Mi-ja est fille de plongeuse, un métier qui se transmet de mère en fille et qui se pratique en groupe de femmes très organisées, placées sous l'égide d'une cheffe choisie par le groupe. Young-sook est la meilleure amie de Mi-ja, une orpheline estampillée "fille de collaborateur" de l'occupant japonais mais que la mère de Mi-ja - cheffe de son groupe de Haenyeo - prend sous son aile. Amies depuis l'enfance, les deux jeunes filles vont ainsi être initiées ensemble à la plongée avant de traverser les époques qui mettront à mal leurs liens, brisés par les événements historiques et politiques subits par les habitants de l'île : l'occupation japonaise, l'après-guerre et l'occupation américaine qui ferme les yeux sur la situation de quasi guerre civile qui s'installe du fait des suspicions de communisme pesant sur la population, la "modernisation" du pays et les règles imposées par le gouvernement de Séoul qui sera fatal au métier des plongeuses.
Au travers de cette histoire d'amitié entre Mi-ja et Young-sook, des années 1930 à aujourd'hui, Lisa See nous dresse une superbe fresque de la société des femmes de Jeju et la façon dont elle s'est transformée au cours d'un XXè siècle particulièrement douloureux.
J'ai vécu en Corée et eu l'occasion d'aller à Jeju si bien que le sujet des plongeuses ne m'était pas inconnu mais cet auteur dont je suis une lectrice indéfectible m'apprend encore beaucoup avec ce nouveau roman. Lisa See reste fidèle à ses portraits de femmes fortes qui, outre la trame romanesque, servent à faire vivre toute une dimension sociétale et historique dont j'ignorais pas mal d'aspects.
Ainsi, j'ai aimé le rendu de la société matrifocale de Jeju telle qu'elle existait avant-guerre : la façon dont elle fonctionnait, la plongée, l'apprentissage, les rapports des femmes les unes avec les autres selon l'age, le rang, les compétences, les croyances et les rituels, le role des shamans ou celui des hommes, etc.
J'ai découvert qu'à l'époque, certaines de ces femmes louaient leurs services et partaient chaque année exercer quelques mois à l'étranger, au Japon, en Chine ou à Vladivostok. Les études scientifiques menées après-guerre sont elles aussi étonnantes, elles montrent des capacités de résistance au froid très particulières pour ces plongeuses qui ne portaient pas de combinaisons.
Compte tenu du contexte historique ce n'est évidemment pas une histoire gaie-gaie mais quand on connait un peu la Corée, ce n'est pas surprenant non plus et c'est même un élément de fidèlité à la culture. La lecture est fluide, les personnages sont forts et attachants, la trame est bien construite et le livre parfaitement documenté : encore une fois un sans faute pour Lisa Lee.
En complément, voir le court article et les photos du site de l'UNESCO :
La culture des haenyeo (plongeuses) de l'île Jeju
Du même auteur :
La mémoire du thé / The tea girl of Hummingbird lane de Lisa see
Autre livre abordant les Haenyo :
Filles de la mer / White chrysanthemum de Mary Lynn Bracht
Titre original : The Island of Sea Women.
Titre français : L'île des femmes de la mer.
Auteur : Lisa See
Première édition : mars 2019
Mise à jour / parution version française 24/6/2020
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