Mais non, on était arrivé en Amérique. Avec le temps, on s'est mis à les appeler des Amérindiens.
 Plus tard, on dira des autochtones. Avant ça, on les a longtemps traités de sauvages. 
On les a surnommés comme ça, des hommes et des femmes sauvages. 
Ils faut se méfier des mots. 
Ils commencent parfois par désigner et finissent par définir. 
 
 Je suis né dans le froid. La glace et la neige sont dans mes veines. 
Il n'y a pas de ciel plus clair et d'air plus pur qu'au milieu de l'hiver. 
Il n'y a pas d'odeur plus parfumée que celle de la neige fraîchement tombée sur les branches des sapins. 
Il n'y a pas de silence plus parfait que celui d'une nuit étouffée sous les flocons d'un début de tempête.
 J'aime cette saison parce que les choses y sont claires. 
On sait exactement ce qui se passe dans les bois quand tout est blanc. 
La moindre forme de vie laisse une trace. (...) 
Ceux qui se plaignent du froid n'ont jamais passé une nuit dehors à moins quinze devant un feu de camp 
et sous la lune qui éclaire comme en plein jour. 

Titre : Taqawan
Auteur : Éric Plamondon
Première édition : janvier 2018

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