L'échelle de Jacob, seul et unique pont conduisant à l'éternité (...)
Quelque chose d'invisible qu'on ne peut ni toucher ni retenir, mais qui est bel et bien là.
Quelque chose d'invisible qu'on ne peut ni toucher ni retenir, mais qui est bel et bien là.
En Corée, dans une communauté de moines bénédictins, lorsque le père Jean est informé de la visite prochaine de So-hui, la nièce de l'abbé principal, les souvenirs le submergent pour le ramener 10 ans en arrière : à l'époque, il n'était encore que "frère Jean", achevait dix années de noviciat, avait prononcé ses premiers vœux mais pas encore ses vœux définitifs dont la date approchait. Une période troublée de plusieurs événements marquants touchant à la vie et à la mort, à l'amitié, à l'amour, à la relation à l'obéissance et à l'autorité, au renoncement, au doute, au questionnement, à la foi.
L'évocation du parcours de ce jeune novice bouleversé dans ses certitudes, qui cherche sa voie, aborde des questions essentielles sur le sens et les composantes de la vie. Un récit admirablement orchestré sous la plume de Gong Ji-young, une auteur coréenne que je trouve particulièrement intéressante, dotée d'une parfaite maîtrise de l'écriture, sur tous les plans, que ce soit le choix des thèmes, la façon de les aborder, la construction et la langue, tellement belle et si pleine de sensibilité.
Au delà de l'expérience personnelle des personnages et des aspects philosophiques abordés, le roman permet de découvrir des pans entiers de l'histoire et de la société coréenne avec la douleur de la guerre civile qui a divisé et profondément marqué ce pays ou la place qu'y occupe la religion catholique.
Un thème de départ qui n'avait pour moi rien de particulièrement attractif mais qui m'a littéralement emporté dans ce cercle de vie lumineux malgré la dureté des événements relatés. J'ai aimé ce père/frère Jean, ses amis Angelo et Mickaël, le vieux père Thomas venu d'Allemagne et emprisonné un temps sous le joug nord coréen sans oublier le moine Marius aux États-Unis qui permet de fermer la boucle, inspiré en partie d'un personnage réel.
Un texte éblouissant d'une auteure coréenne 100% valeur sûre.
Tiré du texte :
Le silence n'était pas seulement le calme ou l'absence de bruit. Au contraire, il s'agit plutôt d'une écoute très attentive.
Le silence est nécessaire pour percevoir le bruit au-delà du bruit, la sensation au-delà de la sensation.
Celui qui vient s'installer dans un nouveau village perçoit toujours ce que le simple voyageur ne voit pas.
Le silence ressemble à un miroir sombre qui parvient à révéler les os et la chair même à travers plusieurs couches de vêtements. D'une certaine manière, c'est quelque chose de redoutable.
Ma grand-mère, mon père, ma mère, tout le monde m'aimait, mais, je n'étais pas heureux pour autant. L'harmonie était loin de régner entre eux trois et j'étais plus profondément touché par leurs relations conflictuelles que par l'affection que chacun d'eux déversait sur moi.
L'éternité existe-t-elle vraiment ?
On dit que c'est un état où le temps s'est arrêté, où il ne nous domine plus et où le passé n'influe plus sur le futur.
Dans ma jeunesse, je pensais que la paix était un état où il ne se passe rien.
Mais aujourd'hui, je sais enfin que la paix réside dans ces moments où, confronté à la souffrance, la confusion, la maladie, le vieillissement et la mort, on se raccroche à Dieu de toutes ses forces.
Dieu nous accorde au moins neuf mois pour nous faire à l'idée de la naissance, mais rien avant la mort.
C'est peut-être pour ça que les saints ont dit il y a longtemps déjà, que la vie entière est une préparation à la mort.
J'imagine que les humains qui réfléchissent à la question "comment mourir ?" savent comme vivre.
En général, la souffrance nous rend égoïste,
alors qu'on peut parfois mieux la dépasser en consolant les autres qu'en étant soi-même consolé.
Qu'est-ce qui fait le plus souffrir les êtres humains ? C'est le doute. Surtout celui qui laisse pressentir un grand malheur 'Si les hommes redoutent la mort, c' est aussi parce qu'elle est source de doutes et qu'aucun de nous ne sait ce qu'il y a après.
La guerre c'est un permis de tuer donné à tous. (...)
La guerre est en quelque sorte la victoire de ceux qui nient l'évolution de l'être humain (...)
La guerre nous prive de tout ce qui est tendre, chaleureux et bon. Quand la question de la survie s'impose et passe avant tout le reste, les êtres humains se transforment en animaux, et le monde devient un enfer rempli de démons. (...)
Pour celui qui a connu la guerre, celle-ci ne se termine jamais vraiment. Cinquante, ou même cinq cents ans après, pourra-t-on vraiment oublier cette douleur, ces scènes tragiques, cette folie collective des êtres humains qui ont renoncé à leur Humanité ? (...)
La guerre fait de tous les individus à la fois des victimes et des bourreaux. Les opprimés deviennent des oppresseurs pour ceux qui sont plus faibles qu'eux. Telle est la nature de la guerre.
Par nature, l'amour n'est pas quelque chose de capricieux, car une fois qu'il est là, il ne disparaît plus jamais.
Dans la vie, il y a toujours un temps d'attente, c'est pareil pour tout le monde.
Un temps durant lequel on est contraint de patienter, impuissant.
Attendre que les fruits mûrissent après la chute des fleurs, que les malades luttent contre leur mal, que les enfants grandissent...
Du même auteur, voir aussi :
Ma très chère grande soeur
Nos jours heureux
Titre : L'échelle de Jacob
Auteur : Gong Ji-young
Première édition : 2013
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