mercredi 29 juillet 2020

La note américaine / Killers of the Flower Moon de David Grann


David Grann s'est intéressé à un épisode peu plorieux de la petite histoire américaine, celui des meurtres en série et des décès suspects encore plus nombreux dont furent victimes les membres de la tribu Osage dans l'Oklahoma des années 1920, à une époque où l'or noir avait fait d'eux des indiens millionnaires.

Des familles indiennes décimées, un règne de la terreur et de la suspicion, des spoliations, des mises sous tutelles en application de lois indiennes débilitantes, des individus peu scrupuleux et d'autres entièrement dédiés à la découverte de la vérité, des enquêtes baclées qui piétinnent jusqu'à ce que le Bureau of Investigation prenne les choses en main sous la houlette de Hoover qui utilisa l'épisode pour introduire des méthodes scientifiques nouvelles tout en s'assurant une prise de pouvoir qui permettra au modeste BOI de se transformer en puissant FBI. 
 
Dans cet essai, David Grann nous livre ainsi les résultats d'une enquête très approfondie, en partant des premiers meurtres (ceux considérés comme tels) avec une remise dans le contexte de l'époque. Ils s'appuie sur les archives judiciaires, les journaux d'époque, des témoignages pour donner un éclairage aussi large que possible sur cette affaire incroyable et ses conséquences, aussi bien institutionnelles que personnelles pour beaucoup de familles restant encore traumatisées plusieurs générations après. Il nous livre les éléments officiels mais aussi les interrogations qui subsistent sur les cas non élucidés ou même non référencés, ceux qui continuent de hanter les descendants Osage suvivants aujourd'hui. Il dresse des portraits et redonne la part belle aux acteurs du terrain, ceux qui ont essayé de déméler la vérité.

Bien après la fin des guerres indiennes, l'indifférence, la collusion, l'avidité, le préjudice et la "supériorité blanche" se révèlent tous aussi dévastateurs pour ce peuple indigène martyrisé d'une façon bien plus insidieuse que lors d'une guerre ouverte. Un livre qui mélange un peu les genres, entre le polar / cold case et le roman historique, il recèle une foultitude d'informations passionnantes, notamment sur la période de grandeur et d'extravagance liée à la fortune des indiens mais aussi sur le contexte policier, juridique et légal américain d'une autre époque garante d'impunité pour les "cow-boys de la dernière frontière". 
Edifiant !

Tirés du texte :
For years after the American Revolution, the public opposed the creation of police departments, fearing that they would become forces of repression. (...)
Only in the mid-nineteenth century, after the growth of industrial cities and a rash of urban riots - after dread and so-called dangerous classes surpassed dread of the state - did police departments emerge in the Unisted States.   

By 1877, there were virtually no more American buffalo to hunt - a development hastened by the authorities who encouraged settlers to eradicate the beasts, knowing that, in the words of an army officer," every buffalo dead is an Indian gone". U.S. policy toward the tribes shifted from containment to forced assimilation.

A reporter from Harper's Monthly Magazine wrote, "Where will it end ? Every time a new well is drilled the Indians are that much richer." The reporter added, "The Osage Indians are becoming so rich that something will have to be done about it."(...)
Journalists told stories, often widly embroidered, of Osage who discarded grand pianos on their lawns or replaced old cars with new ones after getting a flat tire. (...)
The accounts rarely, if ever, mentioned that numerous Osage had skillfully invested their money or that some of the spending by the Osage might have reflected ancestral customs that linked grand displays of generosity with tribal stature. 

Many Osage, unlike other wealthy Americans, could not spend their money as they pleased because of the federally imposed system of financial guardians (...) The law mandated that guardians be assigned to any American Indians whom the department of the interior deemed "incompetent". In practice, the decision to appoint a guardian - to render an American Indian, in effect, a half citizen - was nearly always based on the quantum of Indian blood in the property holder, or what the state supreme court justice referred to as "racial weakness". A full-blooded Indian was invariably appointed a guardian, whereas a mixed-blood person rarely was.

In 1921, (...) Congress implemented even more draconian legislation controlling how the Osage could spend their money. Guardians would not only continue to oversee their wards' finances; under the new law, these Osage Indians with guardians were also "restricted", which meant that each of them could withdraw no more than a few thousand dollars annually fron his or her trustfund. It didn't matter if these Osage needed their money to pay for education or a sick child's hospital's bills.

The murders had created a climate of terror that ate at the community. (...) 
The world's richest people per capita were becoming the most murdered.    

An Osage speaking to a reporter about guardians, stated, "your money draws 'em and you're absolutely helpless. They have all the laws and all the machinery on their side. Tell everybody, when you write your story, that they're scalping out souls out here."

"It is a question in my mind whether this jury is considering a murder case or not. The question for them to decide is whether a white man killing an Osage is murder - or merely cruelty to animals."

Titre original : killers of the Flower Moon
Titre français : la note américaine
Auteur : David Grann
Première édition : 2017

mardi 7 juillet 2020

La cloche d'Islande / Iceland's Bell de Halldor Laxness

Islande, 18ème siècle.

Après Gens Indépendants/Independent People, je me suis plongée dans cet autre "roman culte" d'Halldor Laxness, auteur islandais prix Nobel de littérature 1955, souvent présenté comme un "classique incontournable" de la culture locale.

Le livre constitue une sorte de boucle et fait porter l'emphase sur un personnage différent dans chacune des trois parties qui le constituent :
- Dans La Cloche d'Islande / Iceland's Bell, on suit d'abord le sort de Jon Hreggvidsson, paysan islandais misérable, condamné à mort pour meurtre, qui se retrouve à errer sur les routes de Hollande et du Danemark afin de quémander une audiance auprès du roi du Danemark et demander sa grâce,
- Dans La Vierge Claire / The Fair Maiden, on découvre Snaefrid, la beauté elfique qui le libéra, fille du magistrat qui le condamna, trahie par l'amour de sa vie (Arnas Arnaeus), finalement mariée contre l'avis de sa famille à un fils de famille ivrogne pathétique dilapidant son héritage et avec lequel elle entretien d'étranges rapports,
- En passant à L'Incendie de Copenhague / Fire in Copenhague, on termine enfin par Arnas Arnaeus* qui préféra se consacrer à sa quête des livres plutôt que de répondre à son amour pour Snaefrid, érudit collectionneur de manuscrits sur l'Islande qui viennent enrichir sa bibliothèque de Copenhague, la puissance danoise dominant alors l'Islande, une île exploitée sans scrupules et en laissant ses habitants vivre dans une misère crasse en situation de quasi-esclavage.
(*inspiré d'un personnage réel, Arni Magnisson).

L'écriture n'est pas toujours facile avec des formules quelques fois désuètes et, malgré des aspects tragico-comiques, l'histoire se révèle déroutante et parfois compliquée à suivre si bien que j'ai eu du mal à y entrer sans être sûre d'y être totalement parvenu.

Il ne ressort pas moins de cette lecture une impression forte marquée par un sentiment de fierté nationale alimentée par une tradition littéraire et parlementaire anciennes faisant fi de la domination continentale qui en prend pour son grade. Les personnages principaux ne sont pas particulièrement sympathiques ou lisibles / compréhensibles, leur psychologie nous échappant parfois alors qu'ils sont entourés d'individus pas toujours des plus plaisants, parfois amusants, bigots, roublards, saoulards ou incultes, bref, une galerie de portraits cocasses.

Un peu ardu mais une tranche de culture islandaise importante.

Titre français : La cloche d'Islande
Titre anglais : Iceland's Bell
Auteur : Halldor Laxness
Première édition : 1943