dimanche 3 décembre 2017

Sur les pas de Geronimo / In Geronimo's footsteps de Corine Sombrun et Harlyn Geronimo


Corine Sombrun est française et chamane initiée en Mongolie*. Parce qu'elle a eu une vision de Geronimo pendant une transe, elle prend contact avec son arrière-petit fils, Harlyn Geronimo, lui-même "homme-médecine" puis se rend aux Etats-Unis pour le rencontrer. Dans ce livre à deux voix, les chapitres alternent entre la voix de Corine qui raconte son partage d'expériences avec le descendant de Geronimo et celle d'Harlyn qui, en s'adressant à son aïeul, lui redonne vie, honneur et toute sa dimension humaine dans le combat qu'il a mené pour essayer de sauvegarder son peuple et sa dignité.

Corine Sombrun raconte cette nouvelle expérience en gardant son humour et la dérision à laquelle ses lecteurs sont habitués, un sens affuté de l'observation et un soucis du respect de la parole reçue qu'elle cherche à rendre avec honnêteté et sans filtre. Quand elle rencontre Harlyn Geronimo, celui-ci l'emmène en voiture, accompagné de ses deux petites filles Harlie Bear et Shania, sur les traces de son ancêtre dans une sorte de voyage initatique. Alors que se développe la complicité des deux protagonistes, Corine découvre des éléments de la culture Apache et fait avec Harlyn Geronimo des rapprochements entre celle-ci et la culture Mongole : le peuple Apache trace en effet ses originaires dans les plaines de Mongolie et serait arrivé en Amérique par le détroit de Béring à une époque très lointaine où le passage était praticable. Pour preuves, on retrouve chez les Apaches la fameuse "tache bleue" dans le bas du dos, caractéristique des descendants mongols, et aussi, beaucoup de similitudes culturelles dans l'habitat, la langue, les rituels ou les pratiques.      

Dans les chapitres intermédiaires, Harlyn parle à son ancêtre pour raconter son histoire : ta naissance au bord de la rivière Gila, ton enfance, ton éducation de jeune guerrier, la révélation de "ton pouvoir", ton mode de vie, tes combats avec les mexicains, les guerres avec les blancs avec tes combats et tes évasions, toutes tes femmes et tes enfants perdus, tes renoncements, ta vie dans les réserves ou à Fort Sill (Oklahoma) où tu es resté "prisonnier de guerre" jusqu'à ta mort en 1909 et où tu reposes encore aujourd'hui, ton sens des affaires et de la valeur de ton nom ...
À son époque, le nom Geronimo était redoutable et faisait frémir. Il fut l'un des derniers chefs indiens à se rendre après avoir tenu en échec pendant des années l'armée américaine. Exilé, il n'a jamais pas pu revoir sa terre natale ni y être enterré. Contrairement à d'autres tribus, son peuple n'a par ailleurs jamais reçu de terres et son arrière-petit-fils mène ainsi plusieurs combats : celui de pouvoir ramener les restes de Geronimo sur sa terre natale pour permettre à son esprit de boucler son cycle selon les croyances de son peuple et celui de retrouver des terres où les Apaches pourraient assurer leur propre indépendance et la transmission de leur culture.

De cette étonnante rencontre, on attend une suite, le moment où Corine Sombrun pourra se rendre en Mongolie, accompagnée d'Harlyn Geronimo pour un retour aux sources.          

Le livre a d'abord été publié en France (2008) où il a eu un fort retentissement, amenant Harlyn Geronimo a y faire plusieurs voyages pendant lesquels il a été reçu partout comme un hôte de marque. La version américaine est sortie en 2014 et pour des raisons pratiques d'édition digitale, c'est celle que j'ai lue. Je pense qu'on y perd un peu de l'humour de Corine Sombrun à la traduction mais on y gagne toute la postface détaillant plusieurs points intéressants sur ce qui s'est passé après la publication française du livre : la réception de l'ouvrage en France, les procédures judiciaires entamées aux Etats-Unis et les obstacles qu'elles rencontrent, la mention de l'utilisation du nom de Geronimo dans l'opération de capture de Oussama Ben Laden jugée abusive pour la famille qui voudrait des excuses. Il est également mentionné que si un voyage commun en Mongolie n'a pas encore pu être organisé, il reste à l'ordre du jour alors qu'un premier contact (médiatisé) a déjà été établi entre la chamane mongole qui a initié Corine et Harlyn Geronimo.

