Pour mourir libre, il faut vivre libre.
Alors que le corps de Félix est encore là, son esprit vagabonde déjà ailleurs en se retournant sur la vie qui s'en va, faite d'épreuves et de résilience, portée par la solidarité familiale et la créativité.
Ton esprit se promène ailleurs, à l'ombre d'une forêt, et il cause à d'autres.
Nous sommes dedans, tu es dehors.
Dans l'alternance des chapitres, on ressent le poids de ce temps de passage avec l'opposition entre l'atmosphère pesante de la chambre où les femmes sont enfermées en huis clôt et l'esprit libéré du père qui se souvient : l'Espagne et la vie d'enfant au village, la guerre qui bouleverse tout, Guernica, l'exil, les oncles aux activités louches, le rejet de l'étranger, etc. Légère, la mémoire de Félix s'envole et croise celle d'Ernesto (Hemingway) qu'il a rencontré enfant et avec lequel il dialogue ; il y a aussi Martha, le très vieux sur l'arbre, le berger, ses enfants disparus ; ou encore la fabrication si particulière d'un violon pour Léonor qui a hérité de sa fibre créative.
L'art se lie à la nature, à l'amour, à l'enfance, il s'y mêle parfois à s'y méprendre.
Un livre très personnel avec des réflexions sur la vie et la mort, dont la structure des chapitres semble suivre le même ralentissement que le souffle qui s'éteint doucement.
On meurt, c'est tout, et on agrandit l'âme de ceux qui nous aiment. On la dilate.
J'ai
souvent pensé à la chaîne que forment les femmes quand elles donnent la
vie, génération après génération, une naissance, puis une autre, une
vie qui pousse l'autre.
Je pense maintenant à la chaîne des morts, allongés, respirant à peine, entourés pour les plus heureux, mains tenues.
Et des années plus tard, la même main vieillie qui en tient une autre plus jeune.
Le dernier contact là, dans la paume.
Je pense maintenant à la chaîne des morts, allongés, respirant à peine, entourés pour les plus heureux, mains tenues.
Et des années plus tard, la même main vieillie qui en tient une autre plus jeune.
Le dernier contact là, dans la paume.
Avec Manifesto, on fait le lien avec rêves oubliés, dans lequel Léonor de Recondo évoque l'exil de la famille de son père qui avait dû fuir l'Espagne pour la France et, surtout, on retrouve avec toujours le même bonheur toute la douceur, la sensibilité, le tact et la musicalité de sa plume : comme une musique qui vous enveloppe et vous emporte, Léonor de Recondo joue sa partition avec le coeur et les émotions, en se livrant entièrement, soutenue par une parfaite maîtrise technique, sans faute.
Une vraie valeur sûre.
Du même auteur, voir aussi :
Amours
Pietra Viva
Rêves oubliés
Point cardinal
Titre : Manifesto
Auteur : Leonor de Recondo
Première édition : 2019
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