Il y a des gens incapables d'écrire une lettre malgré tous leurs efforts. Être écrivain public, c'est agir dans l'ombre, comme les doublures des grands d'autrefois. Mais notre travail participe au bonheur des gens et ils nous en sont reconnaissants.
Japon, époque contemporaine.
À Kamakura, Amemiya Hatoko a repris la papeterie de celle qu'elle appelait "l'aînée" et qui l'avait initiée dès son plus jeune âge à la calligraphie et au métier d'écrivain public ; une grand-mère très rigoureuse contre laquelle elle s'était révoltée adolescente avant de partir explorer le monde sans jamais la revoir avant son décès.
Été, Automne, hiver, printemps,
au fil des saisons,
dans sa petite boutique traditionnelle ombragée d'un camélia géant,
la jeune femme reprend le flambeau et l'exercice du seul métier auquel elle a été préparée,
celui de “femme à tout faire du pinceau" :
Cartes de vœux, lettre de condoléances, billets doux, missive "banale", lettre de refus, lettre du paradis, etc., chaque commande est unique et fait l'objet d'un travail chaque fois renouvelé : il faut trouver le bon texte, la bonne formulation mais aussi les bons outils, les supports appropriés, l'écriture qui convient pour traduire parfaitement la pensée, le coeur, la personnalité et l'objectif de celui qui la passe. Ces exercices amènent la jeune femme à mieux comprendre l'héritage qu'elle a reçu, qui elle est en se réconciliant avec elle-même, alors que se tisse progressivement, autour d'elle, une nouvelle vie, de nouvelles relations.
Un livre plein de douceur qui m'a rappelé "les délices de Tokyo" de Durian Sukegawa. que j'avais tout autant adoré. Ce roman soulève avec délicatesse un bout de voile sur le monde inattendu du métier d'écrivain public, son rapport à l'écriture, la psychologie qu'il recèle. Je me suis attachée aux personnages, tant principal que secondaires et à leur petit monde de Kamakura, balisé au fil des saisons par des rituels qui semblent immuables et indifférents au monde touristique drainé par les sanctuaires de cette station japonaise réputée.
Une plongée hors temps avec ce livre en forme de friandise qui fond doucement sous la langue comme un délicieux bonbon dont on garde encore longtemps après l'avoir fini le goût avec soi. ♥️♥️♥️
Tirés du livres :
Si l'enveloppe est un visage, le timbre est le rouge à lèvres. En se trompant de rouge à lèvres, on fiche en l'air le reste du maquillage. Ce n'est qu'un petit timbre, mais tellement important. Dans son choix se concentre (...) la sensibilité de l'expéditeur.
Le même texte offre un visage totalement différent selon qu'il est rédigé au stylo-bille, au stylo-plume, au stylo-pinceau ou au pinceau. Écrire une lettre au crayon à papier étant foncièrement malpoli, ce choix n'est même pas envisageable.
C'est avec le corps qu'on écrit.
Jusqu'à sa mort, elle avait été elle-même. Et maintenant que son corps avait disparu, elle continuait à vivre dans les calligraphies qu'elle avait laissées. Son âme les habitait. C'était ça, l'essence de l'écriture.
On a du mal à jeter, à peine lue, une lettre qui nous est adressée. Même la plus humble carte postale, du moment qu'elle est manuscrite, garde la trace vivante de l'esprit et du temps de celui qui l'a rédigée.
Voir aussi :
Les délices de Tokyo de Durian Sukegawa
Titre : la papeterie Tsubaki
Auteur : Ogawa Ito
Première édition : 2016
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