lundi 5 juin 2017

Vernon Subutex - Tome 3 - de Virginie Despentes



Vernon Subutex, c'est un ancien disquaire qui vivotait avant de se retrouver à la porte de chez lui, squattant d'abord chez les uns et les autres (tome 1) puis se retrouvant à la rue et SDF (tome 2). Un protagoniste un peu apathique en orbite d'un monde de musique et de drogue, autour duquel gravite une kyrielle de personnages hétéroclites "à la marge", écorchés par la vie, de l'ancienne star du porno au vieil ivrogne qui a gagné au loto mais cache le magot pour ne pas changer ses habitudes, du producteur sans scrupules à Olga l'ogresse SDF, de celle qui devient Daniel le garçon à la gentille petite Aïcha qui se réfugie dans la pratique religieuse alors que son père n'y comprend plus rien, etc. 

Dans le tome 3, on retrouve toute la bande qui s'est mise au vert, plus ou moins déconnectée des réalités extérieures. Elle forme autour de Vernon une sorte de communauté dans laquelle chacun a trouvé sa place. À intervalle régulier, ils organisent des "convergences", des nuits pendant lesquelles, en communion avec une centaines d'invités même les plus dubitatifs, ils expérimentent sans alcool ni drogue, une transe collective libératrice sous l'influence de la musique mixée par Vernon avec des ondes que lui a laissées Bleach - ami musicien célèbre- avant de mourir.
Mais les réalités du monde les rattrapent. Alors que la France est secouée par les attentats et les crises, la fragile solidarité du groupe est mise à l'épreuve : questions d'argent, ambitions de certains, vengeance du producteur humilié qui les cherche, violence et pertes de repères de la société ...     

Après avoir lu et apprécié les deux premiers tomes de Vernon Subutex, on a forcément envie de boucler la trilogie et j'avoue n'avoir pas été déçue, la série se tient jusqu'au bout.
On retrouve la même écriture brute et corrosive, beaucoup de réflexions sur la société d'aujourd'hui et ses dérives, des phrases courtes ou en tirades, en rafale ou en boulet de canon, des cris de révolte contre la violence, la bêtise et l'exclusion. Un livre de notre époque, qui oscille entre espoir et désespoir, qui interpelle, intelligemment. Virginie Despente donne voix, vie et humanité à toute sa galerie de personnages atypiques qu'on savoure mais qui, soyons réaliste, n'inspireraient pour beaucoup qu'indifférence ou méfiance dans la vie réelle et la société actuelle. Un tableau pas toujours joli joli mais réaliste avec une conclusion qui invite à pousser la réflexion jusqu'au bout avec un peu de prospective, oui, pourquoi pas ...   

Toujours aussi décapant !


Titre : Vernon Subutex, tome 3
Auteur : Virginie Despentes
Première édition : mai 2017

Tirées du texte :
- Les drogues servent à protéger de l'ennui, elles rendent tout intéressant, comme un trait de Tabasco sur un plat trop fade. 
-  C'était une véritable religion, le silence, chez cet homme. On appelle ça de la pudeur mais ça relève plutôt de la constipation verbale.
- On lui a raconté toute sa vie qu'il fallait consommer pour soutenir la production du pays et sur le tard on voudrait la soûler parce qu'elle achète des choses fabriquées en Chine... Il faudrait savoir !
- Pourquoi ils croient que les banlieues sont des usines à merde ? C'est la faute à la loi Debré. À l'époque, ce n'est pas la laïcité qu'on invoquait pour emmerder les immigrés, c'était la lutte contre l'alcoolisme. Dans les bars on faisait de la politique. Et dans les années 60, les Arabes, on n'avait pas envie qu'ils discutent politique...
- Il n'y a qu'un seul drapeau, le même, sur tous les navires. Le drapeau de ceux qui ne payent pas d'impôts, qui ouvrent des comptes offshores, qui trafiquent, qui ne sont pas soumis à la loi commune. Le drapeau du un pour cent et sa cour rapprochée. Les propriétaires sont nés dans des pays différents, ils sont chinois ou arabes ou russes, ils naviguent sous le même drapeau. La langue de la banque est un métalangage. Il a conquis la place de novlangue universelle. 
- On est tous du côté pur. La seule chose qui nous intéresse, c'est de légitimer la violence. Il faut que ce soit pour la bonne cause. Parce qu'on veut bien avoir du sang plein les mains, mais en gardant bonne conscience.
- L'essoufflement de la ferveur chrétienne est un problème bien plus réel que la fréquentation des mosquées. 
- Elles ont leur téléphone à la main comme avant on avait une clope.
- La sécurité est annexe, là-dedans. Tout le monde sait qu'on ne peut jamais la garantir. Ce qui compte c'est la discipline. Qu'on apprenne à obéir à n'importe qu'elle consigne, sans discuter.

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