Une histoire à la fois bien triste sur le sort qui a été réservé aux Apaches et aux autres peuples amérindiens mais aussi pleine d'espoir. Occidentale de notre temps, Corine Sombrun continue à nous étonner en jouant ce rôle unique d'intermédiaire et d'interprête pour des peuples et des pratiques souvent traitées avec beaucoup de réserves, méprisées parce que jugées désuètes et obsolètes. Elle donne une ouverture sur des portes mystérieuses et des savoirs ancestraux qui intéressent aussi le domaine des neurosciences dans l'exploration qu'elles font des capacités du cerveau.
Une auteur que j'aime et que je continue à recommander sans réserve pas tant pour l'aspect littéraire de ses livres mais pour ce qu'elle nous fait partager et (re-)découvrir sans jamais porter de jugement, avec curiosité, tolérance, humour et surtout beaucoup d'humanité.

Nota :
* J'ai adoré découvrir le parcours "chamanique" de Corine Sombrun dans : Journal d'un apprentie chamane /  Mon intiation chez les chamanes / Les tribulation d'une chamane à Paris.
Il existe par ailleurs pas mal de vidéos sur youtube avec Corine Sombrun notamment sur les liens de la transe chamanique avec les neurosciences. (Par exemple, une vidéo de 2015 (42') : Corine Sombrun : chamanisme et neurosciences - Nice Futur 5)  
- En refermant ce livre, je ne peux m'empêcher de faire aussi un lien avec une de mes lectures récentes, Retour à Lemberg traitant de droit international et notamment de la notion de "génocide". À plusieurs occasions/époques, les réserves de l'Angleterre et des Etats-Unis y étaient mentionnées comme des freins pour ce qui touche aux questions des minorités avec leurs craintes, en arrière-pensées, qu'un jour celles-ci viennent à attaquer ces États et leurs fondements pour les crimes perpetrés contre leurs ancêtres.
En lien aussi avec les questions difficiles de l'héritage de l'histoire et des questions de la "repentance". 

Titre original : Sur les pas de Geronimo
Titre anglais : In Geronimo's footsteps, a journey beyond legend
Auteurs : Corine Sombrun et Harlyn Geronimo
Première édition : 2008

Tiré du livre :
   "The only good indians I ever saw were dead" (General Philip Sheridan)
   "The more [Indians] we can kill this year, the less will have to be killed the next war, or the more I see of these Indians, the more convinced I am that they all have to be killed or to be maintained as a species of paupers." (General William Tecumseh Sherman)
   "They are the keenest and shwredest animals in the world, with the added intelligence of human beings." (Major Wirt Davis, 1885)
- Not only did the Apaches never obtain title to any property but in 1875, allegedly for economic reasons, the government decided to put into place what they called a "policy of concentration".
- Today the United States earns two and a half billion dollars annually just off the revenue from the natural resources on our lands. But none of those profits are redistributed to the Apaches.
- The Chiricahuas weren't given anything. They were renegades, don't forget. And today they still call us "the tribe without land". So you can understand why I'm fighting so hard for restitution of the lands on the Gila.
- For the majority of us, even if we appear American, our spirit is still the same as our ancestors. Whenever we can, we ride our horses, we breath in the clear air of the mountains on the reservation, we reconnect with our customs, our love of nature, deer, bears, and of our great church, the sky (...) I can assure you that our appearance is deceptive. It's as if we were playing a role, as if we were actors. So, okay, we live in two seperate worlds, but in each of them we try to respect our Mother, the Earth. She is sacred.
- Could a language possibly shape the rhythm with which we express our emotions ?
- Geronimo. It makes me glad, because the name I bear belongs to those who have always fought for freedom and against terrorism.

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