dimanche 4 mars 2018
Les oubliés du dimanche de Valérie Perrin
Justine Neige a 21 ans. Elle travaille comme aide-soignante dans une maison de retraite où elle apporte une oreille attentive aux personnes agées qu'elle côtoie chaque jour. À la demande du petit-fils d'Hélène, elle écrit l'histoire de la vieille dame, sa mouette et son Lucien telle qu'elle lui a été confiée par cette pensionnaire de plus en plus déconnectée de la réalité qui l'entoure, plongée dans un passée revécu jour après jour .
En même temps qu'on découvre l'histoire touchante d'Hélène, marquée par des difficultés à lire et la seconde guerre mondiale, on observe la vie bien particulière de Justine dont l'enfance est entachée d'un drame familial et de secrets qu'elle va être amenée à percer : alors qu'elle était enfant, son père, son jumeau et leurs épouses sont morts tous les quatre brutalement dans un accident de voiture si bien que Justine et son petit cousin Jules qu'elle considère somme un frère ont été élevés par leurs grands-parents.
Deux histoires denses et touffues, totalement indépendantes qui n'ont pas d'autre dénominateur commun que cette Justine qui transcrit d'un côté et dénoue les fils de l'autre tout en menant son bonhomme de chemin...
S'ajoute à celà une histoire de "corbeau" dans la maison de retraite qui annonce de faux décès pour provoquer les visites des familles de ceux qui n'en ont jamais, les "oubliés du dimanche".
Une lecture facile et beaucoup de choses abordées avec justesse et délicatesse dans ce livre : la maison de retraite (un cadre, pas le sujet), la vieillesse et l'intégrité des personnes âgées (un regard tendre mais lucide et sans complaisance, certains sont acariatres et puent !), la jalousie, l'absence, l'attente, la culpabilité, le poids des non-dits et puis surtout l'amour sous bien des formes, fraternel, amoureux, construit, volé, pressé, improbable, inavouable, etc.
MAIS ...
Ce premier roman laisse pas mal de frustrations. D'abord pas son côté "too much"; particulièrement alambiquées, les deux (voire trois) histoires pourraient chacune faire l'objet d'un roman à part entière. Ensuite parce qu'on ne sait pas bien où situer ce personnage de Justine parfois très légère dans un comportement plus ou moins conforme à son âge qui oscille par ailleurs entre une attachante héroïne moderne dévouée aux personnes dont elle s'occupe, la bonne fée de service quand elle ne met pas sa casquette de détective "club des cinq" qui mène l'enquête à ses heures perdues ... Et puis surtout, un final vraiment mielleux, limite conte de fée avec cadeaux à gogo et prince charmant ...
Du très bon mais globalement décevant, sentiments très mitigés et réservés après lecture.
Titre : les oubliés du dimanche
Auteur : Valérie Perrin
Première édition : 2015
Extraits du livre :
- Etre vieux, c'est être jeune depuis plus longtemps que les autres (Philippe Geluck)
- Je ne sais pas à partir de quand on est vieux. Madame Le Camus, ma chef de service, dit que c'est à partir du moment où on ne peut plus s'occuper de sa maison tout seul. (...) Moi je pense que ça commence avec la solitude. Quand l'autre est parti.
- (...) les vieux, comme ils n'ont plus que ça à faire, ils racontent le passé comme personne. Pas la peine de chercher dans les livres ni les films : comme personne. (...) J'ai compris que les anciens, il suffit de les toucher, de leur prendre la main pour qu'ils racontent.
- Vous ne vous ennuyez jamais ici ? - Jamais - Mais ce n'est pas trop dur comme travail ? - Si, c'est super dur. Je n'ai que vingt et un ans. Mes collègues sont plus vieilles que moi. Elles ont toutes commencé plus tard. Ce métier c'est souvent un deuxième métier. À mon âge, ce n'est pas normal de voir des corps fatigués. Enfin, ce que je veux dire c'est que ... c'est violent. Et puis, il y a la mort ... les jours d'enterrement, je ferme les fenêtres parce qu'on entend les cloches de l'église jusqu'ici ... - C'est quoi le plus dur ? - Le plus dur c'est d'entendre : il ne se rappelle jamais mes visites alors je ne viens plus.
- C'est fou ce que les filles s'occupent bien de leurs parents. Quand j'étais petite, je voulais avoir un garçon. Depuis que je travaille aux Hortensias, j'ai changé d'avis. À part quelques exceptions, les fils passent de temps en temps. Souvent accompagnés de leur femme. Les filles, elles, elles passent tout le temps. La plupart des oubliés du dimanche n'ont que des fils.
- En France on a du mal avec ce mot, aux Hortensias, nous n'avons pas le droit de le prononcer. Les résidents évoquent souvent la mort avec cynisme, casser sa pipe, canner, crever, foutre le camp, passer l'arme à gauche, bouffer les pissenlits par la racine, être plus près du Saint Père que de Saint- Tropez. Le personnel soignant se doit d'employer des mots dignes, disparaître, partir, s'éteindre, quitter, s'endormir sans souffrir.
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