samedi 9 juin 2018

Pastorale américaine / American Pastoral de Philip Roth


Elle n'est pas d'un abord facile la Pastorale américaine de Philip Roth, la lecture est ardue mais le livre est particulièrement fort sur l'Amérique, le rêve américain et la réalité bien différente qui peut se cacher derrière. Une entrée en matière en forme de coup de poing pour aborder cet auteur emblématique décédé le 22 mai 2018 avec ce roman, prix Pulitzer 1998.

Au cœur de l'histoire, un personnage : Seymour Levov surnommé "le Suédois", petit-fils d'un immigrant juif, archétype de la réussite américaine qui a fait fructifier l'héritage familial, une entreprise de ganterie, représentant de la troisième génération et un homme adulé qui a tout pour lui : le physique, le caractère, la popularité, l'argent, la réussite sur tous les plans. Admiré par tous, il a épousé une ancienne miss New Jersey et renoncé à une carrière dans le sport de haut niveau pour reprendre l'usine familiale, bref, il est l'incarnation du rêve américain.

Dans la première partie du livre, à l'occasion d'une rencontre d'anciens élèves, ce parcours est évoqué avec admiration qu'il suscite par Nathan Zuckerman, un écrivain qui était ami avec le frère de Seymour, moins flamboyant que son aîné.
Dans les deux parties suivantes, le focus va se rapprocher progressivement de Seymour pour dévoiler les souffrances que cache une façade trop parfaite, s'effritant de l'intérieur à cause de Merry, sa fille unique adorée. Au moment d'une adolescence tourmentée, elle s'est en effet engagée contre la guerre du Vietnam et toutes les formes d'exploitations et a fini par poser une bombe dans un vieux magasin de leur village en faisant un mort. Elle a ensuite disparu pendant plusieurs années, en laissant beaucoup d'interrogations qui tourmentent le père qui tente de garder bonne figure mais qui est rongé par cet acte qu'il n'arrive pas à comprendre : qu'est-ce-qui a pu conduire sa fille à de tels extrêmes ? qu'a-t-il mal fait et à quel moment ? sa fille a-t-elle été manipulée ?

Voila sa fille qui l'exile de sa pastorale américaine tant désirée pour le précipiter dans un univers hostile qui est en est le parfait contraire, dans la fureur, la violence, le désespoir d'un chaos infernal qui n'appartient qu'à l'Amérique. 

Pour elle, être américaine, c'était haïr l'Amérique. Mais, lui, il ne pouvait pas plus cesser d'aimer l'Amérique que cesser d'aimer père et mère, ou abandonner tout code de conduite. Comment pouvait-elle détester un pays alors qu'elle n'avait pas la moindre idée de ce qu'il était ? Comment sa propre enfant pouvait-elle s'aveugler au point de vouer aux gémonies le "système pourri" qui avait donné toutes les chances de succès à sa famille ? Comment pouvait-elle traîner dans la boue ses "capitalistes" de parents comme si leur fortune était le produit d'autres génération industrieuses et tenaces ? Trois générations d'hommes, dont lui, qui avaient trimé dans la crasse et la puanteur d'une tannerie.

Un livre avec beaucoup d'instrospection ... 

Telle est la vie extérieure, qu'il mène autant que faire se peut sans changement apparent. Mais elle se double d'une vie intérieure, d'une vie intérieure morbide, hantée par des osessions tyranniques, des pulsions refoulées, des espoirs superstitieux, des imaginations effroyables, des conversations fantasmées, des questions insolubles. 

... couvrant la question du rapport des génération ...

Trois générations. Toutes en ascension sociale. Le travail, l'épargne, la réussite. Trois générations en extase devant l'Amérique. Trois générations pour se fondre dans un peuple. Et maintenant, avec la quatrième, anéantissement des espoirs. Vandalisation totale de leur monde.     

... avec une remise dans le contexte historique des époques du grand-père immigrant aux années 1960, couvrant la grandeur et le déclin de Newark où la première génération s'était installée, les aspirations réalisées, le couple, et aussi des éléments plus anecdotiques mais très documentés sur la production des gants par exemple. La question de l'image est très présente, à plusieurs niveaux, celle du "Suédois", celle de la mère, ancien modèle que l'on réduit souvent à son ancien rôle de reine de beauté, celle du couple, celle de la réalité dans laquelle on choisit de vivre ...

Un vrai morceau d'anthologie, troublant et dérangeant jusqu'à la fin, sans rédemption.
Une découverte d'un auteur à poursuivre,
à suivre.

Titre original : American Pastoral
Titre français : Pastorale américaine
Premier volume de la trilogie américaine
Auteur : Philip Roth
Première édition :1997
Prix Pulitzer 1998

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